Confie à Dieu ta route. Consens à lui remettre
Dieu sait ce qu’il te faut. Le poids de ton souci.
Jamais le moindre doute. Il règne il est le maître,
Ne le prend en défaut. Maintenant et ici.
Quand à travers l’espace. Captif pendant tes veilles
Il guide astres et vents, De vingt soins superflus,
Ne crois-tu pas qu’il trace Bientôt tu t’émerveilles
La route à ses enfants ? De voir qu’ils ne sont plus.
Tout chemin qu’on t’impose Bénis, ô Dieu, nos routes,
Peut devenir le sien. Nous les suivrons heureux,
Chaque jour Il dispose Car toi qui nous écoutes
De quelque autre moyen. Tu les sais, tu les veux.<
Il vient, tout est lumière, Chemins riants ou sombres
Il dit, tout est bienfait. J’y marche par la foi :
Nul ne met de barrière Même au travers des ombres,
À ce que sa main fait. Ils conduisent à toi.
C’est un cantique bien connu. On le chante souvent à la fin du culte, comme un envoi sur les chemins de la vie. On le chante également lors des services funèbres, pour évoquer le dernier voyage d’une personne aimée, ou le parcours de deuil qui attend ceux qui restent. Il nous parle aussi aujourd’hui, dans le temps incertain que nous vivons.
On est saisi d’abord par la mélodie, si poignante, reprise de la Passion selon saint Matthieu de Jean-Sébastien Bach. Et puis par les paroles de Charles Dombre (1935), un peu vieillies, mais simples, vraies, profondes. Dieu nous accompagne sur les chemins de nos vies, qu’ils soient « riants ou sombres ». Dans le bonheur et dans le malheur Il est là, Il est lumière. Nous le croyons, nous voulons le croire, mais nous avons besoin de l’entendre, encore et toujours.
Mais qui parle dans ce cantique ? Qui me parle ? Qui m’encourage en me disant « tu » ? Qui m’assure de cette présence de Dieu sur mon chemin ? Ce peut être une personne de mon entourage, un frère ou une sœur dans la foi. Oui, lorsque ma foi chancelle, j’ai besoin de la foi des autres.
Mais ce peut être aussi une voix intérieure, comme si je me dédoublais : une partie de moi se décourage, se désespère une autre partie me console, m’encourage, m’appelle à la vie. C’est pourquoi les paroles du cantique me touchent tant. Ce qu’elles disent est déjà en moi, c’est le noyau de ma foi ; mais elles m’aident à le faire remonter à la surface. Elles m’envahissent, ces paroles, elles me remplissent le cœur. C’est pourquoi les chanter – surtout les chanter en chœur, avec les autres – tout à la fois me fait du bien et me fait pleurer.
Il y a une strophe qui va plus loin encore : « Tout chemin qu’on t’impose peut devenir le sien… » Quelle phrase ! Elle m’interpelle en ce moment où tant de choses me sont imposées : par les menaces multiples qui nous tombent dessus, par les autorités qui font passer en premier l’intérêt général au prix de sacrifices personnels, par moi-même qui m’impose prudence et vigilance. Déceler la présence de Dieu dans ce qui m’est imposé, c’est dépasser le découragement, la plainte ou la révolte, c’est m’élever au-dessus de la grisaille des circonstances, c’est me laisser conduire par Dieu là où, peut-être, je n’aurais jamais pensé aller. Car « chaque jour Il dispose de quelque autre moyen ». Ce qui m’apparaît comme un mal à subir peut devenir, dans la confiance, un bien à recevoir et à donner. C’est vrai pour moi et c’est vrai pour l’Église tout entière.
Alors surgit la dernière strophe, qui est une prière : « Bénis, ô Dieu, nos routes, nous les suivrons heureux ». Oui, heureux, dès aujourd’hui.
Sylvie Franchet d’Espèrey, le 16 novembre 2020