PAROLE DU JOUR – 7

Relisant le récit de la femme adultère, tel qu’il nous est raconté dans l’évangile de Jean, au chapitre 8, m’est apparu comme une évidence un rapprochement à faire entre ce texte et la période difficile que nous traversons.
En effet, au moment où nous devons faire face à l’attaque d’un virus dont nous ne savions pratiquement rien, il y a quelques mois à peine, c’est avec beaucoup d’effarement que j’observe le déchainement médiatique que ce « tsunami » entraine. Chacun y va de sa petite phrase assassine pour vilipender tel ou tel. Les milieux scientifiques que l’on aurait souhaité à l’abri de ce genre de comportements n’échappent, hélas, pas à cette ambiance délétère. Tous les « il n’y a qu’à/faut qu’on » peuvent s’en donner à cœur joie. Pensez, c’est si facile ! Une véritable aubaine !
Ma mère, en son temps, et Jean de la Fontaine à travers ses fables  (pensez aux « Animaux malades de la peste »)- m’ont l’un et l’autre appris qu’il n’était ni juste, ni digne de hurler avec les loups. J’essaie donc de m’en abstenir. Si je crois profondément que les peuples sont souvent capables d’une grande intelligence collective, je sais que les foules angoissées sont, elles, le plus souvent injustes et cruelles. Cela m’a fait réfléchir.

 

Alors, après un examen de conscience que j’ai voulu sans complaisance, j’ai réalisé combien j’avais été surpris et dérangé par la succession des événements que nous venons de vivre. Je ne voulais pas y croire et niais une réalité pourtant aveuglante, un peu comme cet homme qui, fou d’angoisse devant la fièvre de son enfant, casse le thermomètre pour ne pas avoir à affronter une réalité qu’il refuse de croire.
Comme beaucoup, j’ai manqué d’anticipation, incapable d’accepter de voir que ce qui se passait ailleurs arriverait chez nous.
Comme beaucoup, j’ai mal évalué la gravité de l’épidémie qui nous menaçait.
Comme beaucoup, j’ai eu du mal à accepter l’idée de changer mes habitudes pour ne pas être dangereux pour moi-même et pour les autres.
Comme beaucoup enfin, je n’ai pas toujours appliqué avec la rigueur nécessaire les gestes barrières qui pourtant nous sont répétés à longueur de journées depuis de nombreuses semaines.
Aussi me suis-je dit que je n’avais pas à rendre d’autres responsables de ce qui nous arrive, que la recherche d’un bouc émissaire à notre malheur n’était pas une solution, mais qu’il fallait qu’ici et maintenant je participe, à mon humble échelle, à la lutte contre ce fléau.

Il sera temps, plus tard, lorsque ce vent fou sera passé, d’en faire le bilan. D’évaluer ce qui a été bien géré, moins bien géré, mal géré, voire très mal géré. Nous serons à ce moment-là, et seulement à ce moment-là, capables de le faire. Il nous faudra alors nous poser la question de la responsabilité de la société consumériste, dont nous sommes peu ou prou tous les adeptes, dans la genèse de ce que nous vivons maintenant. Catastrophes climatiques, écologiques, humaines, et maintenant sanitaires ont toutes un dénominateur commun : notre incapacité à gérer en bons pères de famille notre bien commun qu’est la Terre. Nous consommons chaque année beaucoup plus qu’elle ne peut nous rendre. Il est temps pour nous d’en prendre conscience et surtout de faire en sorte que cela cesse.

S’il en était ainsi, cette épreuve que nous traversons deviendrait bénédiction car, comme le guetteur alerte du danger avant qu’il ne submerge tout, elle nous permettrait d’agir utilement lorsqu’il en est encore temps.
Et, signe d’espérance, comme jadis l’a entendu la femme adultère ,nous pourrions nous aussi entendre et comprendre ces paroles que Jésus nous adresse encore aujourd’hui : « Moi non plus, je ne te condamne pas : va, et désormais ne pèche plus ».

Bernard Cavalier