Chers amis, je propose pour ce jour une brève réflexion sur un sujet qui parfois nous occupe avec passion : la robe pastorale
Avant la Révolution, la maîtrise es arts donnait le droit au port de la robe. En conséquence, les pasteurs, titulaires entre autres de ce diplôme, la portent donc, avec, en haut de la robe, un rabat fait de deux languettes blanches symbolisant l’ancienne et la nouvelle alliance. Pendant la période du « Désert « , les pasteurs ont tenu à continuer à porter la robe au mépris du danger supplémentaire qu’elle leur faisait courir (ils encouraient la peine de mort). À l’origine, elle n’est donc pas un habit liturgique (contrairement à l’aube du prêtre), mais un habit universitaire, indiquant un « grade universitaire ». Cela révèle l’importance donnée par la Réforme à la formation intellectuelle des pasteurs.
En plus de cet aspect, le port de la robe signifie aussi la fonction du prédicateur : lorsque je revêts cette robe, j’assume une fonction qui est celle d’être le porte-parole ou l’interprète de l’Évangile dans le cadre de sa proclamation. La robe permet ainsi à la personnalité de s’effacer derrière le ministère de l‘annonce de la Parole et cela tant du côté du ministre que de celui de l’auditeur. De fait, la robe pastorale ne signifie pas une quelconque supériorité du pasteur sur l’ensemble des « laïcs « . Le pasteur n’est pas un prêtre et le culte encore moins une messe; le pasteur ou la pasteure est un laïc comme les autres mais simplement la communauté lui a délégué une fonction spécifique : la prédication et l’édification théologique de la communauté.
Pour ce faire, il s’est formé et la robe pastorale n’est à l’origine que le signe de cette formation académique du pasteur au service de la communauté. Le port de la robe pastorale varie selon les habitudes des lieux et de la sensibilité des ministres, mais demeure, en règle générale, une question secondaire. Elle est ainsi le plus souvent portée à la demande des familles pour telle occasion ou lors de cultes tels que Noël, Pâques ou Pentecôte. Certaines communautés la souhaitent voir portée régulièrement et d’autres beaucoup moins.
Traditionnellement, c’est le port de la robe noire qui est majoritaire et qui fait « signe » pour le protestantisme, mais depuis les années 1970, certains pasteurs (notamment en Suisse romande) portent la robe blanche. Celle-ci, jugée moins triste pour certains, admet une dimension plus liturgique souvent liée la revalorisation de la liturgie et des sacrements. De fait, elle est également perçue par d’autres comme un rapprochement œcuménique avec les catholiques générant parfois plus de confusion que d’unité ; le danger étant de « cléricaliser » le pasteur. Il me semble que le mieux, pour éviter les confusions dans ce domaine comme dans d’autres par ailleurs, est d’expliquer afin de donner sens et équilibre à ce qui structure une identité religieuse. Il en résulte aujourd’hui, pour la plupart du temps, une liberté quant à l’usage de la robe, noire ou blanche, portée ou pas.
Je crois que cette liberté laissée aux ministres comme à la collégialité du conseil presbytéral est bonne et relativise les crispations sur le sujet. Ainsi, chacun peut mettre à son gré l’accent sur la compétence du théologien (la robe noire), la lumière de la résurrection (la robe blanche), la proximité avec l’autre (le costume civil).
D’après une enquête déjà un peu ancienne d’une vingtaine d’année, 43 % seulement des pasteurs revêtent la robe, dont 39 % de réformés et 81 % de luthériens. Il semblerait qu’aujourd’hui les jeunes ministres seraient plus favorables à son port et donc le pourcentage de 43% aurait augmenté.
Dans tous les cas, n’oublions pas que même si le port de la robe pastorale peut trouver sa légitimité : « C’est de l’abondance du coeur que la bouche parle » (Luc 6:45).
Thierry Azémard, le 28 avril 2020