La maison de Dieu..où ça?

Où Dieu peut-il bien habiter ? où aimerait-il habiter ? Ces questions, apparemment  naïves, ne le sont pas tant que ça lorsqu’on regarde l’histoire du christianisme, l’architecture que celui-ci a laissée, et surtout : les conquêtes du pouvoir qui ont jalonné les siècles passés et qui se sont notamment exprimées à travers la construction d’édifices ne faisant pas toujours l’éloge de la diversité. La tentation du  « pouvoir des clés » n’est jamais loin.

Le fil conducteur de la journée caté du 14 mai -« la clé du temple » – nous a fait découvrir des textes bibliques qui interrogent le sens même de l’expression « maison de Dieu ».

Ainsi, le 2ème livre de Samuel nous présente un roi David installé dans son palais et dans la célébrité, fort de sa puissance militaire et de sa richesse. Pourtant, quelque chose le tourmente et un jour, il se confie au prophète Nathan : « J’habite un palais somptueux, mais l’arche de l’alliance du Seigneur n’a pour abri qu’une tente de toile. Qu’en penses tu ? »
Nathan réfléchit. La nuit suivante, Dieu lui parle et lui demande de transmettre le message suivant  à David :“Ce n’est pas toi qui me construiras un temple où je puisse habiter. Je n’ai d’ailleurs jamais habité dans un temple, depuis le jour où j’ai fait sortir d’Égypte le peuple d’Israël, jusqu’à aujourd’hui. Au contraire, j’ai accompagné mon peuple  en n’ayant qu’une tente comme demeure. (…) c’est moi qui vais donner à Israël mon peuple un lieu où je l’installerai  … ». 

Etonnant passage ! Voilà un roi puissant, qui veut faire plaisir au Seigneur, en lui construisant un temple mais ses bonnes intentions sont refusées : Dieu lui fait savoir qu’il n’en a pas besoin, il préfère le camping à l’Elysée ! Sa réponse ne ressemble pourtant ni à jugement sévère, ni à une interdiction, c’est plutôt une recommandation, un appel à écouter autrement, plus en profondeur, au dedans de soi.

Dieu oblige David à réfléchir : tu veux me construire un temple ? Pourquoi  pas, mais  bon, n’oublie pas que ce n’est pas ça le plus important. Rappelle- toi l’histoire de ton peuple, d’où tu viens, ce que tu es appelé à vivre, quelle mission je te confie..
Ça fait penser au nouveau vocabulaire apparu avec le covid lors du premier  confinement..vous vous rappelez ? Cette distinction qui fut faite, dans la précipitation, entre les commerces « essentiels» et les «non essentiels». Oui, il y a des moments où la vie et ses contraintes font surgir d’autres questions : ai-je besoin de tout ce que je possède, construis, achète ? Qu’est -ce qui est vraiment  important ? Les pâtisseries sont-elles plus essentielles que les librairies ?

De tous temps, les humains ont voulu loger, abriter leur Dieu. Mais derrière cette volonté, n’y aurait il pas le désir logique de la réciproque, à savoir : obtenir, en échange, le soutien et l’appui de Dieu ?

D’autre part, vouloir bâtir une maison pour Dieu, qu’est ce que cela signifie ? Dieu en a -t-il besoin ? Cela pose la question de la Volonté de Dieu que nous évoquons quand nous disons le « Notre Père » : ce que ce nous souhaitons faire « pour » Dieu,  est-ce vraiment ce qu’il attend de nous ?

Au final, le roi David ne bâtira pas de temple, car il va s’engouffrer et s’embourber dans bien des problèmes, politiques et personnels ! C’est son fils Salomon qui fera construire un temple immense , un « Elysée » du feu de Dieu.
Après Nathan, d’autres prophètes suivront,et ne cesseront d’avertir les rois d’Israël sur la nécessité de ne pas perdre de vue que ce qui compte pour Dieu est la recherche d’une vie digne et juste pour tous. C’est de chercher, non pas à éblouir les humains mais à éclairer le sens de leur vie.

