Parole Bleue 15 – C’était mieux avant

«Les Israélites leur dirent : Ah ! Si nous étions morts de la main du Seigneur en Égypte, quand nous étions assis près des marmites de viande, quand nous mangions du pain à satiété ! C’est pour faire mourir de faim toute cette assemblée que vous nous avez fait sortir dans ce désert ! » (Exode 16, 3)

C’en est trop ! Après les eaux amères de Mara, voilà que maintenant c’est de faim que souffre le peuple. Dieu a eu beau le délivrer du pays de la servitude et de l’esclavage, Il a eu beau, d’une façon absolument incroyable, le sauver des griffes des soldats de Pharaon, le peuple est en colère. Il « rouscaille » comme on dit chez nous, pis, il « roumègue ».

Je l’imagine marmonnant « Blablabla, on en a marre ! Blablabla, on est crevé ! Blablabla, on n’en peut plus ! Blablabla, on a faim ! On a soif ! Quand est-ce qu’on arrive ? C’était mieux avant !».
C’était mieux avant !! Bien sûr que c’était mieux avant !!! Avez-vous souvent entendu des gens arrivés à un certain âge dire le contraire ?

Pourtant avant, pour eux, c’était l’esclavage, la servitude, les humiliations permanentes, l’absence totale de liberté. Peu de temps auparavant, ils étaient si contents de quitter tout cela. Mais voilà, maintenant ils regrettent ce temps.

« Il est mort, c’était le bon temps » disait Georges Brassens dans sa chanson « Il est toujours joli le temps passé ». Qu’il est dur à suivre le chemin qui mène à la liberté ! Eh oui, confort et liberté ne font pas toujours bon ménage ne serait-ce – et nous avons souvent tendance à l’oublier – que parce que la liberté ne peut se concevoir sans la responsabilité. Or être responsable, cela impose de savoir choisir et choisir c’est savoir également renoncer et ça ! c’est dur, très dur même ! Oui, ils sont bien comme nous, ou plutôt nous sommes bien comme eux. Nous aussi, nous trouvons que c’était mieux avant. Je sais, maintenant il y a la COVID, la pollution, le réchauffement de la planète, le terrorisme et tout cela n’est pas très réjouissant. Mais avant ?

Avant il y avait, bien plus que maintenant encore, ces millions d’enfants morts de faim ou de maladies.
« Tendres fruits qu’à la lumière Dieu n’a pas laissé mûrir ». Lamartine.

Ces femmes mortes en couche, les peuples de la terre dressés les uns contre les autres, 2 fois en moins de 50 ans, dans une folie meurtrière qui a fait douter à de nombreux croyants de l’existence même de Dieu.
Avant, il y avait cet équilibre de la terreur nucléaire où le monde aurait pu s’immoler dans un gigantesque holocauste.
Avant enfin, il y a eu cette grippe asiatique qui a tué plus de 100 000 personnes dans une France de 47 millions d’habitants sans que cela émeuve outre mesure les responsables du moment.

Souvenons-nous de tout cela et peut-être saurons-nous ainsi mettre à sa juste place et apporter une petite note d’optimisme à cette période difficile que nous traversons ?

En guise d’envoi, permettez-moi de vous citer un poème qu’écrivit mon père, Paul Cavalier, au moment où, fin 1944 ou début 1945, la guerre non encore terminée, ingénieur des mines, il fut envoyé depuis Carmaux dans le Tarn où il résidait, à Faulquemont en Lorraine pour participer à la restauration et à la réouverture des mines de charbon noyées et détruites pour la plupart. Elles étaient alors vitales pour l’économie et l’indépendance énergétique de notre pays. Il quittait sa femme, ses enfants, le midi si cher à son cœur. Un soir il écrivit ce sonnet que je vous livre.

Le bouquet de chèvrefeuille

Oui, je t’ai contemplé, en ce jour, maintes fois,
Bouquet de chèvrefeuille aux corolles vivantes,
Mais tes fleurs ont perdu ces odeurs enivrantes
Qui, par les nuits de mai, m’éveillaient quelquefois.

Elles sont désertées du génie qu’autrefois
Leur inspiraient le ciel, les abeilles vibrantes,
Et moi, je suis comme elles, en ces années poignantes
Coupé du sol natal, désespéré parfois.

Mais l’ombre est descendue et la suave odeur
S’est soudain répandue et m’a rempli d’ardeur
J’avais donc oublié que ce n’est que le soir
Que monte dans les airs, sérénade fragrante,
Ta puissante senteur de rustique encensoir.
Rameau, tu m’as sauvé par ta voix odorante !
PAUL CAVALIER

Alors vous aussi, restez prudents bien sûr, mais avancez confiants, le cœur joyeux et rempli d’espérance.

Bernard Cavalier, Nîmes, le 9 décembre 2020