« …Ne vous inquiétez pas du lendemain en disant : qu’allons-nous manger ? qu’allons-nous boire ? Comment allons-nous nous s’habiller ? Regardez les oiseaux du ciel et les fleurs des champs …» (Matthieu 6, 25-34)

Voilà ce que dira un jour Jésus à ses disciples.On dirait une chanson des hippies des années 70 grattant la guitare avec des paroles fleur bleue (à moins que ce ne soit du rose ). Cette apparente légèreté du message de Jésus peut nous déconcerter au premier abord. En effet, qui d’entre nous, ne se soucierait pas naturellement du lendemain ? Imaginez qu’on vous dise : Ne vous inquiétez pas du chômage, à chaque jour suffit son interim ? Ne vous inquiétez pas pour votre retraite, à chaque jour suffit sa cotisation ? Ne vous inquiétez pas pour le climat, à chaque jour suffit son tri ? Ne vous inquiétez pas au sujet des pandémies, à chaque jour suffit son vaccin ? Ne vous inquiétez pas de la violence à l’école, à chaque jour suffisent ses sanctions ?

Oui, n’y a t-il pas une insoutenable légèreté de Jésus avec ces fleurs des champs et ces petits oiseaux ? De plus, on sait bien que la vie n’est pas rose, que l’avenir de notre monde, « ça craint » : pour le travail, pour notre santé, pour l’état de la planète, pour l’air que nous respirons, pour le  »vivre ensemble » et j’en passe !

Cela dit, il nous faut aller plus loin avec l’Evangile, et essayer de lire entre les lignes pour découvrir que le message de Jésus n’a rien de bisounours.

1)Tout d’abord, à aucun moment il ne donne de faux espoir à ses disciples. Il ne leur dit pas : ça va être super sympa de venir avec moi. Il ne leur propose pas un parcours de santé ni un programme d’épanouissement personnel. Non. Pour le suivre sur les routes de Galilée et de Judée, pas d’assurance tous risques ni d’avantage personnel. Avec Jésus, c’est plutôt le risque assuré.. d’une vie imprévisible. C’est quitter ses certitudes, c’est risquer la persécution. C’est s’exposer au rejet par sa propre famille, à l’isolement  et  à l’incompréhension.
Les disciples découvriront au fur et à mesure qu’ils marchent avec Jésus que l’Evangile n’est pas une bonne adresse à trouver (comme dans le guide du routard) mais un chemin. Un chemin à prendre ou à laisser car Jésus ne fait pas d’opération de séduction : il leur «annonce la couleur » comme on dit.

2)Ensuite, Jésus ne juge pas la crainte de ses disciples. Il ne leur fait pas la leçon, il ne leur dit pas : « quand même, vous pourriez faire un effort ». Au contraire, il accueille leurs inquiétudes. Et s’il a pris ses disciples avec lui, sur la montagne, c’est pour leur parler de coeur à cœur, en tête à tête. C’est pour déposer dans leur cœur le carburant indispensable de la confiance en Dieu.  Car c’est avec elle, et elle seule, qu’ils vont pouvoir marcher, et le suivre sur les chemins poussiéreux de la Palestine.

3) Si Jésus prononce 6 fois l’expression « ne vous inquiétez pas », c’est sans doute parce que ses disciples le sont (!) et qu’ils ont besoin de ses encouragements. Cela peut sembler un peu paradoxal n’est ce pas, mais il en est ainsi de l’inquiétude : on avance et on recule, on croit et puis on doute. On sait, et puis on ne sait plus. Tenez : qu’est ce qu’on dit aujourd’hui sur les réseaux sociaux à quelqu’un pour le rassurer ?  TKT. Traduction pour les aînés (dont je fais partie) :  »t’inquiète ». Curieux n’est-ce pas : on dit le contraire pour signifier de ne pas  s’inquiéter. Vous y comprenez quelque chose, vous ? Bref, l’inquiétude est une chose bien difficile à écarter. Jésus le sait bien, il ne joue pas au psychologue, non : il a recours à l’humour qui est sans doute la plus belle invention divine, la plus belle réponse de Dieu à notre faiblesse, à nos incertitudes lorsqu’elles nous rongent. Voici ce qu’il dit aux disciples : ce n’est pas parce que vous vous inquiétez pour vous-mêmes ou pour les autres que vous vivrez plus longtemps. Son humour se poursuit en nous invitant à prendre exemple sur les oiseaux et les fleurs sauvages :  »regardez ceux-là, ils ne travaillent ni ne font de provision, et pourtant le Père céleste les nourrit ».
Et si la soi-disante insoutenable légèreté de Jésus était de l’ordre du clin d’Dieu ? Histoire de nous aider à décoller de notre pesanteur afin d’accueillir la grâce du Seigneur pour nous, celle dont nous avons tant besoin pour vivre chaque jour ?

Au fond,  Jésus ne nous dit pas : »vous ne devez pas avoir de soucis », mais plutôt :  ne laissez pas les soucis quotidiens vous dominer, ne laissez pas votre inquiétude prendre toute la place dans votre vie. En d’autres termes, il nous invite à changer de regard. C’est peut-être ça,    »voir la vie en rose » pour un chrétien : Apprendre à accueillir la vie avec confiance. Ce mot a du mal à passer de nos jours. On nous apprend tellement à nous méfier les uns les autres, à sécuriser notre vie ! Aujourd’hui, pour être respecté, il faut être un réaliste ou un pessimiste actif. Il n’y a pas beaucoup de place pour la confiance et l’insouciance. On a souvent l’impression que c’est réservé aux enfants. Et bien,sachez-le , dira Jésus un peu plus loin à ses disciples,  l’Evangile nous invite à leur ressembler. « Si vous ne changez et ne devenez pas comme les enfants, vous ne pouvez pas accueillir la vie pleinement ».

Voilà que l’Evangile renverse nos idées reçues, nos habitudes d’adultes, nous qui avons appris à nous tenir, à nous retenir, à calculer et prévoir, à nous justifier sans cesse ! Jésus nous propose la démarche inverse : retrouver cette profonde disponibilité face à la vie, cette fraîcheur de l’enfant qui vit tout simplement, et à qui on ne demande pas de justifier son existence.

Alors ? Et bien, ne cédons jamais à la morosité. L’espérance, comme la confiance, ce n’est pas pour demain, c’est pour aujourd’hui. Petit test : essayez de la conjuguer au futur; ça donne   »j’espérerai ». Oh, c’est bizarre à entendre, non ? Et pour cause : l’espérance ne se conjugue qu’au présent.
C’est pourquoi on pourrait reprendre à notre compte les derniers mots de Jésus : « A chaque jour suffit sa confiance et sa joie.

Amen

Titia Es-Sbanti

« Samedi caté » Mas des abeilles,  culte du 12/10/2024

La séance de caté  : https://nimes-eglise-protestante-unie.fr/voir-la-vie-en-rose/