Parole bleue 19/21

-La tête dans les étoiles –

Avec le déconfinement, l’ouverture des terrasses, la fin des limitations de déplacement et le recul de l’heure du couvre-feu, nous allons sans doute nous laisser gagner par l’envie de sortir, de partir à la découverte de nouvelles rencontres, dans un dépaysement rafraîchissant, la tête dans les étoiles. Cela me fait penser à la poésie du voyage présente dans le récit des « Rois mages ».

Un récit surprenant…

Ce récit des « rois mages » est surprenant. D’abord, vous le constaterez si vous relisez le récit que nous en fait l’évangile de Matthieu au chapitre 2, ce ne sont pas des « rois », seulement des « mages ». « Mages », ça fait penser à « magiciens ». Ce sont des personnages un peu bizarres, des astrologues qui lisent dans les étoiles comme dans un livre pour apprendre, par exemple, qu’un nouveau roi est né. Or la Bible se méfie des astrologues. Elle préfère faire confiance à Dieu plutôt qu’aux étoiles. De plus, ces mages viennent d’un autre pays, probablement de Babylonie, un pays qui a souvent été en guerre avec Israël. L’habitude des auteurs bibliques est donc plutôt celle de la réserve à l’égard de ces drôles de mages Babyloniens !

Le positif : se laisser déplacer.

Pourtant, dans le récit que l’évangile de Matthieu nous fait de leur visite à l’enfant Jésus qui vient de naître, ces mages symbolisent ce qui est positif : le fait de sentir un appel venant de Dieu, et à la suite de cet appel, se mettre en marche, en mouvement pour y répondre. Ces mages qui viennent d’un autre pays et d’une autre religion n’hésitent pas à quitter leur famille, leurs amis, à faire des kilomètres pour découvrir autre chose. Ils se laissent déplacer dans leurs habitudes, peut-être même dans leurs certitudes, parce qu’ils ont envie de s’ouvrir à des personnes différentes, envie de se faire une idée neuve de celles et ceux qui ne sont pas comme eux.

Dans le palais d’Hérode rien ne bouge

Le récit fait également apparaître d’autres personnages : Hérode le roi de Jérusalem, les grands-prêtres, les scribes, et les habitants de Jérusalem. Ce sont, pour les lecteurs de l’évangile de Matthieu, des personnes auxquelles il est plus facile de s’identifier. Eux ne sont pas bizarres, contrairement aux mages ! Cependant, c’est une autre surprise du récit, lorsqu’on annonce à toutes ces personnes la naissance de Jésus, ils ne bougent pas. Plutôt que d’accompagner les mages à Bethléem, ou d’envoyer une délégation en leur nom, ils préfèrent rester à Jérusalem. Pourtant Hérode et les grands-prêtres savent. Ils savent que le Messie est annoncé et ils savent où il doit naître. Ce sont eux d’ailleurs qui renseignent les Mages. Mais ils ne feront pas le déplacement de Jérusalem à Bethléem pour rencontrer le Messie qui vient de naître. Ils ont peur de la nouveauté. Peur de perdre leurs habitudes et leur confort. Le constat est cinglant : dans le très beau palais d’Hérode rien ni personne ne bouge. Il faut que tout reste pareil. La tente des mages, elle, est très différente. Elle n’est à coup sûr pas aussi belle et confortable que le palais d’Hérode. Mais elle n’est pas figée dans la pierre, elle se démonte facilement et permet de se mettre en mouvement, de partir à la découverte, à la rencontre de personnes que l’on trouvait peut-être jusque là un peu bizarres.

Une incitation à la rencontre

Tout ce récit est naturellement à prendre de manière très symbolique. Avant d’être une exaltation du voyage, il est une invitation au déplacement intérieur, à la conversion du regard et des idées. Dès le chapitre 2 de son évangile, Matthieu entend montrer qu’avec la naissance du Christ un souffle nouveau nous appelle à sortir de chez nous, à sortir de nos habitudes et de nos cadres préétablis, pour faire de notre vie une occasion de rencontres, de découvertes, de changements. Une occasion de déconfinement, pas seulement extérieur, mais aussi intérieur !

Alors, que cette interpellation et cette poésie du récit nous accompagne dans ce joli mois de mai et dans les semaines estivales qui s’annoncent. Que nous partions ou que nous restions dans notre belle ville de Nîmes, que cette invitation à redécouvrir nos voisins étrangers comme nos voisins de paliers nous accompagne, nous convertisse, et nous donne de marcher, nous aussi, la tête dans les étoiles !

 

Lionel, Nîmes, le 27 mai 2021