Mais pourquoi moi ?

Samedi catéchétique (Février 2018 ) : « Mais enfin, pourquoi moi  ? »  C’était la protestation inquiète du prophète Jérémie (chapitre 1, 4-10)  lorsque Dieu vient le chercher au fond de sa campagne. Ce samedi-là , la paroisse du Mas de Abeilles, des plus petits aux plus grands, s’est penchée sur le sens de la vocation, en compagnie de deux témoins, Mathilde et Stéphane LOPEZ. Eliane Diény raconte :
« Ils sont devant nous : un couple de jeunes simples et beaux. Ils nous racontent leur vie avec sobriété et justesse. Dieu les a cueillis au bord du gouffre. Il les a saisis et reconstruits, l’un et l’autre, l’un par l’autre. C’est leur témoignage que nous avons reçu ce samedi 10 Février au Mas des Abeilles. Leur foi les a sauvés, l’Espérance les a portés car ils sont restés à l’écoute de Dieu. Nous aussi restons à l’écoute de Dieu. Engageons -nous ! Osons témoigner comme l’a fait le prophète Jérémie. Malgré ses réticences, ses résistances, Dieu l’a choisi tel qu’il était pour lui ouvrir un chemin au service de son peuple ».

PREDICATION  (Jérémie  1, 4 à 10)

Dieu appelle Jérémie à devenir son prophète
4. La parole du SEIGNEUR me parvint :  5. Avant que je ne te façonne dans le ventre de ta mère, je t’avais distingué ; avant que tu ne sortes de son sein, je t’avais consacré : je t’avais fait prophète pour les nations.6. Je répondis : Ah ! Seigneur DIEU, je ne saurais parler, je suis trop jeune ! 7.Mais le SEIGNEUR me dit :  Ne dis pas : « Je suis trop jeune. ».Car tu iras vers tous ceux à qui je t’enverrai, et tu diras tout ce que je t’ordonnerai. 8.N’aie pas peur d’eux, car je suis avec toi pour te délivrer— déclaration du SEIGNEUR. 9.Alors le SEIGNEUR étendit la main et toucha ma bouche ; puis le SEIGNEUR me dit : J’ai mis mes paroles dans ta bouche. 10. Regarde, je te donne en ce jour autorité sur les nations et sur les royaumes pour déraciner, pour démolir, pour faire disparaître, pour raser, mais aussi pour bâtir et pour planter.

NoN
Jérémie, c’est l’homme qui dit NON à Dieu : non, je ne veux pas pas, je ne peux pas !  Ce jeune homme refuse d’ entrer au service de Dieu. Jérémie serait-il un adolescent ? un révolté ? les deux ? Allez savoir. En tous cas, j’aime beaucoup ce passage. Il m’accompagne depuis 30 ans..Voilà en effet, un grand prophète, missionné par Dieu, et qui dit « je ne sais pas faire, je ne suis pas capable » ! Oui, franchement, ça fait du bien de voir une grande figure biblique qui se comporte un peu.. .comme nous qui ne sommes pas des prophètes.

Trop jeune ?
« Trop jeune, je suis trop jeune »  – dit-il au Seigneur – je ne peux pas te servir. On n’entend pas souvent cette phrase dans nos Eglises !. En général, c’est plutôt : « je suis trop vieux, place aux jeunes, place à la relève ! »Un cantique qui conviendrait à notre prophète, c’est le n° 427 -version très protestante qui pousse la négation de soi jusqu’au bout -« tu me veux à ton service, moi qui sans toi ne suis rien… ». Si Jérémie avait eu le recueil Arc- en Ciel entre les mains, il aurait sans doute rajouté : « et même avec toi, je ne suis rien et d’ailleurs, laisse moi être rien, s’il te plaît Seigneur ».
Dieu appelle Jérémie et celui-ci  répond : « Non et non, je ne serai pas ton bénévole ! » Sous-entendu : je n’en ai pas les moyens et je ne veux surtout pas les avoir (au cas où tu me les donnerais quand-même). Jérémie, c’est l’homme qui se plaint. Savez- vous que ça s’entend quand on lit le texte en hébreu ? Il y a tout un jeu d’assonances, une « musique », une sonorité de la plainte grâce à la succession de sons en  « i » (très évocateurs). Je vous propose de l’entendre. Voici,  en hébreu, la protestation de Jérémie : « ah Seigneur, je ne saurai parler, je suis trop jeune ! «   donne ceci  : ani, adonaï, hinéï, lo yadati, dabar ki  naar anoki !
Ce n’est au bout de 4 chapitres et 19 versets que Jérémie ouvre de nouveau la bouche, pour dire une parole d’une grande profondeur :  « ah, que mon ventre me fait mal  » .Le voilà qui « somatise » !   dirait-on aujourd’hui. Pauvre Jérémie, décidément, il n’a vraiment pas  le profil du poste …Savez -vous qu’il est à l’origine d’une expression populaire : « arrête tes jérémiades » ?

