De Nicodème à l’Eglise universelle

Pour présenter l’Eglise, l’Ecriture utilise plusieurs images :  un édifice,  un temple;  un corps,  une épouse, un troupeau, et implicitement : une famille.La grande caractéristique de l’Eglise universelle, c’est la rencontre. Chacun apprend la rencontre pour apprendre de la rencontre. Ce n’est donc pas une surprise que le texte du jour nous parle de rencontre : Nicodème et la rencontre avec Jésus :

1.Or il y avait parmi les Pharisiens un homme du nom de Nicodème, un notable des Juifs. 2. Il vint de nuit trouver Jésus et lui dit : « Rabbi, nous le savons, tu viens de la part de Dieu comme un Maître : personne ne peut faire les signes que tu fais, si Dieu n’est pas avec lui.3. Jésus répondit et lui dit : « Amen, amen, en vérité, je te le dis, à moins de naître d’en haut, nul ne peut voir le Royaume de Dieu ».4. Nicodème lui dit : « Comment un homme peut-il naître, étant vieux ? Peut-il une seconde fois entrer dans le sein de sa mère et naître ? »5. Jésus répondit : « Amen, Amen, je te le dis, à moins de naître d’eau et d’Esprit, nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu.6. Ce qui est né de la chair est chair, ce qui est né de l’Esprit est esprit.7. Ne t’étonne pas, si je t’ai dit : II vous faut naître d’en haut.8. Le vent souffle où il veut ; et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit ».9. Nicodème lui répondit : «Comment cela peut-il se faire ? »10. Jésus lui répondit : « Tu es Maître en Israël, et ces choses-là, tu ne les saisis pas?»
(
Jean 3,1-10)

Nicodème est pharisien et notable juif, il est une personne publique et influente de Jérusalem. Comme pharisien, il connait la loi juive et fait partie du conseil qui a autorité pour l’interprétation et l’application de cette loi. Nicodème, dont le nom grec signifie soit « Peuple vainqueur », soit « Vainqueur du peuple » est ainsi au carrefour de la culture grecque et de la culture juive.
Il choisit une heure calme et silencieuse pour rencontrer Jésus. Ainsi cette visite restera-t-elle secrète. Cela confère une note de vraisemblance au récit : il est probable qu’un notable juif ait préféré rencontrer Jésus incognito, alors que la ville de Jérusalem est remplie de pèlerins venus pour la fête de la Pâque juive.  Et Jésus s’est déjà fait remarquer en chassant les marchands du temple, ce qui n’a pas été du goût des autorités juives. 

La nuit selon cet évangile qui aime le langage symbolique, représente aussi la part obscure et ignorante que chacun a en soi. Nicodème le savant va se confronter à la limite de son savoir. Il vient vers Jésus avec une certaine idée de son identité et de son rôle : un envoyé de Dieu qui opère des actes miraculeux. Mais la suite de l’échange avec Jésus lui montrera son ignorance et l’emmènera loin de ses certitudes.

Nicodème dit à Jésus : »Comment un homme peut-il naître, étant vieux ? Peut-il une seconde fois entrer dans le sein de sa mère et naître ? ». Le malentendu est un procédé employé fréquemment dans l’évangile selon Jean. Il nait du décalage entre ce qu’entend l’interlocuteur de Jésus et le message que l’évangéliste met dans la bouche de Jésus. Le malentendu peut être une impasse, ou bien il permet de rendre possible une démarche de compréhension. Nicodème relance le dialogue en posant une nouvelle question. Ses interrogations témoignent de sa perplexité.

Dans la réponse de Jésus à Nicodème, l’évangéliste développe l’image de la naissance en utilisant un langage symbolique. En parlant de « naître d’eau et d’esprit » on pourrait presque dire qu’il joue sur les mots. En grec, le même mot désigne le souffle, la respiration, et le vent. De ces sens concrets découlent le sens abstrait de souffle de vie, d’où l’esprit humain, et le sens religieux d’esprit divin qui insuffle à la vie à l’être humain. La personne née de l’esprit est comparée au vent libre et imprévisible que l’on ne voit pas, mais que l’on entend. La vie de la personne née de l’esprit trouve sa source en Dieu, au-delà de tout savoir humain. Renaître d’en haut, c’est à dire de l’Esprit, c’est recevoir un cœur nouveau (Ez 11, 19).

Cet entretien est riche en enseignement. Il nous dit qu’il est indispensable de se construire un point de vue personnel sur l’homme Jésus-Christ. Il convient pour notre bien d’épouser l’esprit d’ouverture de Nicodème. Sortir de nos cadres de référence, de nos paradigmes, de nos certitudes, pour transiter du savoir vers la connaissance. Le fait de ne pas tout comprendre n’est pas un handicap.

