Parole Bleue 19 -Enroulée dans l’ombre

Après avoir été sollicité, j’ai accepté une nouvelle fois de rédiger une « Parole Bleue ». Consécutivement j’ai ressenti un certain inconfort : fichtre ! je n’ai jamais suivi de cours de théologie, je ne suis pas même catéchète, et me suis engagé à rédiger un texte méditatif qui sera édité dans l’infolettre, tout comme ceux des pasteurs et des prédicateurs mandatés, éminents théologiens.

J’ai bien failli renoncer après coup, bien qu’au printemps dernier et en novembre je m’étais déjà essayé à rédiger ce que j’appellerais plutôt une « chronique évangélique » ou un « billet » avec mes modestes moyens.
Cette fois-ci, pour honorer mon engagement, je vais m’appliquer à ce que je sais (peut) faire : partager !
Partager avec vous un texte de circonstance de Francine Carrillo qui m’a beaucoup touché, et pour conclure quelques lignes sur la relativité de ce qu’on appelle « le luxe », à l’aune de ce que nous vivons actuellement.

« Dieu, lumière enroulée dans l’ombre »
Texte de Francine CARRILLO, pasteure et théologienne à Genève, écrivain.

« Lorsque les événements nous brisent, quand nos corps ou nos institutions se fissurent, n’allons pas trop vite vers le découragement. »

Maintenant que les nuits débordent sur les matins, que les jours sont pauvres en lumière et souvent gribouillés de brouillard, l’obscurité du dehors pourrait facilement nous rétrécir le coeur, geler notre ardeur. Mais elle pourrait aussi nous renvoyer à cette nuit de la foi qui signe notre condition.
Nous avançons comme nous le pouvons dans l’obscurité du monde et de nos vies. Dieu lui-même se cache plus qu’il ne se révèle. A peine ces mots résonnent-ils que déjà nous savons que ce n’est plus Dieu dont nous parlons ! Mais en a-t-il jamais été autrement ? Dieu ne se donne que voilé à nos yeux comme à notre intelligence.
Il est une lumière, mais enroulée dans l’ombre.
Dès lors, le sombre serait à déchiffrer différemment : non comme du noir absolu, mais comme le vêtement qui cache une visite à venir : « Il incline les cieux et descend, une sombre nuée à ses pieds… Il se cache au sein des ténèbres et dans leurs replis se dérobe » (Ps17, 10 et 12).

Quand la vie nous malmène, quand l’opacité semble tout recouvrir, il dépend de nous de croire qu’il n’y a pas là que du poison, mais de la manne qui contient un appel. Celui de chercher plus loin et plus profond la lumière que nous portons dans des vases d’argile (2 Co 4,7).
Lorsque les événements nous brisent, quand nos corps ou nos institutions se fissurent, n’allons pas trop vite vers le découragement, car il y a peut-être là une promesse, l’occasion de laisser poindre notre être profond, celui qui est caché avec le Christ en Dieu et qui échappe à tous les déterminismes.

Au temps de la conquête de Canaan, Gédéon, en campagne contre Madian, confie
« de nuit » à chacun de ses hommes une cruche à l’intérieur de laquelle brûle une torche.
La troupe s’approche ainsi du camp ennemi sans être vue et au moment de l’attaque, chacun reçoit l’ordre de casser sa cruche, libérant ainsi la lumière qui met en déroute l’adversaire ! (Jg 7, 16 ss).

Saint Jean de la Croix nous invite à lire dans ces vases une figure de la foi qui renferme la lumière divine.
Nous sommes faits de poussière, nous bâtissons dans l’éphémère, notre courage est parfois misère, mais nous sommes habités d’une vie qui excède notre vie, d’une source inaltérable qui nous désaltère à neuf chaque matin.

Nous sommes la demeure d’une bienveillance qui soutient notre vaillance et c’est à elle que nous nous en remettons, car elle seule nous donne la confiance de croire qu’en Dieu « la ténèbre n’est point ténébre ».

Francine Carrillo

Un éclairage sur la notion de « luxe » fin 2020…

Nous croyions que le luxe était ce qui est rare, cher et exclusif, tout ce qui nous semblait inaccessible.
Aujourd’hui, nous nous rendons compte que le luxe, c’était ces petites choses qui pour nous étaient si naturelles, si évidentes, et que nous ne valorisions pas !

– le luxe, c’est d’être en bonne santé, loin des hôpitaux
– le luxe, c’est de pouvoir se promener dans la rue et à n’importe quelle heure
– le luxe, c’est de respirer sans masque
– le luxe, c’est de se réunir avec la famille et les amis, de s’asseoir côte à côte
– le luxe, c’est voir les regards, les expressions et les sourires
– le luxe, c’est les câlins et les bisous, mais aussi les chaleureuses poignées de mains

Tout cela c’était le luxe, et nous ne le savions pas !

Bon bout d’an à toutes et à tous, soyez prudents, et que Dieu vous garde !

Philippe CAGNON,  Nîmes, le 18 décembre 2020