Le tailleur de pierre : un conte pour cet été

Il y a de vieilles histoires qui parlent encore aujourd’hui. Des mots d’hier qu’on croirait taillés pour nous. Voici, venue du Moyen-Age,  l’histoire du tailleur de pierre….qui n’était pas heureux de ce qu’il était ! C’est qu’il cherchait toujours un costume qui serait mieux taillé pour lui….

C’était un tailleur de pierre, gai luron et joyeux drille qui passait sa journée à chanter tout en débitant les blocs de pierre de la carrière. On le mandait parfois pour restaurer quelques vieille demeure. Or, un jour, le seigneur du village l’envoya quérir pour réparer les degrés usés du perron d’entrée de son château.A la vue de cette demeure cossue, pimpante et confortable, il sentit monter en lui une bouffée d’envie : « si j’étais propriétaire d’un tel château, je serais le plus heureux des hommes ! Je serais riche et je n’aurai plus besoin de gagner mon pain à la sueur de mon front, à casser des cailloux du matin au soir ». Quelle ne fut pas sa surprise lorsque, retournant le soir à sa masure dans la forêt, il découvrir à la place le plus merveilleux manoir qu’on puisse imaginer !
Assis sur le perron, il jouissait depuis quelques jours déjà de sa vie de nouveau riche, lorsqu’il voit passer sur la route le roi lui-même trônant dans son carrosse, entourés de courtisans chamarrés et de laquais en livrée : « que j’aimerais moi aussi être entouré de serviteurs et comblé d’honneurs !  »  A peine le souhait a -t-il. franchi ses lèvres qu’il se retrouve assis dans le carrosse royal à la place du monarque..

Mais le soleil dardait de plus en plus fort ses rayons et bientôt il eut chaud : « Ah ! Si j’étais le soleil.. »

Devenu astre du jour, il jouissait de sa toute nouvelle puissance : ne pénétrait-il pas de sa lumière et de sa chaleur les lieux les plus cachés du globe ? Jusqu’au moment où un vilain nuage obscurcit son ardeur. Dépité, il grommela : «  Ah ! Si j’étais nuage… ». Sitôt dit,sitôt fait : voici notre tailleur de pierre transformé en un beau cumulus répandant la pluie sur tout le pays. Rien n’arrêtait l’ondée, elle coulait grossissait en ruisseaux et rivières. Jusqu’à ce que son impétuosité toute-puissante se trouvât barrée par un gros rocher sur la route et la voici obligée de le contourner pour continuer son chemin.

« Comment ? Ce rocher prétend être plus fort que moi ? Que je devienne rocher ! »

Et le voici trîonant fièrement de toute sa masse de granit au milieu du chemin. Mais un matin qu’il se réveillait du pesant sommeil de la nuit, il entendit à ses pieds comme des bruits sourds et se senti ébranlé de secousses à chaque coup. C’était un petit homme qui la masse à la main, était en train de le réduire en morceaux !

« Que ne suis-je tailleur de pierres ! «  s’exclama notre héros. Et le voici à nouveau taillant les rochers et chantant à tue-tête, débordant de la joie toute neuve d’être enfin lui-même et enfin libéré de toutes les grandeurs.

 

Extrait du culte du 10 mai 2020, pasteure Claire Des Mesnards.