Mon histoire se passe à Madagascar, à Antalaha exactement, sur la côte est, au nord de l’île. Un Vaza, c’est-à-dire un patron blanc, un étranger, allait fêter Noël avec une famille d’amis malgaches. Ce 24 décembre à Antalaha avait été une magnifique journée, 34°, grand soleil adouci par l’alizé venu de l’océan. Au retour de la plage toute la famille profitait de la fraicheur du soir sous la véranda en attendant le départ pour le culte de la veillée de noël dans la nouvelle chapelle de la plage.
Un des enfants s’approche du Vaza : tu sais Vaza, au moment de la naissance du Christ tous les arbres de Madagascar tournent leurs feuilles à l’envers pour honorer l’enfant Jésus !
Vaza : Foutaises ! Comment voulez-vous que les arbres tournent leurs feuilles à l’envers !
Tous les enfants (en chœur) : Si si , c’est vrai !
Vaza : –Vous l’avez déjà vu ?
Enfant : Non car à cette heure nous sommes au temple pour fêter sa venue.
Vaza : C’est bien ce que je pensais, c’est une légende !
Enfant : Tu as tort Vaza, même les anciens en parlent !
Vaza : Et bien comme il faut quelqu’un pour rester avec les bébés et garder la maison, je vais rester ici et je verrai bien si les feuilles se tournent vers le ciel à minuit !
Tout le monde est parti, il fait bon sous la véranda pour le Vaza allongé sur son transat. Au loin on entend les rouleaux de l’océan proche qui se brisent sur la plage et quelques brides des chants de noël apportés par le vent. Le Vaza fatigué s’est endormi ; quand une petite chatouille sur son visage le fait sursauter. Une branche de bananier au-dessus de sa tête se balance doucement et ce souffle léger a dû le réveiller !
Vaza (d’une voix endormie) : Alors tu vas tourner tes feuilles toi, il parait ? Tu fais ça quand ? Je ne veux pas rater ça !
Bananier : Oh, Vaza incrédule, je vais te prouver que tout ceci est vrai même si je ne connais pas vraiment l’origine de cette histoire. Mais va voir le grand manguier près du lavoir, je crois que c’est le plus vieux d’Antalaha, il doit savoir !
Manguier : Ami Vaza, j’ai toujours vécu dans cette cour. Bien sûr tous les 24 décembre je tourne mes feuilles pendant quelques minutes avant minuit pour fêter Noel mais je ne connais pas l’origine de cette histoire. Certainement que les arbres de la forêt pourront te renseigner eux. Va donc voir l’arbre du voyageur il te conduira. Il connait toutes les pistes de la forêt.
Le narrateur : Mais l’arbre du voyageur ne connaît pas plus l’origine de cette histoire que le grand manguier. Notre Vaza est tout déçu !
Arbre du voyageur : Allons voir ensemble Mpanjaka n’ny ala, le roi de la forêt. Lui saura te raconter tout cela ! Installe-toi dans mes branches et garde ton calme, je t’emmène. Nous allons survoler la grande forêt.
Le narrateur : c’est ainsi que notre vaza incrédule partit pour le cœur de la forêt, confortablement installé dans l’arbre ! Drôle d’impression de survoler, comme avec une montgolfière ce splendide paysage malgache. Des pistes courent joignant de petits villages où quelques lumières témoignent de la veille des hommes dans cette belle nuit de Noël. Les collines défilent, coupées de rivières. Des fleuves teintés de rouge par la terre arrachée aux montagnes comme si le sang de Madagascar coulait vers l’océan ! Ce sont de grandes étendues dénudées. Puis enfin voici la forêt qui défile sous les yeux tous ronds du Vaza qui n’ose ni bouger ni parler. Tout à coup, le voyage s’arrête, l’arbre du voyageur a de nouveau planté ses racines en terre devant un arbre au tronc immense, se dressant tout droit, bien haut dans un ciel éclairé par la lune.
Arbre du voyageur : Vaza tu es arrivé. Tu as devant toi le Roi de la forêt.
