PAROLE DU JOUR-38

C’est un 1er Mai bien particulier que nous allons vivre cette année ! Fête du Travail, Fête des Travailleurs !
Un jour qui rappelle que la dignité de l’être humain est de pouvoir s’inscrire dans la vie collective par l’acte de création, de production.

Cette année, beaucoup d’entre nous ne travaillent pas comme ils ont l’habitude de le faire habituellement, d’autres sont en forte tension aux limites de l’épuisement, quand certains ne peuvent tout simplement pas faire ce qui est leur travail. Et je ne saurais omettre celles et ceux qui étaient déjà privés de travail, ou qui le sont ou vont l’être, par les effets dévastateurs de l’arrêt de beaucoup d’activités.
Le travail fait partie de notre être : il nous inscrit dans la relation aux autres. Et ceux qui sont passés par la case « chômage » savent à quel point on se désocialise vite. Ceux qui aujourd’hui sont confinés chez eux peuvent mesurer l’importance de ce que cela représente dans le fil de nos jours.

Notre attention a été attirée depuis plusieurs semaines par le rôle des hommes et des femmes qui oeuvrent en milieu médical et hospitalier, mais on voit que les caissières, les logisticiens, et les éboueurs ont également une place irremplaçable dans notre vie sociale alors que nous passions devant eux sans même y prêter attention voilà quelques mois.

Le travail peut être une épreuve, un avilissement : le mot latin vient de « trepalium », torture. Il est parfois présenté comme une malédiction comme en Genèse 3 : Tu travailleras à la sueur de ton front ! Il est parfois une contrainte inhumaine comme dans Exode 2 quand le peuple est esclave de Pharaon et plie sous la férule des contremaîtres au point que les fils d’Israël gémirent du fond de leur servitude et crièrent, et que Dieu entendit leur plainte du fond de leur servitude.

On sait que l’esclavage des Afro-Américains s’est inspiré du livre de l’Exode et de la sortie hors de la terre de servitude ! On connait moins l’anecdote racontée par le théologien Karl Barth : du temps où il était jeune pasteur en Suisse, une grève mobilise des ouvriers qui revendiquent des conditions de vie et de travail décentes. Le jeune pasteur se présente chez l’employeur et raconte qu’il avait le sentiment d’être comme Moïse venant à la rencontre de Pharaon.

S’il est bon de retrouver la veine des Réformateurs qui voient, tant Luther que Calvin, dans le travail la réalisation par chacun de la vocation que Dieu lui donne, il est bon de se rappeler que le travail doit être reconnu comme tel, et donc que chacun doit pouvoir accéder au travail, et y être traité décemment et dignement, parce que nous sommes les uns et les autres des êtres humains aimés et voulus par Dieu, parce que nous croyons que par le travail, nous contribuons à poursuivre l’oeuvre que Dieu a créée.

Dans ce temps de confinement, nous pouvons aussi nous interroger sur la faible place que la valeur du travail représente, devenu comme une variable d’ajustement, ou sur le fait que beaucoup sont cantonnés à des tâches qui ne produisent pas de sens, n’ouvrent pas de fenêtre sur la beauté de la vie avec les autres.

Je voudrais finir par un extrait d’une Pastorale provençale qui a bercé mon enfance. C’est un moment avec le Ravi :

Pistachié – Et tu parles, et tu parles, et tu n’as jamais rien fait de ta vie !

Le Ravi – J’ai regardé les autres, et je les ai encouragés. Je leur ai dit qu’ils étaient beaux et qu’ils faisaient de belles choses.

Pistachié – Et tu t’es guerre fatigué !
(…)

Marie – Ne les écoute pas Ravi. Tu as été mis sur la terre pour t’émerveiller.
Tu as rempli ta mission. Et tu auras ta récompense. Le monde sera merveilleux tant qu’il y aura des gens comme toi, capables de s’émerveiller.

Puissions-nous nous émerveiller du travail qu’accomplissent les autres !

Jean-Christophe Muller, le 1er mai 2020