Parole bleue 9 – Un signe de communion

Chers lecteurs, chères lectrices des Paroles Bleues, il ne vous aura pas échappé que les temps que nous vivons sont propices à des formes variées d’isolement. Favorisé par les conditions sanitaires actuelles et par l’usure qu’engendre leur répétition, encouragé peut-être aussi par la venue des froids hivernaux, un élan de protection invite nombre d’entre nous à se replier sur ce qui nous est le plus familier ; même si des propositions novatrices nous sont parfois lancées ici ou là, et peuvent réveiller en nous des échos joyeux.

L’élan d’auto-protection qui nous habite tant au niveau personnel que communautaire est loin de faire toute la richesse de nos vies. Il en est pourtant aussi un élément nécessaire. Cela nous apparaît particulièrement en temps de crise. Mais si cet élan est bien naturel, comment éviter qu’il ne nous conduise dans le repli sur soi, qu’il soit individuel ou collectif ?

Peut-être s’agit-il moins d’éviter ce repli que de le transformer ; et d’en faire, ensemble, un possible retour sur soi. C’est là l’essence de la religion, comme l’indique une de ses racines linguistiques : relegere qui signifie relire.

Lire à nouveau les Ecritures : ces textes que l’on connait par cœur, comme ceux qu’on a oubliés. Et ceux dont on n’aurait jamais cru qu’ils font bel et bien partie du canon biblique autour duquel se sont rassemblées, depuis des siècles, des communautés !

Lire à nouveau nos expériences ; celles par lesquelles les autres nous connaissent ; celles que l’on n’ose mettre en lumière ; celles que nous avons développées presque à notre insu.

Lire à nouveau l’Eglise et les enseignements dont elle nous a nourris, que ce soit par les rites dans lesquels elle nous a plongés, ou par la parole de tel ou tel pasteur qui fut le nôtre.

Cette relecture serait-elle seulement l’œuvre des théologiens ? Il est vrai qu’elle en est devenue une spécialité, s’instituant dans le monde académique comme une discipline à part entière, sous le doux vocable de théologie pratique. Cela vous paraît un peu trop théorique ? Ecritures, Expérience, Eglise… si l’Esprit Saint s’invite dans cette recette éprouvée, la mayonnaise prend ! Et dans chaque foyer, il peut y avoir matière à se régaler… car tout est déjà là : il n’y a plus qu’à faire son miel… ou bien, en novembre, sa confiture de châtaignes !

Tenez, prenons cet objet que vous connaissez bien : la croix huguenote. En étain, en or ou en argent grâce à l’orfèvre nîmois qui dit-on, l’inventa, peut-être la portez-vous, en toutes circonstances, autour de votre cou. Conviction ? Tradition ? Deux sœurs jumelles ! Vous savez, vous, son histoire. « Celle-ci m’a été donnée à ma confirmation. » « Celle-là, on se la transmet de génération en génération. » « Cette autre me rappelle mes valeurs… » à vous de prendre la suite !

Ah la croix huguenote… en bois, en céramique, ou encore en verre, peut-être la créativité d’un artisan cévenol la fait-elle briller quelque part dans votre maison. Alors, c’est comme la mezouzah que les Juifs placent au montant des portes, pour se souvenir : Ecoute Israël, le Seigneur notre Dieu, le Seigneur est Un. Cela peut devenir, pour nous aussi, un refrain : https://youtu.be/2SkEb6lVjcs

C’est que la croix huguenote, si elle est parfois devenue un objet de notre quotidien, n’est pas pour autant un objet anodin. Il y a davantage de façons de la comprendre que de maisons qu’elle orne : il y a au moins autant d’histoires que de personnes qui la portent. Et lorsque dans la rue, profitant de l’unique heure de sortie quotidienne, nous l’apercevons sur l’inconnu que nous croisons, c’est comme un signe de communion. C’est là aussi l’essence de la religion, comme l’indique son autre racine linguistique, religare : nous relier.

« Placez sur votre cœur et dans votre être les paroles que je vous donne. Pour ne pas les oublier, vous les attacherez sur votre bras et sur votre front. Vous les enseignerez à vos enfants ; vous leur en parlerez quand vous serez assis chez vous ou quand vous serez en route, quand vous vous coucherez et quand vous vous lèverez. Vous les écrirez sur les montants de porte de vos maisons et sur les portes de vos villes. »

Deutéronome 11, 18-20