Parole bleue n° 24

-La sagesse et la foi –

C’est l’été, bientôt les vacances pour beaucoup d’entre nous. Les paroles bleues vont connaître aussi un temps de pause. Alors, à vous, Nîmois, et à vous, lecteurs des Paroles bleues venus de tous horizons, nous souhaitons un très bel été. Et, pour clore le cycle du printemps, nous vous offrons encore une parole bleue.
Cette parole bleue prend place juste après l’Assemblée générale de l’Église de Nîmes, qui aura été l’occasion de nous interroger ensemble, dans le cadre institutionnel de la loi de 1905, sur les orientations que nous voulons donner à notre Église : annoncer l’Évangile en paroles et en actes… mais comment ?

Pour moi, ce temps de l’Assemblée générale fait ressortir l’importance d’une notion à la fois biblique et universelle : la sagesse. Oui, pour délibérer utilement, il faut de la sagesse, c’est-à-dire à la fois de l’intelligence et une écoute mutuelle ; une vision et du discernement ; de l’enthousiasme et des renoncements. La sagesse, c’est le contrepoint, ou plutôt le complément de la foi. La foi comme un élan, qui bouscule tout ; la sagesse comme une pause, un temps de retour sur soi.

Mais au fond, n’est-ce pas toute cette année qui a été placée sous le signe de la sagesse ? Cette année de COVID… Respecter les “gestes barrière”, se faire vacciner, ce n’est pas enthousiasmant, loin de là, mais c’est utile et même nécessaire. Et c’est encore la sagesse qui nous fait évaluer le “bénéfice-risque”, qui nous fait penser au collectif d’abord.

Ce n’est pas par hasard que la Bible comporte à la fois des livres de sagesse, qui se situent au plus près de notre quotidien, et des livres prophétiques, qui nous interpellent, parfois brutalement. Mais c’est à un texte narratif, le Livre des Rois, que j’emprunte le texte de cette parole bleue.

Juste après avoir été installé sur le trône de David, le jeune roi Salomon est visité par Dieu.

À Gabaon, pendant la nuit, le Seigneur apparut en rêve à Salomon. Dieu lui dit : “Demande ce que tu veux, je te le donnerai”.  Salomon répondit : “ […] Maintenant, Seigneur mon Dieu, c’est toi qui m’as fait roi, moi, ton serviteur, à la place de David, mon père ; je ne suis qu’un petit garçon, je ne sais rien faire ; je suis au milieu de ton peuple, celui que tu as choisi, peuple nombreux qui ne peut être ni évalué ni compté. Donne-moi un cœur attentif pour gouverner ton peuple, pour discerner le bon du mauvais […]
Cette demande plut au Seigneur. Alors Dieu lui dit : “Puisque c’est là ce que tu demandes, puisque tu ne demandes pour toi ni une longue vie, ni la richesse, ni la mort de tes ennemis, puisque tu demandes pour toi de l’intelligence afin d’être attentif à l’équité, j’agirai selon ta parole. Je te donnerai un cœur sage et intelligent” (I Rois, 3, 5-12)

La sagesse n’est pas nommée d’emblée en tant que telle, mais elle est définie, ou plutôt déclinée à travers plusieurs expressions. “Un cœur attentif”, “un cœur sage et intelligent” : le cœur est dans l’Ancien testament non seulement le siège des sentiments, mais aussi et surtout celui de la pensée, d’où procède la sagesse. “Discerner le bon du mauvais” : c’est la base de la vie morale depuis le jardin d’Éden et son arbre de la connaissance du bien et du mal. À cela s’ajoute l’idée de l’équité, c’est-à-dire de la justice humaine, qui donnera une orientation sociale à l’action du jeune roi. Il y a donc là tout ce dont il a besoin pour bien gouverner.

Peut-être – qui le sait ? –  nos gouvernants font-ils aussi cette demande à Dieu dans leur prière. Dans l’Église, du moins en régime protestant, ce sont des conseils et des assemblées qui décident, et qui ont tout autant besoin de cette sagesse, collectivement. En tout cas, ce qui ressort de ce texte du livre des Rois, c’est qu’on peut – qu’on doit – demander à Dieu la sagesse, surtout lorsqu’on a des responsabilités.

Qu’en était-il dans la première Église, au moment où elle s’est constituée ? Ce qui la caractérise, d’après le livre des Actes, c’est d’abord sa dimension missionnaire, la contagion de la Bonne nouvelle, l’élan des conversions. C’est la foi en Jésus-Christ dans sa dimension intime et dynamique à la fois. Mais la sagesse n’est pas absente : elle fait partie des “charismes”, ces qualités et compétences personnelles des uns et des autres, qui ont été données par l’Esprit “pour l’utilité commune” (I Cor 12, 8) et qui permettent un bon fonctionnement de l’Église :

À l’un est donnée par l’Esprit une parole de sagesse, à un autre une parole de connaissance selon le même Esprit, à un autre la foi, selon le même Esprit, à un autre des dons de guérison par l’unique Esprit, à un autre la capacité d’opérer des miracles, à un autre celle de parler en prophète… (I Cor 12, 9-11)

Entre l’Ancien et le Nouveau Testament, entre le Nouveau Testament et notre temps il y a certes des changements dans la conception de l’homme et dans le vocabulaire employé, mais il y a toujours la même tension entre deux pôles : l’élan et la réflexion, la foi et la sagesse. Et cette tension, c’est celle de la vie même.

Alors, cet été et chaque jour, laissons-nous saisir par la foi et faisons place en nous à la sagesse !

Sylvie Franchet d’Espèrey,  Nîmes, le 1er juillet 2021

 

 

Sylvie Franchet d’Espèrey, à Nîmes le 1er juillet 2021