PAROLE DU JOUR-24

Dimanche dernier, dimanche de Pâques, nous étions à l’écoute du culte ensemble pour beaucoup à 10h30, en différé pour d’autres. Cette importance de la communauté réunie a été renforcée visuellement, sur la chaîne youtube, par les photos d’un certain nombre d’entre nous sur le seuil de chez eux ou dans leur vie habituelle.

A l’écoute oui et participant.e comme lors de chaque culte. Cela a été signifié en particulier par l’invitation, suggérée par la pasteure Claire des Mesnards, à participer à la Cène, instituée sobrement. Chacun.e protestant.e ou pas pouvait ainsi s’associer par tout geste ou pensée choisis, à la fraction du pain et à la coupe partagés.

Alors même que nous vivions ce repas de la cène en l’absence de proximité physique avec les autres convives, il s’en trouvait pour moi, élargi, renouvelé, habité par tant d’autres repas partagés. Par exemple, ces plats variés préparés par des restaurateurs ou des particuliers pour le personnel soignant, traduisant en actes les applaudissements du soir et « rachetant » les actes de rejet dont ils sont victimes parfois.

Ce repas de la cène porte aussi en creux les repas impossibles, comme dans la Peste d’Albert Camus que je parcours en ce moment, et où nous lisons : « la foule, où dominaient les femmes, attendait dans un silence total. Presque toutes portaient des paniers dont elles avaient le vain espoir qu’elles pourraient les faire passer à leurs parents malades et l’idée encore plus folle que ceux-ci pourraient utiliser leurs provisions. La porte était gardée par des factionnaires en armes… » ou impossibles par manque de moyens actuellement pour les familles privées de cantines par exemple, ou pour ceux qui gagnent difficilement leur vie, parfois au jour le jour en France et dans le monde…

J’associais aussi à cette cène partagée, les repas ou la cène même, si importants lorsque l’on est malade :
Je me souviens de Jacques, adulte très atteint, dont la joie était intacte lorsqu’il mangeait les plats préparés par sa mère,
Je suis touché du réconfort qu’apporte la possibilité pour les personnes en soins palliatifs de choisir un tant soit peu ce qu’elles souhaitent manger et au moment le plus approprié,
J’ai en mémoire vive, Madeleine en maison de retraite, qui demande avec persévérance, alors qu’elle est très affaiblie, à participer au culte et à vivre la Cène, qui me regarde intensément à la fin de ce culte, pour me dire adieu et s’en aller quelques heures après.

La cène nous renvoie aussi à l’importance du lien communautaire, fraternel et social : nos repas paroissiaux, d’aumônerie, ceux avec nos hôtes de l’Eglise de Nîmes à la fraternité, tous ces repas donc où nous faisons corps d’une autre manière. Ces repas impossibles actuellement que nous pourrons vivre à nouveau en proximité, le moment venu.

La cène c’est aussi le cercle « familial » qui s’ouvre à l’accueil de l’hôte de passage connu ou inconnu. Chacun.e a des souvenirs d’avoir été accueilli à un repas, à l’étranger par exemple, ou d’avoir accueilli. Pour ma part, je me souviens qu’enfant, mes parents recevaient Pierre, Jean ou Maurice, présentés comme des amis et reçus comme tels.

Ce n’est que plus tard que j’ai réalisé qu’ils sortaient de prison, ce n’était pas l’essentiel ! J’ai été reçu, à mon tour, par des paroissien.ne.s lorsque j’étais étudiant. Plus tard, ce sont des pélerins ou des routards qui ont fait halte à notre propre presbytère.

En vivant la cène qui est aussi partage de la Parole, il nous est donné de vivre aujourd’hui l’évangile et la promesse incarnés en Jésus-Christ. Chacun.e, nous nous les faisons nôtres, à notre manière dans le tourbillon de la vie où peines et joies sont revisitées à la lumière de la croix et de la résurrection.

Savez-vous ce qu’a dit cette plus que centenaire, britannique, guérie du Coronavirus, à sa sortie de l’hôpital ? « J’ai faim » . Dans sa réponse, elle a rejoint un jeune homme qui  a dit, quelques jours plus tôt, à son réveil du coma :  « J’ai faim ».

 

Christophe Amedro, le 17 avril 2020