Parole bleue 9/21 – Relire l’apocalypse

Relire le livre de l’Apocalypse comme une proclamation de l’espérance vivante au cœur de la nuit !
Nuit, nuit, tu me fais peur,   Nuit tu n’en finis pas ! (1)

Au moment où nous entamons la deuxième année avec la pandémie, nous n’avons pas encore la mesure de tout ce qui change dans notre rapport à nous même comme dans notre rapport aux autres. Assurément, c’est plus que de santé qu’il s’agit, même si celle-ci est pour nous l’horizon immédiat de nos peurs et des projections que nous essayons de faire quant à l’issue. Mais nous avons conscience des effets dévastateurs en termes sociaux et relationnels dont nous n’avons pas encore vu la déferlante. De quoi alimenter nos peurs ou nos tentations de replis sur notre pré carré intime, façon assez particulière de penser qu’on peut survivre indépendamment des autres, de penser que survivre et faire le dos rond, en attendant, est encore ce que nous pouvons faire de mieux.

Le chapitre 21 de l’Apocalypse ne nous dit pas ce qui se passe au jugement dernier, aux jours ultimes, mais ce que Dieu a déjà réalisé pour nos vies quand il nous paraît que la mort nous enserre, que la fatalité nous dirige, que la catastrophe nous menace.

Les premiers versets nous invitent à recevoir une réalité déjà présente, depuis les événements de la Croix à Golgotha et du tombeau vide du matin de Pâques :

1Alors je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre ont disparu et la mer n’est plus. 2Et la cité sainte, la Jérusalem nouvelle, je la vis qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu, comme une épouse qui s’est parée pour son époux. 3Et j’entendis, venant du trône, une voix forte qui disait : Voici la demeure de Dieu avec les hommes. Il demeurera avec eux. Ils seront ses peuples et lui sera le Dieu qui est avec eux. 4.Il essuiera toute larme de leurs yeux. La mort ne sera plus.Il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni souffrance,car le monde ancien a disparu.

Oui, l’événement a déjà eu lieu. Mais il nous faut apprendre à le recevoir comme cette promesse avec laquelle nous pouvons vivre : en Christ, Crucifié et Ressuscité, le monde ancien a disparu.

Ce message bouleversant nous invite à ne pas regarder qu’avec les yeux de l’immédiateté, mais aussi avec ceux d’une confession de foi : en Christ la victoire a déjà eu lieu : je peux vivre d’une autre réalité que celle du deuil et de la vie désespérée et anxieuse d’elle même.

L’Apocalypse n’est donc pas comme la représentation d’un gigantesque et effrayant chaos précédent le temps ultime, mais la Révélation que de Golgotha au tombeau vide, c’est une autre réalité qui nous porte que celle à laquelle nous essayons de faire face.

Le dernier livre de la Bible, avec son onirisme parfois abscons et qui a inspiré tant de récits et d’imaginaires pour mettre les gens devant la peur, nous dit tout au contraire que les temps que nous vivons sont des temps difficiles, que les uns et les autres nous traversons en nous demandant dans quel état nous en sortirons, mais que nous avons dans la toute faiblesse de Dieu tous les éléments de la victoire déjà acquise, de la confiance dans laquelle nous pouvons nous inscrire.

Décrire la Jérusalem céleste avec ses murailles et ses portes vient nous porter en une image protectrice, comme aucune puissance humaine ne pourrait l’être ! Mais il nous faut relire ces quelques mots au cœur de la description du rêve :

23La cité n’a besoin ni du soleil ni de la lune pour l’éclairer,car la gloire de Dieu l’illumine, et son flambeau, c’est l’agneau.Ses portes ne se fermeront pas au long des jours, car, en ce lieu, il n’y aura plus de nuit.

Il n’y aura plus de nuit : il n’y a plus de raison de croire que nous serons anéantis ! Le Dieu qui se révèle ainsi est celui qui nous porte de nos peurs et de nos défaites vers la confiance et l’espérance, d’un monde que sans cesse nous sommes appelés à bâtir : le Royaume de Dieu est tout proche : il est là où les hommes et les femmes espèrent ,vivent dans la confiance qui n’est pas aveugle mais fondée dans la foi en Celui qui était, qui est et qui vient.

Tel est l’Agneau figure de la fragilité : il est vainqueur de ce qui nous brise et nous déshumanise. Ouvrant nos vies à l’infini de l’amour de Dieu, déjà, maintenant !

Jean-Christophe MULLER, le 18 mars 2021

(1) Chant de la bande originale de « La femme de ma vie » film de de Régis Wargnier