Le Dieu désarmé

Ils sont fous, ces Romains ! C’est une phrase culte des albums d’Astérix, prononcée par Obélix, célèbre pour sa naïveté, son manque de nuance, et son jugement brut de décoffrage face aux us et coutumes étrangers à son univers.

Aujourd’hui, je me sens un peu comme Obélix quand je vois l’état de notre monde. Il suffit de remplacer Romains  par  humains : nous sommes devenus fous. (cela dit : avons -nous seulement été sages une seule fois dans l’histoire de l’humanité ?)

En attendant, cessons de vouloir expliquer le mal en opposant les bons et les méchants tout en se plaçant soi -même du bon côté ! Nous sommes tous embarqués dans le même bateau et partout sur la terre où le langage des armes, de la violence et de la domination l’emporte sur le désir de justice et de paix, c’est notre humanité commune qui régresse.

L’histoire du Déluge -inspiré d’un mythe très ancien- est éclairant : contrairement à ce qu’on pense généralement, la catastrophe n’est pas le déluge mais la violence démultipliée. Le récit s’ouvre sur un constat : il pleut des cordes d’injustice et de méchanceté sur la terre. Nen pouvant plus de ce chaos, Dieu décide d’en finir et de rayer l’humanité de la carte moyennant un vaste déluge (Gen 6). En hébreu – la langue de l’AT, déluge se dit mabboul. Ce mot est passé de l’arabe (langue très proche de l’hébreu) au français dans l’expression familière que nous lui connaissons.

Le récit biblique est d’une étonnante modernité. Je relèverai quatre points :

1)La tristesse de Dieu

Le déluge de méchanceté humaine plonge le Seigneur dans une immense tristesse (Gen 6, 6). Il est tellement affligé, nous dit-on, qu’il en arrive à regretter  d’avoir créé les humains. Voilà qui est troublant : Dieu pourrait-il revenir sur sa décision et changer d’avis ? Une vieille légende raconte que les larmes du ciel sont celles de Dieu lorsqu’il voit ce que les humains ont fait du monde.La question est dans notre camp : avons -nous affaire à un Dieu de la Nature qui menace ou à un Dieu de la grâce qui pleure avec nous ?

2) La mémoire de Dieu :
C’est parce qu’il «
se souvient de Noé » (Gen 8,6) que Dieu va mettre fin à l’inondation.Oui, Dieu intervient dans notre histoire parce qu’il ne nous oublie pas. Il fait le choix d’être un Dieu d’amour fou qui offre le salut à tous : c’est la bonne nouvelle qu’il a déposé dans le monde en nous envoyant son Fils Jésus-Christ : bonne nouvelle à ne jamais oublier– en particulier quand nous avons l’impression que notre monde s’enfonce pour toujours dans la confusion et le chaos général ! Il y a là une profonde parole d’espérance pour tous les humains qui flottent et dérivent dans leur existence sans savoir vers où tourner le regard.

Prenons donc cette Bonne nouvelle au sérieux : accueillons – là dans nos vies ;ne faisons pas de son message d’Amour un appel manqué. La mémoire vive du Seigneur est celle qui veut sauvegarder sa création en dépit de nos destructions et de nos incessantes infidélités. Notre Humanité ressemble à une Live Box dans laquelle nous flottons, secoués régulièrement par des vents contraires et des courants violents qui nous rappellent sans cesse combien nous sommes infiniment petits.

3) L’alliance
Le projet de salut de Dieu pour le monde consiste à renoncer au Mal ; à faire alliance avec toutes les créatures, animaux et plantes incluses.

A noter qu’une alliance suppose un pacte, un accord entre deux partenaires. Or, lAlliance conclue avec Noé n’a rien de tout cela : Dieu promet sans demander aucune contrepartie. Il ne dit pas à Noé :  »en échange de ce que Je fais pour toi et les tiens, tu me seras fidèle ». Non, l’alliance avec Noé est un engagement de Dieu seul. C’est lui qui promet de ne plus détruire la Terre, de ne plus lui faire de mal. L’alliance est la signature de Dieu pour signifier qu’Il ne sera plus jamais source de mal, quel que soit le mal que puissent faire les humains. Une image de sa grâce sans condition. 

4)L’arc-en-ciel

Pour signifier son alliance, Dieu choisit un signe : l’ arc-en- ciel. Ce n’est pas pour nous qu’il fait cela, raconte le récit, mais c’est « pour se souvenir » de son alliance. Comme si Dieu lui-même avait besoin de signes…comme nous. Maeis c n’est pas une fragilité, c’est une proximité. Ce Dieu qui se souvient est un Dieu qui ne s’éloigne pas, qui ne se lasse pas, qui continue d’aimer malgré tout.L’arc en ciel est le post-it de Dieu.

Le symbole nest pas anodin car le terme hébreu désigne l’ arc, celui quon utilise pour chasser ou pour faire la guerre, l’arc meurtrier des guerriers et des puissants.
Par conséquent
, ici Dieu dépose son arc, tourné non plus vers la terre, mais vers le ciel, comme quelqu’un qui déposerait ses armes : voilà que le Seigneur est.. désarmé ! Il n’est plus qu’un Dieu d’amour, de patience et de pardon.

L’arc-en-ciel signe le passage de la guerre à la paix, de la mort à la vie. Il ne  vient pas supprimer les nuages sombres de nos existences, mais les traverser. Il est ce lien reliant le ciel à la terre, nous encourageant à avancer sereinement dans l’Espérance, les yeux tournés vers le Seigneur tout en gardant les pieds sur terre. Cest dans cette dynamique que s’inscrivent les engagements que Louna et Anabel vont exprimer tout à l’heure : en demandant la confirmation de leur baptême, elles accueillent cette grâce inconditionnelle de Dieu qui les accompagnera tout au long de leur vie.

Pour Noé, pour Louna et Anabel comme pour nous, la grâce de Dieu ne les quittera jamais, quelle que soit la couleur du ciel. 

Amen

Titia Es-Sbanti

Prédication du 28/06/2025 à l’occasion du culte « Arc-en ciel »
et de la confirmation de Louna et d’Anabel.

Séance de caté : https://nimes-eglise-protestante-unie.fr/larc-en-ciel/