L’argent…? En tout cas, pas tout seul

L’Entreprise et l’argent, c’est comme la poule et l’œuf : on ne sait pas très bien qui est à l’origine de l’autre. L’Entreprise crée de la richesse, donc de l’argent. L’argent est nécessaire au départ de toute Entreprise pour constituer son capital, aussi petit qu’il soit. La réflexion sur l’argent, sur ce qu’il est vraiment, conduit à une certaine philosophie de l’Entreprise et donc de son objet.

Pour l’immense majorité des gens, l’argent est d’abord synonyme de liberté. Je crois, moi, qu’il est d’abord synonyme de responsabilité. Parce que le billet de cinquante euros que j’ai dans ma poche, qui n’est qu’une convention, sans valeur propre en ce qu’il n’est qu’un bout de papier, est en fait un droit de tirage sur le travail des autres ou autrement dit, du travail en conserve. En remettant ce billet à quelqu’un qui l’accepte, ce quelqu’un va me délivrer un service ou un objet dont j’ai besoin, fruit de son travail. C’est pour ça que Gainsbourg, brûlant un billet de cinq cents francs, en plus de commettre un délit, a, sans le savoir ou le vouloir, fait preuve d’un immense mépris envers les gens en brûlant leur travail.

Cette façon d’appréhender l’argent, une responsabilité plutôt qu’une liberté donne à voir l’Entreprise différemment : au niveau du capital détenu par les actionnaires, l’Entreprise n’est plus un outil de liberté ou d’indépendance mais un outil de responsabilité vis-à-vis des autres. Responsabilité d’abord vis-à-vis des salariés, mon capital est la capacité que j’ai à profiter de leur travail (j’emploie le mot profiter) pour que soit dégagé de l’argent pour recommencer plus grand si ce que l’entreprise dépense est inférieur à la valeur produite et monétisée.
De ce point de vue, on voit que l’argent, sans projet est une calamité qui pourrit tout, qui abîme les familles si le sentiment de liberté, naturel comme première réaction, occulte le sentiment de responsabilité qui lui est consubstantielle. C’est ce qu’il faut marteler aux actionnaires, surtout s’ils sont familiaux, pour donner un sens vrai et durable à l’Entreprise commune. Cela les pousse à s’engager, à s’intéresser, à s’investir.

Si l’argent peut être le carburant de l’Entreprise, le projet en est le seul moteur. Pierre-Yves Gomez, professeur à l’EM Lyon, le dit autrement : ‘’ Une Entreprise ne peut pas avoir comme objet social ‘’Gagnez le maximum d’argent’’ . L’affectio societatis n’y survivrait pas longtemps ; il faut d’abord un projet productif avec ses dimensions économiques, sociétales, environnementales ; le profit n’est qu’un moyen pour rendre pérenne un tel projet ».

Bien sûr, dans la vie économique et sociale, tout doit être nuancé et je ne suis pas un intégriste-moine-soldat-entrepreneur. La cohésion d’une famille-entreprenante autour d’un capital commun doit mélanger projet et rétribution-dividendes qui tel un mortier scelle les briques ensemble, briques qui ont été d’abord assemblées par le projet. Autrement dit, le dividende, fruit économique, in fine, de l’Entreprise est une condition nécessaire mais pas suffisante. Le projet, le sentiment de responsabilité d’entreprendre est le socle de la continuité de l’Entreprise.

 

Alain PENCHINAT
Trésorier-adjoint de l’Eglise Protestante Unie de Nîmes