Roi de la Forêt: Alors, c’est toi le Vaza incrédule ! Saches que l’histoire des feuilles retournées à Noël est absolument vraie et voilà comment tout a commencé : j’étais alors un tout jeune arbrisseau quand cela s’est produit. A ce moment-là, le Roi de la forêt était un ANDRAMENA, c’est-à-dire un bois de rose très, très vieux. Quand il vit l’étoile scintiller si puissamment dans le Nord Est, il sut qu’était né le fils du Créateur. Il l’annonça à toute la forêt. Mais comment fêter dignement cet évènement ? Il eut l’idée d’une grande danse où tous les habitants de la forêt participeraient. Son idée fut adoptée joyeusement par tous! Aussitôt tous les arbres se mirent à sauter, pirouetter, faire des sauts périlleux avant, arrière, dans un nuage de terre, de feuilles, et de branches cassées et dans un vacarme épouvantable ! Imaginez les AZOMAHINTINA, les bois d’ébène, les ANDRAMENA ou bois de rose et autres AZOVOLA, les palissandres dansants sur leurs branches, racines en l’air. Quand tout s’arrêta, il y avait un beau désordre et pas mal de dégâts ; les Palétuviers n’avaient même pas réussi à démêler leurs racines !
Voyant cela le Roi décida que pour fêter la venue du Fils de Dieu dans la paix ; les arbres de Madagascar tourneraient majestueusement leurs feuilles vers le ciel quelques minutes avant minuit le soir du 24 décembre.
N’oublie pas cela, Vaza incrédule, c’est la création toute entière qui tressaille de joie à la venue du Fils de Dieu et qui entre dans la grande fête de Noël.
L’arbre du voyageur (s’avançant timidement vers le baobab) : Majesté, si vous le permettez, je souhaiterais demander une faveur au Vaza.
Le roide la forêt : Nous t’écoutons, frère arbre, parle !
L’arbre du voyageur (s’inclinant devant le baobab) : Je vous en remercie Majesté ! (puis se tournant vers le Vaza) Vois-tu Vaza, maintenant tu vas retourner parmi les hommes. Je voudrais te charger d’un message pour tes frères humains car vois-tu depuis quelques années, malgré notre joie pour l’arrivée de Jésus, nous avons le cœur bien lourd.
Tu as vu pendant notre voyage ici toute notre forêt dépouillée de ces grands arbres qu’étaient les bois de rose, ébène, palissandre, et combien d’autres encore. ! De grandes étendues sont brûlées pour les cultures et les incendies déclenchés par les hommes. Elle est presque morte notre belle forêt. Et la tristesse qui nous habite nous empêche à présent d’entrer pleinement dans cette joie de Noël
Le roi de la forêt : Bien parlé; arbre du Voyageur ! Vaza, toi qui parle le langage des hommes, je t’en prie, plaide notre protection pour que la grande et somptueuse forêt de Madagascar ne soit pas saccagée. Ainsi quand nous tournerons nos feuilles vers le ciel dans une louange muette nous serons encore pleinement habités de joie.
(retour au début de la scène avec le Vaza sur son transat sous la véranda près du bananier, dans un coin le baobab redresse ses branches noueuses en faisant entendre un grand bruit de cloches, le Vaza se réveille en se frottant les yeux)
Vaza : J’ai dû dormir, il y a bien des cloches qui sonnent, mais ce sont celles des temples et des églises qui disent la joie des hommes pour la naissance du Sauveur. Pourtant maintenant je sais que c’est la Création tout entière qui se réjouit de la venue du Sauveur et qui chante et danse sa louange au Dieu de la Vie. En même temps, une voix en moi me dit qu’il est temps de porter un regard neuf sur cette Création tellement magnifique et aussi fragile que la vie d’un enfant. Je vais y réfléchir ! Ah tiens, voici mes amis qui reviennent du temple, ils sont tout joyeux….
(tout le groupe rentre en chantant le chant zoulou)