Un arbre inutile ?

Voilà un arbre qui n’a pas donné de fruit , et ça fait trois ans que ça dure. Le propriétaire est déçu, c’est le moins qu’on puisse dire. Un figuier ça sert à donner des figues, non ? Alors, s’il ne donne rien, il faut le dégager, surtout qu’ il absorbe une grande partie des éléments nutritifs souterrains. Il met donc en danger le reste de la vigne et  fait perdre de l’argent au propriétaire qui ne veut pas courir ce risque. Tiens, cette histoire a beau avoir été racontée il y a 2000 ans, elle pourrait être d’aujourd’hui… « Rien de nouveau sous le soleil..  » disait un sage de la Bible.

Coupe -le !
La logique est toujours la même : y a t-il de la place pour ce qui n’est pas immédiatement productif ou rentable ? Qui sera le prochain figuier jugé improductif ? Oui, à qui le tour la prochaine fois ?

Toujours plus, toujours plus vite, plus efficace.. concurrence oblige.  Que va-t-il se passer avec tous ceux qui ne sont pas assez productifs, qui ne rapportent rien économiquement ? Les sous -tutelle, les sous -curatelle, les Grands Ainés, les Jeunes non qualifiés, les non certifiés , les interimaires, les stagiaires, les contrats précaires ? Autant de figuiers improductifs dont certains voudraient débarrasser le paysage au nom d’une meilleure gestion économique  ! Certes, il nous faut vivre avec un certain nombre de contraintes et de logiques financières dans ce monde, mais doivent-elles régner sur nous comme si nous n’étions plus que des numéros ? des robots ?

Coupe-le !

En 1997, une  jeune écologiste américaine de Californie,  Julia Hill, décida  de monter dans un arbre, un sequoia millénairepour le sauver de l’avidité des hommes et de leurs tronçonneuses. Installée dans une cabane à 60 m de hauteur, elle restera perchée dans l’arbre pendant 738 jours, sans mettre le pied par terre. Elle obtiendra  gain de cause, non sans traverser des moments  très éprouvants. 

Coupe-le !  il ne sert à rien…
Cette réaction est parfois aussi la nôtre. Nous pouvons être sévères, catégorique…Oui, combien de fois ne coupons-nous pas nous mêmes nos propres branches, avec cette formule lapidaire :  »Laisse tomber ». Sous-entendu : je n’y crois plus, qu’est-ce que tu veux y faire, c’est comme ça, à quoi bon..

Seulement voilà : le vigneron résiste. Il refuse la mort programmée du figuier.
Il va décupler son attention, ses soins pour le figuier, et cet attachement va le conduire à demander un délai, avec ces quelques mots : laisse-le encore..  Le vigneron fait confiance à cet arbre , il ne veut pas le condamner. Non seulement il ne le bouscule pas, mais il respecte son rythme, sa lenteur. Il honore ses feuilles. Car cet arbre continue de pousser, même s’il ne porte pas de fruit .

Laisse-le encore…
Le vigneron insiste, supplie le maitre, il veut
lui donner une seconde chance. Pourquoi cela ? Parce qu’il espère. Il lui fait confiance. Il croit à la richesse à l’intérieur de cet arbre. D’autre part,  il ne se contente pas de demander un délai , il s’implique personnellement  en donnant le meilleur de lui-même. Et surtout, il y met  une énorme dose d’amour. Car, voyez vous, il ne peut pas tout ce vigneron, mais ce qu’il peut, il veut le faire.
Ainsi,  la tronçonneuse  meurtrière et rapide, il oppose le soin et le temps. Et si c’était cela la grâce d’un Dieu qui n’abandonne jamais la partie ? N’est -ce pas le propre de Dieu de croire et d’espérer  en nous ?

Avec les enfants, on s’est demandé si le Dieu  de Jésus n’était pas plus proche du vigneron que du  propriétaire. Ce qui signifierait que c’est Dieu qui nous supplie et qui prie l’homme et non l’inverse !

Je finirai avec un mot : peut-être.
« Laisse-le encore une année… dit le vigneron, peut-être qu’à l’avenir il donnera du fruit.. »

Tout l’Evangile tient dans ce  »peut-être » et avec ses mots, le vigneron déclare le droit du figuier d’occuper son bout de terre sans contrepartie, gratuitement, pour rien, parce qu’il l’aime. Ce sont les « peut-être » prononcés sur nos vies et  celles des autres, qui font la différence. Toute la différence.

Amen

Titia Es-Sbanti

Extraits de la prédication du culte catéchétique du 12/11/2022, temple du Mas des abeilles. Thème : Un arbre inutile ?

Texte biblique : Luc 13, 6-9

 

Dessin : Philippe Diény.

Séance de caté sur ce thème : https://nimes-eglise-protestante-unie.fr/a-quoi-ca-sert/