Qu’ils sont beaux, sur les montagnes, les pieds de celui qui porte la bonne nouvelle, qui proclame la paix ! » En lisant les nouvelles dans le journal un de ces matins, ce verset biblique (Esaïe 52, 7) a surgi en moi, comme un cri de prière face aux informations du jour. J’aime le langage biblique, sa poésie et ses détails insolites, comme ici, où le prophète Esaïe chante la beauté des pieds de celui qui proclame la paix ! Ces pieds, je les imagine couverts de poussière, de corne, peut-être même de cloques, car ils ont franchi les montagnes en sandales et ont couru à travers le désert, emportés par l’élan de la bonne nouvelle. Les chemins de la paix sont longs et usent bien des souliers ! J’imagine encore ces sentinelles, au temps d’Esaïe, il y a des milliers d’années, ces guetteurs postés sur la montagne pour guetter l’arrivée de l’ennemi qui auraient vu en fait arriver la paix. Comment l’auraient-ils vu arriver ? Autant on arrive facilement à se représenter les armées qui avancent aux bruits des bottes et au pas cadencé, autant l’arrivée de la paix évoque une multitude d’images. Arrive-t-elle à pas feutrés, comme un chat qui se glisse par une porte entrouverte dans la maison ? Ou bien en sautillant, comme un enfant ou encore en courant ? Ou encore comme une colombe qui se poserait sur un arbre ? Combien d’aller-retour à la table des négociations faut-il avant qu’arrive la paix ? Combien d’appels au cessez-le-feu avant que les bombes cessent de tomber ? Combien de morts de femmes, d’enfants, de vieillards, de personnes civiles innocentes encore ? Dans l’approche de la période de Pâques, nous faisons mémoire de la mort d’un innocent, Jésus Christ. En sa mort résonne la mémoire de tant d’autres. On peut se demander, avec les mots du théologien Alain Houziaux, en quoi la mort de Jésus Christ était différente de la mort de tant d’autres innocents ? Il dit : « Des sages ont réfléchi et réfléchissent encore, ils disent là-dessus tant de choses profondes, belles, scandaleuses parfois. Aucune ne répond parfaitement à la question. Peut-être aujourd’hui nous suffit-il de croire que, si cet homme était vraiment le Fils de Dieu, il a souffert et il est mort pour aller rejoindre au fond de leur enfer tous ceux et celles qui souffrent d’une souffrance banale et pourtant toujours unique ? Cette croix est plantée là, comme pour dire : «Vois, je suis ici, je suis avec toi !». Si cet homme était vraiment le fils de Dieu, c’est au coeur même du tombeau, au fond des enfers de souffrances, en non là-haut, loin des humains, que Dieu se tient et qu’on peut le chercher ». Relevé, ressuscité, les premières paroles que Jésus adresse à ses disciples enfermés dans la peur, sont « Que la paix soit avec vous! ». Il aurait pu jurer vengeance, appeler à la guerre, mais du haut de sa colline de Golgotha, il voit loin : la guerre n’est jamais une solution ! Qui pourrait affirmer que l’avenir appartient à la guerre ? Ou pour le dire avec une phrase de Martin Luther King, prononcée dans le discours d’acceptation du prix Nobel de la paix, en 1964: «Je crois que la vérité désarmée et l'amour désintéressé auront le dernier mot dans le monde des réalités. C'est pourquoi, même s'il est provisoirement bafoué, le bon droit sera plus fort que le mal triomphant. » Ainsi, en ces temps d’approche de Pâques, nous sommes nombreux à être habités par le désir profond que les guetteurs de paix remplacent les sentinelles armées attendant l’ennemi. Marchons dans le sillage du Christ, qui a relevé les disciples pour reprendre la marche et être ambassadeurs de la paix....« Heureux les pieds de celui qui annonce la bonne nouvelle de la paix ». Si vous faites un tour dans le jardin de la Frat, vous verrez aussi des pieds sur une peinture murale - ceux en photo ci-dessus. Sur le chemin de l’ombre vers la lumière, le motif revient : les pieds d’un marcheur sans visage. Sans peine vous y reconnaîtrez celui dont on dit qu’il marche sur nos routes. Nous avons choisi de représenter ses pieds seulement pour mieux dissimuler la multiplicité des visages derrière lesquels il se révèle pour annoncer la paix. La paix est un chemin exigeant. C’est tellement plus facile de réagir à la violence par la violence, dans le plus petit domaine de nos vies comme dans la grande histoire. « Heureux les pieds de chacun et chacune, qui cherche le chemin de la paix ! » Que SA paix soit avec nous, sur ces chemins exigeants et prometteurs de vie ! Iris Reuter, mars 2024.