Quand je pense à l’Église, je la voudrais telle qu’elle n’est pas : attirante, engageante, percutante, militante, sans doute aussi variée et universelle, secrète et évidente, riche et nourricière, pauvre et véridique, surprenante et solide. Bref, j’aimerais, mon Dieu, que ton Église, qui est notre Église, m’offre tout ce que je ne lui donne pas.
Tu la connais aussi bien et mieux que moi cette Église qui fume souvent à peine comme une bougie épuisée.
Tu la connais trop petite pour ta grandeur et trop grande aussi pour notre petitesse, une Église mal aimée et du coup mal aimante, une Église dont la fidélité devient répétitive et l’infidélité habituelle, une Église qui se paie de mot et qui contribue à enténébrer la vie de bons sentiments inutiles et d’accusations décourageantes.
Alors mon Dieu, fais que je cesse de blâmer l’Église, pour me dispenser moi-même d’y travailler.
Fais que je cesse de lorgner ses déficiences, par le trou de la serrure, pour me protéger moi-même de franchir sa porte.
Fais que je quitte le banc des spectateurs et des moqueurs pour m’asseoir au banc des acteurs et des célébrants.
Car ainsi seulement je m’arrêterai de regarder ton Église, qui est notre Église pour y vivre avec les autres.
Tu la convoques et tu la rassembles de jour en jour, comme sans cesse le berger rattrape la brebis qui boîte et qui s’attarde, comme sans cesse la raccommodeuse rattrape la maille qui file et qui déchire.
Ton fils est la tête d’un corps aux membres disjoints. Il est le premier né d’une famille d’enfants séparés. Il est la pierre angulaire d’une maison inachevée.
Mais c’est bien à l’Église que tu tiens et non pas seulement aux individus, qui se préfèrent chacun eux-mêmes. Car c’est bien à l’humanité entière que tu tiens et non pas seulement aux membres d’un club. Ton Église est ainsi le signe visible de ton dessein total.
J’hésite à l’appeler ma mère car elle ne m’a pas engendrée, mais je l’ai rencontrée.
J’hésite à l’appeler ma sœur, car nous ne sommes pas liés par l’obscurité du sang mais par la liberté de l’esprit.
Mais je veux bien l’appeler ma famille, car je lui suis attaché pour le pire et pour le meilleur.
C’est ma nouvelle famille dont tu es l’initiateur, ton fils le libérateur et ton esprit le rassembleur.
Amen
André DUMAS
J’ai souhaité partager cette prière avec vous pour deux raisons. Il m’est arrivé d’en lire des extraits plus d’une fois dans des réunions que je présidais pour rappeler nos fragilités, mais aussi pour nous réconforter et nous conduire dans le service de l’Église. Ensuite et surtout car je connaissais bien son auteur, le Pasteur André Dumas. J’allais l’écouter prêcher au temple du Luxembourg à Paris et, à la parution de son livre « Cent prières possibles » en1982, il me l’avait dédicacé ainsi : « L’ardeur et l’indépendance de Dieu en vous ! »
Jacqueline DOM, 14 avril 2022