Et si nous conjuguions l’espoir au présent de Dieu ?
Dans une période où nous sommes dans l’expectative d’une amélioration de la situation sanitaire, à l’heure où l’on nous invite instamment à tenir bon encore quelques semaines, quelques mois, sans pour autant crier victoire; qu’en est-il de notre espérance ? Il est vrai que cette question se pose aisément de par les circonstances actuelles.
L’espérance est-elle autant nécessaire pour nous permettre de continuer la route ? Résulte t-elle de l’un de nos meilleurs mécanismes humains d’auto défense, telle que notre capacité adaptative de résilience, où dépend-elle de l’ordre d’une grâce à recevoir comme la foi ? Posons-nous aussi la question de savoir si nous avons bien identifié ce que nous espérons vraiment, et sur quoi nous nous appuyons pour continuer à l’espérer ? Il est également des comportements liés à l’espérance qui peuvent nous questionner. Par exemple, l’attitude des personnes qui ne s’autorisent plus à avoir une espérance propre par crainte d’espérer en vain et d’être un jour déçus, ou encore, celle des personnes qui traversent de si rudes épreuves, qu’elles ne peuvent tout simplement plus espérer…
Quoi qu’il en soit de cette réflexion dans nos existences, permettez-moi ici et sans aucune exhaustivité, de vous rappeler deux citations profanes ainsi que deux versets bibliques qui nous disent, chacun à leur manière, quelque chose de l’espérance. Peut-être cela contribuera t-il à nous faire gagner un peu de sérénité sur le sujet ?
Commençons avec une citation bien connue, au moins pour sa 1ere partie, du poète Paul VALERY : « L’espoir fait vivre, mais (ajoute t-il) comme sur une corde raide. » La précision d’une « corde raide » nous oblige, me semble t-il, à considérer que si l’espoir qui nous sied nous aide comme une force ou un courage à assumer les contrariétés de l’existence, cet espoir traduit un état quelque peu ténu, sur un fil, et par là relève d’un fragile équilibre. Il semble donc que la muse du poète sétois, ait eu elle-même difficulté à délivrer son artiste d’une espérance assombrie par un réalisme certain.
Il est une autre citation, anonyme, qui précise que : « si l’espoir fait vivre, l’attente fait mourir ! » Cette dernière, résonnera aisément à nos esprits compte tenu de la pandémie qui n’en finit pas. On nous avait d’abord annoncé trois semaines de confinement tout au plus, et nous vivons depuis un an entre les durcissements et les assouplissements, pas toujours cohérents, des règles sanitaires… Dans notre citation, l’attente « tue » au sens où à force d’espérer sans ne rien voir venir d’heureux, c’est le désespoir qui promet d’arriver. Faut-il alors apprendre à considérer que si l’espoir fait effectivement vivre, il ne faut surtout pas et uniquement vivre pour espérer ou vivre pour attendre seulement un dénouement. Où est-il écrit qu’il faille attendre que Dieu ou pour d’autres le destin, change les choses d’un coup de baguette magique ?
A titre personnel, l’espoir qui me fait vivre m’apprend à demeurer dans le présent avec quiétude et à tenter de l’assumer ainsi, notamment lorsque les circonstances sont difficiles. Ce type de « présent » qui vient au monde par l’espérance, prodigue une tranquillité profonde de l’âme, de l’esprit et du cœur. Ainsi, si « espérance » il y a, c’est surtout pour faire advenir au monde ce « présent » là. Il s’apparente à une force, une énergie ou encore à un pragmatisme qui, dans un ici et maintenant, nous est complètement donné. Il donne la possibilité que nous habitions la vie en propriétaires et non plus en locataires. Il n’y a ici rien à acquérir ou à acheter mais tout à recevoir pour être et pour faire.
