L’Espérance ne viendra jamais
qu’aux yeux brûlés, aux yeux perdus.
L’Espérance ne viendra jamais
qu’à ceux qui ne l’attendaient plus.
Elle viendra le lendemain
quand les fleurs seront fanées,
quand les guirlandes en papier seront défraîchies,
quand les décors seront démontés.
Elle ne viendra que le lendemain
quand les costumes seront au placard,
les maquillages démasqués,
quand le rimmel aura coulé
et quand la scène sera vide.
Elle viendra pieds nus, à tâtons,
comme un boiteux qui se met à danser
comme un aveugle qui se prend à voir,
comme un sourd qui, d’un seul coup, entend.
L’Espérance viendra comme un matin frileux,
comme un soleil encore dans son nuage.
Elle entrera non par la grande entrée des artistes
mais par le petit escalier des machinistes.
Elle portera son vêtement des commencements
et ses yeux de poème,
ses deux mains de tous les jours,
ses pleines mains de la réalité.
L’Espérance ne nous apportera pas
ce que nous espérions
mais ce que nous n’espérions plus.
Elle viendra comme une étincelle,
un enfant prodigue au moment que j’attendais le moins.
Sa bouche ne sera qu’une parole grande ouverte
comme le tombeau d’un ressuscité.
Jean Debruynne