PAROLE DU JOUR-47

Un décalogue pour sortir ….

Demain, on déconfine ! Avec des mines déconfites ? Pas forcément. Avec une attestation ? Ce n’est plus obligatoire si vous n’allez pas au ski. Avec un masque ? Oui et surtout ne masquez pas votre joie. Prenez aussi sur vous deux tablettes. De chocolat ? Non, vous en avez trop mangé pendant deux mois. Des écrans ? Non, vous les avez trop pratiqués. Je vous propose deux tablettes de paroles  , à ne pas lire en vain. Dix paroles pour agir et ne pas réagir n’importe comment à la sortie demain.

Car nos egos et comportements pas toujours citoyens ne se sont peut-être pas améliorés pendant le confinement. Or, demain, pour tous ceux qui ne sont pas sortis, c’est le retour au vivre ensemble avec ceux qu’on appelle « les autres ». II faut ré-apprivoiser l’altérité, la place de l’autre, se rappeler que chacun de nous n’est pas le centre du monde, laisser la priorité à ceux qui ont moins de chance, accepter de ne pas tout avoir tout de suite. Découvrir de nouvelles formes de partage. Ne pas insulter celui qui ne roule pas assez vite. Trouver des fraises à côté de chez soi. En laisser au voisin. Ne pas cueillir toutes les fleurs. Eteindre en partant. Dire bonjour dans l’ascenseur. Sourire au voisin, même derrière son masque. Laisser sa place dans le bus à plus âgé que soi. Préférer ses pieds à sa voiture pour aller chercher le pain. Ne pas acheter plus quand on a besoin de moins..La liste est longue, fastidieuse, comme celle de toutes les mauvaises habitudes que nous avons prises..

C’est qu’une crise peut en cacher une autre, sauf que l’autre n’est pas cachée mais à ciel ouvert, brûlante, urgente, aux couleurs des alertes orange devenues rouges depuis longtemps. Pour qu’on s’interroge un peu plus, il aura fallu qu’un ennemi invisible nous donne à tous une peur bleue et nous fasse broyer du noir pendant des semaines et pour longtemps encore, à la vue de nos économies , toutes dans le rouge.

 

L’énorme implication des blouses blanches aurait-elle secoué nos consciences endormies et engourdies ? Vous avez dit : épidémie, pandémie ? Que voulez-vous, nous ne l’attendions guère, trop occupés à courir nos guerres ! Pourtant, au-delà de ses effets concrets, multiples et dévastateurs, cette épidémie est aussi une parole adressée à tous, elle qui a brusquement envahi nos vies et les a retournées en profondeur. Alors, qu’allons -nous faire ? La sourde oreille ?

« Nous savons que l’épidémie change si nous changeons », écrivait un auteur italien au début du mois de mars. Qu’attendons- nous pour changer, personnellement et tous ensemble ? Si demain et les jours, semaines et mois qui viennent, nous revenons sans aucun projet de conversion à nos anciens et vieux réflexes, nous serons tôt ou tard rappelés au désert, un désert sans doute plus aride encore. Cela ne vous rappelle t-il pas une histoire ? Celle de ce petit peuple sorti de l’esclavage, promis à la libération, mais qui ne cessa pendant quarante ans de revenir en arrière au lieu de traverser le désert ?

La Bible en parle sans arrêt. Et ce peuple obstiné, entêté et dur d’oreille, c’est nous, aujourd’hui. En effet, nous avons une envie folle de sortie, de terrasse, de fête, de retrouvailles, de liberté et d’insouciance et nous avons raison. Mais sans nos tablettes, où irons -nous ? Lisons -les. Car de même que le peuple hébreu libéré de l’Egypte doit sans cesse faire mémoire de son ancienne captivité pour ne pas y retomber, de même nous devons nous souvenir de ce qui nous est arrivé en 2020 pour ne pas revenir en arrière dans quelques mois ou …quelques semaines.

Dix paroles, pour demain et surtout  après demain :

1.D’être vivant aujourd’hui, le Seigneur tu remercieras.

2. De tous les soignants et de leur dévouement tu te souviendras.
A l’avenir aussi, avec ou sans virus, tu les soutiendras.

3.Sur les plus fragiles autour de toi, un regard différent tu porteras.
La vie des aînés, beaucoup mieux tu comprendras.
Et pour les détenus peut-être tu prieras.

4.Les masques et les gants, par terre tu ne jetteras pas.
A la couture bientôt tu te mettras, le plastique tu maudiras.

5.Des partis pris et des querelles éternelles tu te méfieras.
Des abonnés au ‘non’  tu t ‘écarteras.

6.Les oiseaux revenus chanter tu applaudiras.
Les abeilles sorties butiner, tu protégeras.
Les dauphins à Venise, aux petits-enfants tu raconteras.

7.La course Folle-au-Fric, tu refuseras.
De Solitaire à Solidaire : une lettre tu changeras.

8.En mémoire de l’arrêt forcé, le sabbat tu pratiqueras,
Pour respirer mieux et trouver la paix tu te reposeras.

9.L’humour que peut-être tu as, en sortant tu multiplieras.
Des attestations et mille une protestations, sûr que tu riras.

10.A la peur tu résisteras, l’espérance tu épouseras.
La puissance contagieuse de l’amour partout tu sèmeras.

Moïse : Nina Paley

Un petit décalogue pour sortir demain, c’est toujours mieux que rien.
Il faut se rappeler ce que nous sommes, Genèse chapitre Un :
L’Humain, arrivé sur terre tout à la fin
Après les vers de terre et les monstres marins,
Pour notre humilité, ça fait du bien !

Nous nous pensions modernes, développés, sortis du Moyen-Age
Et Camus nous dit : vous êtes toujours à la même page.
Il y a 50 ans, Adam marchait sur la lune
mais aujourd’hui, il marche sur la tête !

Il est grand temps pour nous, mon Dieu, de remettre les pieds sur Terre .

 

Titia Es-Sbanti, le 10 mai 2020