Ecoute, Dieu te parle !

Le récit commence par le silence de Dieu: «La parole du Seigneur était rare en ces jours-là, les visions n’étaient pas fréquentes ». Dieu se tait. C’est une époque sans prophète. Il n’y a plus personne pour voir ou pour entendre quoi que ce soit au sujet de Dieu. Mais quand Dieu se tait, plus personne n’est capable de dire le sens, de montrer la route.. Le monde n’ a plus qu’à  contempler sa propre folie, angoissé devant tant d’absurdité et de néant. Mais est-ce Dieu qui se tait ou le monde qui fait trop de bruit et n’écoute que sa propre voix ?

Après le silence, voici la nuit. Le jeune Samuel est dans son lit, enfin : couché sur  sa natte posée au sol, dans le temple de Silo, là où se trouve le coffre de l’alliance, ce symbole de la présence de Dieu –
Et cette nuit -là, quelque chose va interrompre la routine d’une religion qui ronronne : Samuel est réveillé : il ne sait pas d’où ça vient. C’est sans doute le vieil Éli qui a besoin de lui et qui l’a appelé ? «Me voici, puisque tu m’as appelé ! » dit le jeune garçon. «Non, je ne t’ai pas appelé mon enfant, répond le vieux prêtre, retourne te coucher».
Éli  sait  qu’il n’a pas appelé Samuel, et ce dernier sait qu’il a été appelé par quelqu’un. Se crée un mal-entendu d’autant plus marqué que Samuel, nous dit-on, «ne connaissait pas encore le Seigneur. Certes, c’est étonnant : ce jeune adolescent baigne dans un environnement religieux, il officie chaque jour dans le Temple, il y dort même, il est enseigné par le prêtre Eli mais lui, Samuel, n’a encore jamais fait l’expérience de Dieu. Comme quoi, on peut être un pratiquant non croyant. On peut vivre comme serviteur de Dieu sans avoir le privilège de Le connaître. Une vie pieuse, sérieuse et religieuse, ne donne pas automatiquement la foi !

Samuel se réveillera deux fois de la même manière, se précipitant vers Eli et  lui reposant la même question: « tu m’as appelé ? je suis là ». Le scenario se répètera une troisième fois. Pourquoi cette répétition ? Peut-être pour nous signifier que la Parole de Dieu ne se reconnaît pas forcément du premier coup. Il faut souvent que Dieu insiste pour que nous reconnaissions sa Parole. Il nous faut du temps. En effet, trois appels, cela ne peut pas signifier  ‘tout de suite’. C’est plutôt à l’image de toute une vie.

L’histoire met au centre un enfant, c’est assez rare dans la Bible, et ce n’est pas anodin : aux temps bibliques, le témoignage d’un enfant n’avait pas de valeur, il occupait une place inférieure dans la société.  Pourquoi ce choix ? Dieu s’adresse à qui  il veut lorsqu’il appelle quelqu’un à le servir : Abraham est un vieillard. Les prophètes sont des gens mûrs. David est un jeune berger. Avec Samuel, Dieu choisit un enfant qui l’entendra pour transmettre son message à un peuple devenu sourd.
Ainsi, Dieu appelle à tous les âges de la vie, à partir de tout petit, et bien au-delà de ce que nous appelons l’âge de la retraite..

On peut, en passant, saluer la beauté de ce récit qui met en relation deux âges totalement opposés. La scène  se déroule la nuit qui évoque une certaine intimité, une dimension discrète voire secrète qui renforce le côté unique et personnel de la rencontre avec Dieu.

Enfin, ce qui me semble précieux à noter, c’est que Samuel a eu besoin du vieil Eli pour entendre l’appel du Seigneur, pour comprendre ce qui se passe. Il n’a pas compris tout seul, dans son coin, avec les oreilles et les yeux fermés. Il a eu besoin d’un autre, de sa parole.

Samuel peut, cette fois, s’ouvrir à la possibilité d’une voix qui vient d’ailleurs, la voix de quelqu’un qui n’était pas visible ni compréhensible au premier abord.

Et nous, quels sont ces «autres» qui nous parlent et dont nous avons besoin pour continuer notre chemin, notre vie de foi ? Sommes -nous attentifs ? Les entendons -nous?

Sommes-nous capables, comme  le jeune Samuel,  de dresser l’oreille en direction de ce qu’il ne connait pas encore ? D’offrir un cœur disponible, perméable, ouvert à ce qui vient d’ailleurs  pour pouvoir ainsi répondre à l’appel de Dieu en disant : «Parle-moi, ton serviteur écoute ».

Dieu va lui parler, et Samuel percevoir sa parole, sa présence. Ce que le Seigneur lui demande d’accomplir  sera d’ailleurs loin d’être simple. Ce ne seront pas de petits mots doux mais des choses difficiles à entendre. En effet, Dieu fera part à Samuel de sa profonde déception quant au comportement de son peuple qui n’en fait qu’à sa tête, et en particulier de la famille du vieil Eli : ses trois fils, bien qu’ayant eux aussi endossé la fonction de prêtres, se conduisent comme des voyous, pratiquent le racket sur les pèlerins se rendant au Temple pour apporter des offrandes.