Malheureusement, guerres, divisions, conquêtes et invasions vont se succéder au cours de l’histoire d’Israël : le somptueux temple de Salomon sera détruit par l’empire Babylonien, et une partie de la population exilée, déportée à Babylone. Alors, privé de temple et de terre, le peuple d’Israél devra se ré-interroger, se demander pourquoi il est là, ce qu’il fait sur terre…Est-il soumis à un destin ou promis à une destination ? « Seigneur, vois nos malheurs et nos épreuves ! «  dira t-il. OU es tu ? Où habites tu ? Que veux -tu de nous ?

Crise religieuse, culturelle et  sociale, exil, pertes de racines.. Le peuple d’Israël devra s’interroger sur sa foi, et se demander  quelle est la volonté de Dieu. Non pas : on fait ce qu’on veut mais que ta volonté, Seigneur, soit faite. Il faudra apprendre à vivre autrement,à recentrer la vie sur ce qui compte vraiment.

Où Dieu habite t-il ? Avec la venue de Jésus, cette question connaitra un retournement complet. Car en nous donnant son Fils, Dieu décide de se révéler autrement que par une invisible présence. Il décide d’habiter notre monde à travers une personne  : Jésus-Christ.
Comment Dieu pourrait -il avoir besoin d’un temple alors qu’ il nous donne son Fils ! Un fils qui passera la plupart du temps sa vie dehors, à traverser les frontières. Rappelez-vous : pas de place pour lui à Bethléem, à sa naissance, puis embarqué à dos d’âne avec ses parents, en fuite vers l’Egypte, comme un réfugié, pour  échapper au  roi  Hérode sanguinaire. Puis, à l’âge adulte, il devient ce juif itinérant qui traversera de long en large ce petit territoire de Palestine pour aller à la rencontre de tous, petits et grands, pauvres ou riches.

Jésus annoncera la Bonne nouvelle, et pour cela il prêchera dans les synagogues mais surtout : il prêchera en plein air. Dans la plaine, au bord du lac, dans la montagne, sur la place des villages, en bordure des villes.. Personne ne pourra le retenir, pas même la mort puisque le dimanche de Pâques, son tombeau sera retrouvé vide. Le Christ est ici et il est ailleurs, présence qu’on ne peut enfermer dans aucun édifice. Quand les amies de Jésus se rendent à son tombeau au petit matin du jour de Pâques, un messager vient leur dire : «Vous cherchez le crucifié ? Il n’est pas ici, au tombeau, mais allez en Galilée, c’est là que vous le verrez ». Et la Galilée, c’est  quoi sinon le symbole du vaste monde !

Lorsque Jésus parcourt les villes et les chemins de campagne, certains, saisis par son message, sa personne, manifesteront leur désir de le suivre, de vivre, d’être avec lui, d’habiter avec lui.

Ecoutez ce passage  dans l’Evangile de Luc au chap 9, 57-59 :
Ils étaient en chemin, lorsque quelqu’un dit à Jésus : « Je te suivrai partout où tu iras ! » Jésus lui dit : « Les renards ont des terriers et les oiseaux du ciel ont des nids, mais le Fils de l’homme n’a pas un endroit où reposer sa tête.

Nous devons bien-sûr nous réjouir d’avoir des lieux de rassemblement et de prière comme les temples et les églises mais en même temps , la réponse de Jésus dans ce passage nous rappelle que le Souffle de l’Esprit traverse tous les lieux et toutes les pierres. L’Evangile de Jésus-Christ n’a pas d’adresse, c’est un chemin.

Amen

 

Titia Es-Sbanti

Prédication pour le culte caté du 14 mai 2022 , temple du Mas des abeilles.

https://nimes-eglise-protestante-unie.fr/la-cle-du-temple/