Il est où le bonheur ?

Il nous fallait une dernière histoire de B pour terminer l’année en Beauté !  La parole fut donnée à …Bonheur.
Justement  : « il est où le bonheur ? »  comme dit la chanson.  Avec les enfants, nous sommes partis à sa recherche ce samedi -là. Ou plutôt : quelqu’un est venu  au Mas des abeilles pour nous poser la question, avant même que nous ne commencions notre séance. C’est un visiteur inattendu  qui a traversé le parvis du temple à toute allure, juché sur un vélo de course, casqué, lunettes noires. 

Et vous savez quoi ? Il nous a demandé la direction du bonheur ! C’est étrange, il avait l’air très pressé, comme s’il y avait des horaires pour le bonheur, à l’instar d’un bus qu’il ne faut pas rater !  Il  est  ensuite repassé par chez nous, tout fébrile, et s’est exclamé : ça y est, j’ai trouvé le bonheur, yahooo ! 

Casque sur les oreilles, il  nous annonça que la réponse  était dans la chanson qu’il était en train d’écouter. Et puis  « allez, j’y vais, salut la compagnie » , qu’il nous dit, et le voilà reparti à toute allure, tête dans le guidon, à fond la caisse. ‘A donf’, comme disent les jeunes.

«Il est où le bonheur ? »  Il faut croire que ce n’était pas au Mas des abeilles. Qu’à cela ne tienne ! Ne faut-il pas toujours se remettre en question ? Alors, nous nous sommes tous lancés à sa recherche…non pas tant du bonheur que de celui qui nous a dit qu’il avait rendez-vous avec le bonheur. Il nous restait à suivre sa trace !

Sous un soleil de plomb, nous avons quitté le Mas des Abeilles,  longé des parkings, des voitures, des panneaux publicitaires à n’en plus finir, nous avons marché marché, traversé villes et villages, et puis, non loin d’une ferme, on est passé devant un champ , et….et…c’est là qu’on l’a vu, notre visiteur . Oh, le choc ! C’était lui, mais.. ce n’était plus le même homme. Il était à terre, vélo renversé, contre une barrière.

 

Non loin derrière, à l’ombre de quelques arbustes, se tenait un troupeau de cochons à l’air hébété. C’est alors que Mathilde s’est exclamée : « mais c’est une histoire de l’Evangile, je la connais ! C’est l’histoire d’un père qui avait deux fils. Le plus jeune dit à son père : donne -moi la part de fortune qui me revient. Le père partagea entre les deux tous ses biens, le plus jeune vendit tout et avec l’argent récolté s’en alla dans un pays lointain, et là il dépensa tout en vivant n’importe comment « .
A ces mots, notre cycliste releva la tête  et balbutia : « oui, oui, c’est ça. c’est moi, j’ai fait n’importe quoi; et là, je suis perdu, perdu..je suis seul, j’ai faim, je garde des cochons pour survivre, oh c’est la misère et la galère… « 

Sur ces gémissements, le jeune fils déplia son corps froissé, se redressa lentement, ôta son T-shirt déchiré, et, comme si une main invisible le soutenait, réussit péniblement à se lever. Tout  tremblant,  il nous dit : je vais aller à la maison du père,  je vais  lui demander pardon, qu’il me traite comme l’un de ses ouvriers ! « 

 

 

 

Il prit son vélo,  et marcha à côté, lentement, en faisant un grand tour,  regardant droit devant lui.
Puis, il disparut sous nos yeux.

Pour connaitre la suite de l’histoire , il a fallu escalader un grillage. Ce qui a permis aux enfants de se rendre compte que le  retour du jeune fils n’était pas juste un « demi-tour » géographique, mais un voyage intérieur avant tout, moins en longueur qu’en profondeur. Ce que la Bible appelle aussi : la conversion.

 

Les enfants voulaient savoir à quoi ressemblait cette « maison du père » dont il leur avait parlé. Après un détour et un jeu de piste sur la pelouse faisant sillonner les enfants entre les arbres de la Maison de santé protestante (MSP), ils  arrivèrent aux abords de la  » pergola », abri de verdure à mi-chemin entre la MSP et le temple. Le père attendait son fils, scrutant le chemin.
Et le voici, amaigri, dépouillé mais vivant. Les enfants assistèrent, solennellement, au retour « du fils perdu », accueillis les bras ouverts par le père, au son des tambourins.

Guirlandes, gâteaux, boissons fraiches et bonbons garnissaient la table des retrouvailles devant un père ému aux larmes qui ordonna qu’on revêtit son fils retrouvé des plus beaux habits qui soient.

C’est alors qu’on entendit la cloche sonner, un son saccadé, agressif : c’était le fils aîné, qui revenait des champs : « que se passe t-il ici ?  »  demanda t-il. et déversa toute sa colère et son amertume. « Et moi, et moi père ? tu ne m’as jamais donné quoi que ce soit pour que je fasse la fête avec mes amis ».

Le père répondit :  « mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi. Mais il fallait faire la fête car voici que  ton frère qui était mort est revenu vivant, il était  perdu et il est retrouvé.  »

Voilà une parabole qui nous dit que le bonheur n’est pas forcément à l’autre bout du monde, et qu’il ne consiste pas à posséder mais à recevoir.
Le fils cadet avait choisi la  fuite en avant et son frère aîné  l’obéissance  austère du travail. Tous deux ont dû apprendre le sens du bonheur selon l’Evangile.

L’histoire ne nous dit pas si le fils aîné a accepté de participer à la fête : les paraboles de Jésus  ne sont pas des contes de fées, mais  des fenêtres ouvertes  que Jésus nous offre, invitant chacun de nous à réfléchir sur ce que nous faisons de la vie que Dieu nous donne en abondance.

 

Titia Es-Sbanti

Séance Caté, paroisse du Mas des abeilles.
19 juin 2021