Samuel prendra le relais : dès le lendemain matin, c’est lui qui va parler au vieil Éli. Les rôles se renversent. Cette fois-ci Samuel n’est pas appelé à écouter, mais à transmettre ce que Dieu lui a dit. Eli aura donc joué son rôle de passeur  car Samuel n’aurait pas reconnu la Parole de Dieu -même à la 3ème fois – s’il n’y avait pas eu Eli pour lui servir d’interprète.

N’avons -nous pas, nous aussi, besoin d’interprètes pour nous aider à  saisir qui nous parle et que c’est à nous qu’Il parle. Qui sont les «passeurs» d’espérance, de bonnes nouvelles aujourd’hui ?
Samuel porte cette fonction de l’écoute et de la transmission au cœur de son propre prénom : Samu-El (Ch M L) , ce qui signifie Dieu a écouté. Il recevra de sa part cette capacité d’écoute à son tour. Et nous, quelle est notre capacité à écouter et à entendre ? Si à l’époque de Samuel, il nous est dit que la Parole de Dieu était à la fois rare et précieuse, qu’en est-il aujourd’hui ? Dieu nous parle t-il peu, ou un peu, beaucoup, passionnément, ou pas du tout ?

Et si nous avions du  mal à l’entendre  parce que nous sommes connectés sur tous les réseaux sauf le sien ?

Est -ce le Seigneur attend que nous  sachions éteindre nos écrans (allumés en permanence) et nos multiples connections  qui obstruent notre attention, notre capacité d’écoute ?

Malgré la situation difficile et pesante de notre monde aujourd’hui, notre espérance se fonde sur un Dieu qui d’adresse encore et toujours à nous, malgré nos infidélités et nos trahisons..
Et S’il parle « moins » , c’est peut-être pour que nous prenions conscience que sa Parole est rare et précieuse, et qu’elle ne saurait disparaître. …

Il nous faut apprendre à entendre Dieu au coeur de nos vies quotidiennes, même et surtout dans les moments  les plus sombres. Je vous laisse cette petite histoire pour terminer  :

C’est un enfant qui a peur du noir. Il s’adresse à sa grand-mère qui est dans la pièce d’à côté : « Parle- moi, car j’ai peur. » La grand-mère  lui répond : A quoi cela te servirait-il puisque tu ne me vois pas ?  Alors, l’enfant lui répond : «Il fait plus clair lorsque quelqu’un parle ».

C’est aussi l’expérience que le Seigneur nous invite à vivre en sa compagnie, ce que l’un des psaumes de la Bible traduit de la manière suivante : «Ta parole, Seigneur, est une lampe devant mes pas, une lumière qui éclaire ma route »

Amen

Titia Es-Sbanti

prédication du 10/10/2020,  Mas des abeilles, culte  caté/ inter-génération.

Texte : 1 Samuel 3, 1-10

Le jeune Samuel officiait pour le SEIGNEUR devant Eli. La parole du SEIGNEUR était rare en ces jours-là, les visions n’étaient pas fréquentes.
Un jour qu’Eli était couché à sa place — ses yeux commençaient à s’affaiblir, il ne pouvait plus voir ; la  lampe de Dieu n’était pas encore éteinte, et Samuel était couché dans le temple du SEIGNEUR où était le coffre de Dieu — le SEIGNEUR appela Samuel. Il répondit : Je suis là !  Il courut vers Eli et dit : Je suis là ! Tu m’as appelé ? Eli répondit : Je n’ai pas appelé ; retourne te coucher ! Il alla donc se coucher. Le SEIGNEUR appela de nouveau Samuel. Samuel se leva, alla trouver Eli et dit : Je suis là ! Tu m’as appelé ! Eli répondit : Je n’ai pas appelé, mon fils ; retourne te coucher !  Samuel ne connaissait pas encore le SEIGNEUR ; la parole du SEIGNEUR ne s’était pas encore révélée à lui. 8Le SEIGNEUR appela de nouveau Samuel, pour la troisième fois. Celui-ci se leva, alla trouver Eli et dit : Je suis là ! Tu m’as appelé ! Eli comprit alors que c’était le SEIGNEUR qui appelait le garçon. Eli dit à Samuel : Va te coucher ; s’il t’appelle, tu diras : « Parle, Seigneur, moi, ton serviteur, j’écoute. » Samuel alla donc se coucher à sa place. Le SEIGNEUR vint et se tint là. Il appela comme chaque fois : Samuel ! Samuel ! Samuel répondit : Parle ! Moi, ton serviteur, j’écoute.
Alors le SEIGNEUR dit à Samuel : Je vais faire quelque chose en Israël ; quiconque en entendra parler en restera abasourdi (….)