Pourquoi moooooi ?
Jérémie était un homme sensible et tourmenté à la fois, qui aimait le calme et la solitude. Et voilà que le Seigneur va le chercher, lui   !   « Mais enfin, pourquoi moooi ? Pourquoi pas un autre ? »
C’est bien ce que l’on dit ,n’est-ce pas ..Quand vous  êtes bien calés au fond d’un fauteuil en train de regarder une video, et qu’un de vos parents vous dit : va mettre la table ». Ou que vous avez envie de sortir et qu’il vous dit : « reste à la maison pour garder ta petite sœur.. », avouez que vous avez parfois envie de dire : « mais pourquoi MOI ??
Imaginez donc ce que cela doit être quand c’est le Seigneur qui vous appelle, et pour des choses beaucoup plus difficiles que mettre la table ou garder sa petite soeur .. !
Oui, je comprends Jérémie aurait tellement aimé poursuivre tranquillement sa vie. Il se préparait à devenir prêtre , comme son père.. : un chemin tout tracé : s’occuper des affaires religieuses du Temple de Jérusalem, sans trop se poser de questions, sans avoir à affronter le peuple.. fonctionnaire de Dieu, s’occuper de la « religion »..
Mais Dieu est venu le chercher, lui, Jérémie, qui aurait  tellement voulu se faire tout petit et devenir l’homme invisible, ou encore se faire oublier … Le problème , c’est qu’en général,  ça ne marche pas. Avec Dieu non plus.

Peur
Mais en même temps, Jérémie dit « non » avant  de savoir ce que Dieu va lui demander . Cette incapacité qu’il invoque serait-elle un prétexte ? Avant même de recevoir sa feuille de route, il s’affole. Ça fait déjà mal alors qu’il ne s’est rien passé.. C’est comme quand vous devez faire un vaccin chez le docteur : assis sur la table, vous lui tournez le dos. Vous ne voyez rien, et vous avez peur; il ne vous a pas encore touché que déjà vous dites : « aïe ».  Alors : trop jeune, le Jérémie ? Incapable ? Qu’est ce qui, au fond, lui fait peur ?
Et nous ?

Pas une exception
Dans la Bible, il n’y a pas que Jérémie qui essaye de se défiler. C’est pareil pour Gédéon dont l’excuse sera  la suivante : « je suis le plus petit de ma  famille … » (Juges 6, 15). Pareil pour Jonas qui, à l’appel de Dieu pour aller à Ninive (Irak) s’enfuit dans la direction opposée (Espagne). Pareil pour le grand Moïse : face à la mission que Dieu lui confie, il invoquera ..son bégaiement. Pareil pour Salomon : appelé à succéder à David, il dira : « moi qui ne suis qu’un tout jeune homme, et ne sais comment gouverner.. » Littéralement  : qui ne sais pas sortir et entrer.
Mais quand Dieu a besoin de quelqu’un, il n’y va pas par 4 chemins : « il te faudra déraciner, démolir, planter et construire »..Il s’agira pour Jérémie de dénoncer les injustices, les dirigeants avides de s’enrichir et de profiter de leur pouvoir. Il lui faudra critiquer la corruption d’un peuple –SON peuple, autrement dit : dénoncer ses propres concitoyens !  De quoi s’attirer non pas des amis mais des ennuis et des ennemis.  Déraciner l’injustice et bâtir la confiance…C’est une question pour nous aussi : qu’est-ce qui aujourd’hui, dans notre monde (et dans l’Eglise) doit être déraciné ? Et que nous faut-il planter,  reconstruire  ?