La rencontre de Nicodème avec Jésus symbolise la rencontre de l’Eglise universelle. Nicodème est à la rencontre de Jésus, et c’est bien la rencontre de l’Eglise universelle. Le chrétien est celui qui a en lui Jésus, donc il appartient à  l’Eglise universelle. Mais il ne sera pas Eglise universelle seul.  De même qu’un chrétien a besoin de rencontrer d’autres chrétiens pour progresser dans sa foi et dans son témoignage, de même les Eglises aussi ont besoin des autres Eglises pour approfondir leurs convictions et les mettre en œuvre face aux défis de notre temps afin de vivre l’universalité.

Les fruits d’une rencontre ne sont pas immédiats. Nicodème n’a pas été transformé sur le coup. Il a fallu qu’il fasse son chemin. Et nous retrouverons Nicodème plus loin au chapitre 7 où il prendra la défense de Jésus devant d’autres pharisiens. Et c’est encore lui qui aidera à mettre Jésus au tombeau au chapitre 19.  Ça y est, il aura fallu du temps pour que la rencontre avec Jésus porte ses fruits.

Aucune Église ne peut remplir seule sa mission, parce qu’aucune Église n’est à elle seule l’Église de Jésus-Christ. La rencontre et l’échange sont des outils essentiels au service de la mission des chrétiens et des Églises.
La mission de l’Eglise aujourd’hui, c’est l’annonce de l’Evangile en parole et en acte à tout le peuple. Il faut porter selon la vision de la Cevaa ‘’ L’Evangile à l’Homme et à tout l’Homme’’.
Les liens entre les Eglises tournent autour de la Parole qui est donnée au peuple. Les liens de l’Église protestante unie de France par exemple avec l’Église universelle sont des liens qui consistent en des partages d’information et d’expériences, l’accueil, des visites, des échanges et de rencontres diverses.
La Cevaa – communauté d’Églises en mission renforce bien ce lien. Elle met les Eglises ensemble pour ‘’le vivre ensemble’’ autour de la Parole de Dieu qu’elle diffuse grâce à  l‘Animation Théologique, cœur de la mission et cœur de la Cevaa. Elle offre un espace de débats théologiques et d’approfondissement de la communion entre Églises par l’Animation théologique.  Elle évite le repli sur soi, elle stimule la prière, elle renforce la fraternité par-delà les fron­tières, elle offre de nouvelles perspectives pour la réflexion et le témoignage. Elle fait vivre l’unité dans la diversité et le pluralisme.

Nicodème est allé à la rencontre de Jésus.
Dans nos vies, tout est affaire de rencontre. Et sans rencontre, que serait notre vie ? La rencontre est ce qui nous nourrit, est ce qui fait advenir du nouveau dans nos vies, est ce qui fait naître de nouveau. C’est pourquoi dans cette situation de pandémie où les rencontres sont devenues difficiles, toute l’Eglise vit dans l’épreuve de la foi.

Aujourd’hui, pour bien piloter notre vie, nous comptons toujours sur notre intelligence mais nous avons remplacé la Loi de Dieu par une morale universelle à respecter.  Jésus nous avertit : l’intelligence, le respect des lois religieuse, la morale peuvent nous aider à mieux vivre les uns avec les autres et à bien nous en sortir. Mais ils ne nous font pas entrer dans le Royaume de Dieu. Ils ne donnent pas un sens à notre vie. Ils ne nous sauvent pas. Pour être efficace dans l’Eglise universelle, il nous faut « naître de nouveau », c’est-à-dire remettre la Parole de Dieu au socle de notre vie. Jésus pense à la naissance spirituelle.

Bien sûr, nous naissons avec un bagage génétique.  Bien sûr, nous sommes le produit d’une éducation.  Bien sûr, nous sommes marqués par notre histoire personnelle, par notre milieu social, amical, culturel, national, religieux. Mais nous ne sommes pas que cela. Une dimension de notre être est spirituelle. Et elle agit sur toutes les autres dimensions. Pour nourrir cette dimension et vivre la croissance spirituelle, il nous faut naître « d’eau et d’Esprit ».Pour nous y aider, pour grandir dans cette vie nouvelle, des outils nous sont donnés : la Bible – qui sans cesse nous ramène à Jésus-Christ-, la prière – qui nous recentre sur Dieu-, le culte et la vie communautaire.

Si nous prenons soin de notre être intérieur, alors, peu à peu, la foi éclairera l’ensemble de notre être, et modifiera profondément notre existence et du coup transformera notre société.

Pasteur Omer DAGAN
Secrétaire exécutif CEVAA, Pôle Animations et Jeunesse
Extraits de sa prédication , Nîmes, le 14 mars 2021, Culte à La Fraternité