PAROLE DU JOUR-46

 -LIRE ET ENTENDRE –

Chères lectrices et lecteurs, vous êtes nombreux à avoir transmis vos remerciements et la manière vivante dont ces « paroles du jour » aux formes très diverses vous rejoignent chaque jour. Merci pour tous ces encouragements, témoignages du lien persistant entre nous tous. La vision et/ou l’écoute en direct chaque dimanche du culte vient, sans doute, renforcer cette perception de ne pas être seul.e et même de faire partie d’une communauté ouverte. En cette période nouvelle, de sortie progressive du confinement, la pastorale a pensé continuer cette présence quotidienne la semaine prochaine au moins.

J’ai souhaité ce matin m’interroger sur le rapport, la proximité, la complicité ou la résistance qui adviennent lorsque nous lisons, et la manière dont nous nous approprions le sens , voir le message du texte lu. C’est d’abord la personne qui écrit ou qui parle qui se trouve en situation d’interrogation, de réception du texte, livrant ensuite sa perception, sa compréhension circonstanciée.

«Comprends-tu ce que tu lis ? » demande Philippe à l’Éthiopien, qu’il vient d’entendre lire le prophète Ésaïe. L’homme répondit : «Comment le pourrais-je, si personne ne me l’explique  et invita Philippe à s’asseoir avec lui . Il lui posa des questions à propos du texte. Alors Philippe prit la parole et, en partant de ce texte de l’Écriture, il lui annonça la bonne nouvelle de Jésus. (Après son baptême par Philippe), il poursuivit sa route tout joyeux. (Livre des Actes , chap 8, 24-40)

Ensuite la personne qui entend ou qui lit fait son propre chemin de découverte, d’appropriation et de mise en route. Dans ce texte, elle se vit par une demande de baptême, une adhésion qui entraîne une poursuite de la route prévue mais l’homme est transformé , joyeux. Lorsque nous sommes au bénéfice de la découverte de celui qui parle et me parle alors personnellement, je suis déplacé, parfois bousculé, et décentré pour m’accorder avec cette bonne nouvelle qui me rejoint et m’anime. Cela me permet aussi de me comprendre mais d’une manière spécifique.

A la suite du philosophe Paul Ricoeur, on peut alors dire que se comprendre , c’est se comprendre devant le texte. Dès lors, ce qui est appropriation d’un point de vue est désappropriation d’un autre point de vue. Approprier, c’est faire que ce qui était étranger devient propre. Ce qui est approprié, c’est le propre du texte. Mais le propre du texte ne devient mon propre que si je me désapproprie de moi-même, pour laisser être le propre du texte . Alors j’échange le moi, maître de lui-même, contre le soi, disciple du texte. C’est la ruine  – dira-t-il plus loin –  de la prétention de l’ego à se constituer en origine dernière.

Pour le dire autrement, je suis moi-même dans la relation à l’autre, personne directe certes mais aussi présente dans le texte écrit et transmis. Je me découvre en profondeur dans la relation, je ne suis pas autosuffisant, je ne me suis pas fondé ni ne me constitue seul. Dans la relation au texte et du coup à l’autre et à l’Autre, je découvre et trouve pleinement mon identité propre. Par le texte lu et entendu, le message, le propre du texte devient Parole vivante pour moi aujourd’hui et maintenant. Parfois, j’en ai conscience sur le moment, parfois cette rencontre s’articule avec d’autres rencontres diverses pour faire sens.

Il y a des jours où le texte ne semble pas faire sens au regard des nos situations de vie, et d’autres où, contre toute attente, (ré)entendre par exemple, ce parcours de l’homme éthiopien et ce : « il poursuivit sa route tout joyeux » devient aussi notre mise en route. Mise en route personnelle mais aussi source de transformation collective. 

 

Christophe  Amedro, le 9 mai 2020