Parole Bleue 23 -La parole aux objets

Ah les bougies, les guirlandes, les santons…Que d’objets viennent peupler notre quotidien en cette fin d’année ! Peut-être avez-vous eu la chance d’en trouver quelques-uns à votre goût lors de notre kermesse ou grâce aux Fées de Noël récemment accueillies au Petit Temple.

A l’heure où beaucoup de nos habitudes se trouvent bousculées, ces objets dans leur beauté simple accompagnent notre quotidien ; non seulement pour préparer la fête, plusieurs semaines avant Noël ; mais aussi pendant, alors que les conditions actuelles ont privé beaucoup d’entre nous des retrouvailles espérées.

Mieux encore : une fois les réjouissances finies, une fois les invités repartis – pour ceux qui ont eu la joie de recevoir, restent ces objets qui semblent résister à l’épreuve du temps. Eux du moins, seront là même lorsque 2020 cèdera la place à l’année nouvelle ; année que tous espèrent meilleure que celle qui touche à sa fin. Sans parler des cadeaux peut-être reçus et qui laissent planer alentour le parfum du ou des généreux donateur(s) !

Au contraire de ces bonheurs simples, nos fins d’années sont souvent riches à l’excès d’images d’abondance ; comme s’il en fallait toujours plus pour être heureux, et pour montrer qu’on l’est en effet ! Détournement malheureux de la joie de Noël au profit du consumérisme de notre époque. Mais un remède à cela pourrait bien consister en une réhabilitation des objets qui nous entourent aujourd’hui ; un peu à la manière des contes de fées, mettant en scène de folles histoires qui racontent l’aventure de la vie à travers un matérialisme habité. On y rencontre des objets qui contre toute attente, se trouvent soudain doués de vie ! Ustensiles du quotidien ou jouets d’une chambre d’enfants, les objets une fois « enchantés » prennent la parole ou la poudre d’escampette pour dénoncer les maltraitances dont ils sont victimes ou l’oubli dans lequel ils ont été relégués.

Longtemps, cet imaginaire débordant est venu se heurter à ma culture réformée, marquée par le règne de la rationalité en même temps que par une certaine sobriété. Aujourd’hui où les humains et la planète ont tant besoin d’un changement des mentalités, je trouve cet imaginaire propre à nous interpeller. Et si l’heure était à revoir notre relation aux objets, qui particulièrement en ce moment tend à prendre plus de place que notre relation aux autres ? De plus en plus en effet, la recherche du confort associée à notre besoin d’indépendance nous font nous reposer sur des objets davantage que sur les êtres humains qui nous entourent de près ou de loin. Moins de contrainte, plus de facilité – lorsque la technologie fonctionne, bien entendu !

La nécessité actuelle de la distanciation physique vient renforcer ce processus, suspendant même nos relations humaines à notre capacité à nous servir d’objets qui se trouvent être toujours plus sophistiqués, toujours plus connectés, toujours plus vite obsolètes aussi. Et si ces objets, comme dans les contes de fées, se retrouvaient doués de parole : qu’auraient-il à nous dire ? Quelle serait leur histoire ?

Il ne s’agit bien sûr pas de nous passer des objets ou de refuser le progrès ; mais au contraire de leur donner dès à présent l’attention qu’ils méritent, afin de pouvoir les remettre à leur juste place. Il nous revient finalement de réenchanter les objets, d’insuffler de la vie dans ce qui, sans nous, devient une réalité sans âme.

Chaque jour, après nous être intéressés aux autres, renouvelons notre attention à ce qui rend notre vie possible au quotidien ; pas tant pour ces objets en eux-mêmes, que pour ce qu’ils disent de nous et de notre humanité. Le remède aux fuites en avant qui l’an prochain pourraient bien nous tenter, se trouve en réalité sous nos yeux ! Et, une fois la féérie de Noël passée, nous pourrons soigneusement remettre à leur place nos objets préférés.

Nous serons alors, en 2021, les excellents artisans du changement dont le monde a besoin !

Bonnes fêtes de fin d’année à tous.

 

Claire Des MESNARDS,  Nîmes, le 28  décembre 2020