L’arbre à masques

Après l’amandier d’avril, mon jardin se lâche : les viornes embaument, le lilas s’entrouvre, le deutzia se poudre de blanc, mais un gentil petit cerisier n’a pas supporté la dernière canicule et le voilà, hélas, hélas, passé de vie à trépas ; l’abattre m’insupporte… que faire ? Mais voici que, ce matin, flottantes dans le grand vent, sont apparues de grandes fleurs aux multiples couleurs. Une nouvelle variété vient de naitre : l’arbre aux masques. (Arborétum bizarum mascum)

Les masques : les premières traces remontent à la Préhistoire, les peintures retrouvées dans les grottes en témoignent. Les peuples primitifs se masquaient déjà (peaux, feuillages) et les nécropoles des pharaons abritent les « masques » funéraires (feuilles d’or) pour conserver au mieux les traits du visage. Dès la plus Haute Antiquité l’usage du masque permet de cacher, de dissimuler, de camoufler. En Afrique, et sur tous les continents, le rituel des masques de parades et de danses (écorces, bois…) perdure pour nombre d’occasions.

Plus près de chez nous, les masques du carnaval de Venise, (velours, satin, soie) attirent les touristes.
Qui ne connaît la terrible et énigmatique histoire du masque de fer ?
Théâtre, danse, fêtes, et le récent Halloween, tout est prétexte à se masquer.
Les masques de protection ont toujours été utilisés pendant la guerre de 14-18 (masque à gaz) et dans de nombreux métiers : plâtriers, cardiers, plumassiers, vidangeurs, fossoyeurs et aussi médecins à partir de 1890 (la Grande peste -tissu en forme de bec d’oiseau imbibé de vinaigre).

Appartenant au domaine du paraître, le masque permet à l’homme, en transformant son visage, de métamorphoser son être, de faire ressortir l’individu qui se cache derrière.
À partir de 2020, le monde entier se masque, symbole le plus marquant de la Covid 19.

Vu à la télé : interrogée au sortir d’une messe, une femme très excitée et non masquée affirmait « Dieu veut voir mon vrai visage ». Qui est donc ce Dieu, ce Père, qui serait gêné par quelques centimètres de tissu et ne pourrait ainsi reconnaitre une de ses enfants ?

Dimanche au culte de Pâques, à Vergèze, nous étions une quarantaine de masques presque tous pareils, mais Dieu a reconnu chacun de nous. Et il nous a bénis, ensemble et chacun par notre prénom. Au nom du Fils ressuscité.

Eliane Carrière

texte paru dans le  journal régional protestant Le Cep, n° 651-mai 2021.