PAROLE DU JOUR- 17

Pareil à un oiseau en cage

En ce 10 avril 2020, jour du Vendredi Saint où nous nous souvenons de l’arrestation et de la crucifixion du Christ, dans le confinement et le risque sanitaire qui sont les nôtres, dans cette situation inédite qui questionne et bouscule tout ce sur quoi nous construisons notre vie, notre image du monde et de nous-mêmes, nous pouvons nous remettre à l’écoute de ces quelques mots écrits par le pasteur Dietrich Bonhoeffer alors qu’il était lui-même enfermé dans les prisons nazies en attente de son jugement puis de son exécution survenue le 9 avril 1945.

Qui suis-je ?

Qui suis-je ? Souvent ils me disent
que de ma cellule je sors
détendu, ferme et serein,
tel un gentilhomme de son château.

Qui suis-je ? Souvent ils me disent
qu’avec mes gardiens je parle
aussi librement, amicalement et franchement
que si j’avais à leur donner des ordres.

Qui suis-je ? De même ils me disent
que je supporte les jours de l’épreuve,
impassible, souriant et fier,
ainsi qu’un homme accoutumé à vaincre.

Suis-je vraiment celui qu’ils disent,
ou seulement cet homme que moi seul connais :
inquiet, malade de nostalgie,
pareil à un oiseau en cage,
cherchant mon souffle comme si on m’étranglait,
avide de couleurs, de fleurs, de chants d’oiseaux,
assoiffé d’une bonne parole et d’une espérance humaine,
tremblant de colère au spectacle de l’arbitraire et de l’offense la plus mesquine,
agité par l’attente de grandes choses,
craignant et ne pouvant rien faire pour des amis infiniment lointains,
si las, si vide que je ne puis prier, penser, créer,
n’en pouvant plus et prêt à l’abandon.

Qui suis-je ? Celui-là ou celui-ci ?
Aujourd’hui cet homme et demain cet autre ?
Suis-je les deux à la fois ?
Un hypocrite devant les hommes
et devant moi un faible, misérable et piteux ?

Qui suis-je ?
Dérision que ce monologue !
Qui que je sois, tu me connais :
tu sais que je suis tiens, ô mon Dieu.

 

Comment s’épanouir ?

Comment grandir, s’épanouir,
aller jusqu’au bout des rêves
quand la maladie frappe,
quand l’espérance déserte,
quand la souffrance occupe le terrain,
quand l’amour est rompu,
quand l’échec se fait quotidien,
quand la mort casse l’avenir ?
Comment grandir avec ces croix plantées
dans les terres de chaque jour ?
Grâce au Christ crucifié,
la croix se transforme
en lieu de passage
vers la lumière,
vers la vie…

Charles Singer

 

 

Sur la colline

La croix est élevée sur la colline.
Sur les hauteurs de l’Histoire.
Le Christ est élevé dans le dépouillement absolu […] La croix est le signe de la Veille de Dieu
dressée au cœur de toutes les nuits
et toutes les horreurs
comme un fanal de lumière
signalant la présence indéfectible
du Père des Vivants
auprès de ceux qui sont précipités
dans les ténèbres.

Comme une parole
dans le silence de l’abandon.
Comme un cri dans l’absence.
En Jésus de Nazareth crucifié,
veillant fidèlement sur la Croix
c’est Dieu lui-même qui tend les bras
vers tous ceux qui portent leur croix…

Charles Singer

 

 

 

 

 

 

Lionel TAMBON, le 10 avril 2020