La façon de Dieu
De quelle manière Dieu s’y prend t-il ? Dieu dit à Jérémie : « Avant même que tu naisses, je te connaissais ». Ça alors, le Dieu de la Bible nous connaitrait-il à ce point ? Où est notre liberté alors ? Peut-on encore  faire un pas sans qu’ Il nous dise : « je  savais que tu agirais ainsi.. ».
Ensuite : « je te fais prophète des nations.. ». Autrement dit : être envoyé par Dieu pour faire le « sale boulot», devoir dire aux gens tout ce que ceux -ci ne veulent pas entendre. Oui, mais c’est aussi combattre l’injustice, et ça c’est tout de même essentiel. Quelqu’un comme Martin Luther King, par exemple, n’a pas combattu pour rien, même si c’est au prix de sa vie.. Pareil pour Gandhi; et tant d’autres encore. Mais une des difficultés, c’est : comment être placé comme prophète pour le monde dans un monde qui n’en veut pas ? Dieu n’envoie t-il pas Jérémie au casse-pipe ?
La réponse est dans le texte.  Tu dis que tu es trop jeune , dit le Seigneur à Jérémie – Ce n’est pas la peine de me le dire; je le sais. Tu n’as pas besoin de te justifier auprès de moi. Je connais tes points faibles, et aussi tes qualités. Je te prends tel que tu es. N’aie pas peur. Je m’attacherai à toi, je t’attacherai à moi, non par des chaînes mais par les liens de l’amour et de la confiance. Tu seras relié à moi, et tu me serviras.
Qu’est-ce que cela signifie ? Cela veut dire qu’on ne peut rien (faire) contre Quelqu’un qui vous aime et vous prend à son service tel que vous êtes. Ainsi, toutes nos excuses, des plus plates aux plus subtiles, tout ce que nous considérons comme étant nos défauts, et même tout ce que nous ne trouvons pas beau en nous, tout cela ne tient pas  face à cet amour de Dieu qui nous choisit. On ne peut rien faire contre cet amour-là sinon le recevoir. C’est pour cela qu’après la réponse de Dieu, Jérémie  ne dit plus rien. Pendant de longs chapitres, il n’y a que Dieu qui parle. « N’aie pas peur », tu seras mon porte-parole, dit le Seigneur.Le texte dit: Dieu toucha la bouche de Jérémie en lui disant :« tu prononceras mes paroles, tu les porteras ». Cette attention de Dieu n’est pas que pour Jérémie. Elle est aussi pour chacun d’entre nous. Un  autre prophète, Esaïe, le dit de façon poétique : Dieu « a gravé ton  nom sur la paume de ses mains »  (Esaïe chap 49, v.16)
Nous sommes, à notre tour, invités à devenir des porteurs de l’Evangile, avec une audace tranquille, sans craindre de ne pas y arriver.

Pour conclure
1)On n’est jamais « trop petit » aux yeux de Dieu pour être à son service. Ni « trop » âgé .
2)On ne choisit pas d’être prophète : Jérémie n’a rien demandé, c’est Dieu qui  appelle : «j’ai besoin de toi », c’est Lui qui nous « attrape », avec amour.
3) On ne se déclare pas prophète soi -même : ce n’est ni un privilège ni un honneur mais un service.. qui peut coûter cher. Une humilité certaine est sollicitée. Dieu vient nous chercher là où nous en sommes, avec nos capacités et avec nos failles. L’apôtre Paul  écrivait : «la puissance de Dieu se manifeste dans ma faiblesse » (2 Corinthiens  chap 12, v.9) . 

Dieu ne cherche pas des héros ou des champions du service et de l’engagement. C’est dans son humilité même que Jérémie a fait la preuve de son aptitude à être prophète. Pensons-y, lorsque le courage nous manque, et qu’il nous faut pourtant témoigner de notre foi  et annoncer un Evangile qui parfois dérange : Jérémie nous a précédés.
                                                                                                                                                      Titia Es-SBANTI

 

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