Avez -vous déjà vu un buisson en feu et qui reste intact ? Moi non. Moïse non plus je pense. Même notre invité spécial d’aujourd’hui, n’a pas vu ça de toute sa carrière de pompier. (1)
Avez -vous déjà entendu un buisson qui parle ? Moi non. Moïse non plus je pense.
Mais les histoires de la Bible ne sont pas des documentaires, ni des reportages en direct comme la Coupe du monde au Qatar : quand on lit la bible, ce qui compte, c’est de se demander, non pas : « comment c’est possible, une chose pareille » en fronçant les sourcils mais : qu’est ce que cela veut dire ?
Ecartons les branches du buisson comme si c’était les pages d’un livre pour essayer de comprendre ce qui nous est dit derrière les mots….
La première chose qui a attiré mon attention, c’est que Dieu se révèle à Moïse au coeur de son quotidien le plus ordinaire, le plus banal,c’est-à-dire : pendant qu’il garde les moutons dans la montagne. En effet, Moïse avait commencé une nouvelle vie, une vie de berger et de père de famille, dans un petit pays voisin, Madian, loin de la violence du pharaon et de la vie d’esclave des Hébreux sur les chantiers d’Egypte. Et voilà que Quelqu’un l’appelle par son nom. Quelqu’un qui ne se montre pas mais qui parle et se présente comme la voix de Dieu ! Drôle d’endroit pour se révéler, n’est ce pas. En effet, le Seigneur aurait pu se manifester à Moïse au cours de toutes ces années de jeunesse, alors même qu’ il vivait comme un prince d’Egypte, éduqué dans la langue, la culture et la religion de ce puissant pays, à l’abri des tracas et des difficultés de la vie.
Mais voilà , il faut croire que ce n’était pas le bon moment. Le temps de Dieu n’est pas le nôtre. Celui-ci attendra que Moïse ait grandi, qu’il sorte de son palais, qu’il découvre la vie misérable de son peuple condamné aux travaux forcés, qu’il se révolte à la vue d’un Hébreu frappé par un chef égyptien, qu’il le frappe à son tour, et s’enfuit pour échapper à la vengeance du Pharaon. Moïse trouvera refuge dans une région de montagnes parmi des bergers qui lui apprendront leur métier. Mais ce n’est que lorsque Moïse aura quitté sa vie de prince pour devenir berger parmi les bêtes que Dieu se révélera à lui. Ainsi, le Seigneur peut se manifester dans le plus ordinaire de nos journées. C’est vrai pour Moïse comme pour nous. Il peut nous parler au cours du culte, au caté, mais aussi à la maison, à l’école, au bureau, à l’atelier, au volant, au cours d’un repas, d’une balade dans la forêt, au chevet d’un grand parent malade, au cours d’une lecture, à tout moment. Ça c’est la 1ere chose.
dessin : Philippe Diény
Deuxièmement : c’est que Dieu choisit de se révéler à Moïse à travers un buisson d’épines. Pourquoi ? Pour nous apprendre que nous pouvons le retrouver jusque dans le plus commun et le moins séduisant des arbustes. Oui, d’accord, me direz vous peut -être, sauf qu’un buisson d’épines, ce n’est pas très sympa. C’est vrai, les épines, ça pique ! Mais justement, cet arbuste n’est pas choisi par hasard. Comment ne pas y voir une allusion aux souffrances du peuple d’Israël opprimé par le Pharaon ? Ce buisson aux épines serait alors une sorte de voyant rouge envoyé par Dieu à Moise pour qu’il n’oublie pas la vie de ses frères en Egypte.
Troisièmement : Le Seigneur ne se révèle pas seulement à travers un buisson en feu, mais aussi par la parole. Oui, Moïse a bien entendu; les bergers, souvent solitaires, ont l’habitude de dresser l’oreille, ils savent écouter le vent et regarder les étoiles. Moïse n’a pas rêvé : Quelqu’un lui a parlé en l’appelant par son nom : Moïse, Moïse ! Sa réponse est émouvante : « Me voici ».