Pour en donner une image, certes imparfaite mais plus familière, je pense au ronronnement paisible du chat tranquillement installé sur les genoux de son maître ou de sa maîtresse. Son état d’être et de faire, « son agir », n’est point de remuer ciel et terre pour tenter de manger la souris qu’il espère, à distance, depuis le premier confinement, mais tient plutôt, et sans paresse, d’un autre type de rapport au présent. Dans son « présent », le chat qui ronronne se repose de ses oeuvres, il se détache de la performance de celles-ci, pour finalement se plaire à être et à faire « ronron » paisiblement. On l’aura compris, notre minou est davantage celui de Marie que celui de Marthe, il a lui aussi choisi la bonne part qui ne lui sera pas enlevée (Luc 10, 38). A mon sens, il n’est d’espoir qui fait vivre que celui-là !
C’est un peu comme si le ronronnement paisible du chat avait pour équivalence humaine, un état paisible d’écoute et de prière que l’espérance actualiserait concrètement. Ne pourrions-nous pas alors méditer avec le psalmiste du Psaume 42 ? Mettre nos mots ou « nos maux » sur les siens pour nous faire du bien en disant avec lui : « Pourquoi t’abats-tu, mon âme, et gémis-tu au dedans ? Espère en Dieu, car je le louerai encore; Il est mon salut et mon Dieu ». Il est intéressant de remarquer la distance qu’induit le psalmiste dans son auto-interpellation. En effet, il distingue entre le « tu » de son âme : « toi mon âme, espère », le « je » de sa conscience : « je louerai encore », et le « il » de Dieu : « il est mon salut ».
En opposition au narcissisme, cette distance indique qu’un dialogue ouvert et constructif avec soi-même est tout à fait envisageable et sans doute souhaitable. Un dialogue faisant évoluer d’un état où nous nous sommes épuisés en des oeuvres perdues pour espérer changer le monde autour de nous, à un état où l’espérance est la clé qui ouvre la porte d’un présent où nous ne sommes plus tout fait seul avec nous-même. Un « présent » tranquille, paisible, parce que désormais peuplé par Dieu. Ce n’est plus le monde qui change autour de nous mais notre rapport au monde qui évolue vers un présent donné et habité par une ferme espérance (Hébreux 11,1).
Ce « présent » là ne s’achète pas, il n’a point de prix, il est simplement donné dans un vivant espoir qui le fait advenir. Je me répète, mais ma conviction est que l’espoir qui nous fait vivre n’est que celui-là. Il s’incarne dans un « présent » qui fait coupure, frontière avec l’obscurité (tout ce qui nous fait mal), il devient même « chair »… Pour autant, le « présent » de ce vivant espoir ne fait pas l’économie des promesses futures. L’apôtre Paul notamment, par sa vie et ses écrits, en témoigne. Aux prises de maintes et difficiles épreuves et peines d’emprisonnements, Paul, plus que bien d’autres, nous dit quelque chose de cet espoir qui fait vivre dans ce « présent » qui est, non seulement peuplé par Dieu mais également peuplé de ses promesses. Nous terminerons par l’une d’entre elles qui, toute proportion gardée, conviendra à notre actualité : Les souffrances du temps présent ne sauraient être comparées à la gloire à venir ! (Romains 8, 18)
Très librement, je vous invite à la prière :
La nuit tombe, la tempête rage, la joie se flétrit, les amis se retirent,
mais tu es là, Seigneur. Toujours !
Mon corps s’épuise, mon esprit se perd, ma foi ne sais plus,
mon espoir s’éteint, mais tu es là, Père. Encore !
Mon cri jaillira vers Dieu, mon soupir s’assouvira en lui,
ma prière rejoindra mes frères, ma louange tarira toute plainte,
car mon âme s’attache à toi. Mon Dieu !
La lumière éclaire ma nuit, la gloire déchire le nuage,
la reconnaissance chante en moi, la paix me saisit,
car mon cœur espère en toi. Éternel !
Amen
Thierry AZEMARD, le 11 mars 2021