Il répond comme le vieil Abraham, la première fois que Dieu s’adresse à lui. Cette réponse, avec deux petits mots, est d’une grande humilité. Mais Dieu rajoute : « Retire tes sandales de tes pieds, car le lieu où tu te tiens est une terre sainte. Qu’est-ce que ça signifie ? C’est peut-être une façon de dire qu’on ne vient pas à Dieu avec nos gros sabots, avec nos idées toutes faites, nos solutions apprises par cœur et nos remèdes éprouvés mais qu’on est prêt à sortir des sentiers battus, à entendre des choses nouvelles ? De même, pour s’approcher de Dieu, on se rend disponible, on s’allège… Cette parole est à comprendre comme une invitation plutôt qu’une contrainte. C’est le sens que l’on peut donner au geste musulman d’enlever ses chaussures pour entrer dans une mosquée. Indépendamment des raisons d’hygiène, on peut le comprendre comme le signe qu’on ne vient pas chez l’autre en territoire conquis, mais humblement.
« Retire tes sandales.. » Non seulement Moïse se déchaussera mais il se voilera le visage. Parce que dans la foi juive, il est impossible de voir Dieu face à face. On imagine Moïse trembler un peu sur ses jambes...Il y a de quoi, la mission qui l’attend est impressionnante :« Je t’envoie vers le pharaon. Va, et fais sortir d’Egypte Israél mon peuple. «Let my people go...
Moïse commencera d’ailleurs par refuser : »je ne sais pas parler, je bé-bégaye », dira t-il, affolé. Mais Dieu ne le lâchera pas et lui répondra : « Ne t’inquiète pas Moise, je mettrai mes mots dans ta bouche, je suis avec toi.
La grande nouveauté pour Moïse sera de découvrir que le Dieu qui se révèle à lui est plein de compassion : « Je suis le Dieu d’Abraham, J’ai vu la misère de mon peuple, j’ai entendu ses cris, je connais ses souffrances, je suis venu pour les délivrer de l’oppression. » Dieu ne dit pas qui il est mais ce qu’il fait. Moïse a dû être surpris : cela ne correspond pas à ce qu’il a appris au palais royal. La religion égyptienne était basée non pas sur un Dieu unique mais une brochette de dieux dominants qui bénissent les puissants et oublient les faibles. Quel contraste avec ce que la voix du Seigneur lui dit à travers le buisson en feu ! Cette voix lui parle d’un Dieu non pas dominant mais proche des êtres humains et préoccupé par eux.
Dernière chose qui a retenu mon attention : le geste de Moïse qui va déclencher tout le reste. Après avoir aperçu le buisson en feu, Moise va effectuer un détour. Le Seigneur voit cela, et l’appelle alors depuis le buisson. Peut-être s’était -il déjà placé cent fois sur le chemin de Moïse ? Mais ce jour-là, Moïse se détournera pour voir, pour aller plus loin, pour comprendre ce qui se passe. Si Moïse n’avait pas été intrigué par le buisson en flammes, il aurait continué son chemin sans rien changer. Mais il est curieux, interpellé par ce qu’il perçoit et ne comprend pas.
Belle curiosité, essentielle pour avancer ! Ouverture qui rend possible un changement, et ici, ce changement est d’abord une rencontre. Comme Moïse, nous sommes appelés à des détours dans nos vies. A nous de discerner les moments où Dieu nous invite à bifurquer, à faire un pas de côté, à nous faire changer de chemin qui transformeront notre regard et nous promettent de belles rencontres.
Quels sont les buisson ardents qui nous font signe aujourd’hui ? Même si notre route semble bien tracée, quels sont les signes qui nous invitent à nous détourner un instant, à dé-railler (sortir de nos rails) , à emprunter une autre route que celle qui était prévue et qui semblait naturelle.
Oui, sommes -nous prêts à se laisser surprendre, pour nous laisser rencontrer par Dieu ? C’est la pédagogie du détour de Dieu au désert : sortir du chemin balisé, faire un crochet, un peu de hors piste, comme Moïse au désert.
Dans notre monde aujourd’hui , les buissons ardents ne manquent pas : combien d’appels de phare, de clignotants, d’alertes autour de nous à prendre au sérieux ! Au loin comme au près, jusque dans nos vies personnelles. Oui, il y en a, des buissons qui nous attendent au détour d’un chemin…
Tel serait le sens de cette parole mystérieuse que Jésus adressera à l’un de ses disciples : « si quelqu’un te réquisitionne pour faire mille pas, fais-en deux mille avec lui » (Mat 5,41).
Amen
Titia ES-SBANTI.
Prédication pour le « culte caté » du 3/12/2022, temple du Mas des abeilles.
(1) Le père de l’un des enfants du catéchisme, est sapeur pompier et nous en avons profité pour l’inviter afin qu’il témoigne de son métier.
Retrouvez la séance de « caté » sur le buisson ardent : https://nimes-eglise-protestante-unie.fr/un-pompier-au-cate/