Au plaisir de lire, et pour vous vous souhaiter « Bon appétit » !
Au jour où paraît cette méditation commence pour 3 jours au Petit Temple la 34ème Foire aux Livres. Un événement attendu puisque la précédente a eu lieu il y a 17 mois environ ! Cette manifestation commencée en 2002 ou 2003 rencontre un grand succès ! Malgré l’arrivée de la communication dite 2.0, le livre garde ses adeptes, et d’année en année je ne cesse d’être impressionné.
Si l’apprentissage en est parfois rigoureux, si son perfectionnement est exigeant, je voudrais témoigner que la lecture n’est pas simplement une « fonction » ou une « opération » nécessaire pour la vie de chaque jour. Je veux proclamer qu’on peut y trouver sans cesse un grand plaisir toujours renouvelé.
Je suis avide de lectures, j’ai les miennes que parfois je commente avec d’autres. Il me faut bien reconnaître que d’autres ne penchent pas vers les mêmes livres que moi. Au demeurant, c’est plus pratique : on ne se bat pas pour avoir le même livre (enfin, il faut pour certains ouvrages ne pas traîner pour les acquérir). Pourtant je reconnais en eux qui ne lisent pas les mêmes choses que moi des gens de ma famille, celle des lecteurs, dont certains sont juste curieux, mais beaucoup compulsifs et disent leur bonheur.
Le plaisir de lire provient d’une belle rencontre qui n’a de cesse d’ouvrir aux rencontres suivantes. Et vraiment je le dis ; ne boudons pas ce plaisir, donnons nous de belles occasions pour une telle rencontre !
Quand Gûtenberg a commencé, suivi assez vite par une nuée d’autres, le premier ouvrage qu’il a imprimé est une Bible qui reste, en tant de langues, un des livres les plus lus au monde.
La Bible, un curieux singulier puisque le grec ta Biblia est un pluriel : les livres !
Avec des auteurs différents, dans des contextes différents, des styles différents comme la poésie, le langage juridique, le roman historique ou le récit historique (etc…). C’est à leur lecture que Juifs et Chrétiens en la méditant y reçoivent une Parole qui leur vient de Dieu : c’est à dire qu’ils y reçoivent en leur conscience ce sentiment intime, en rien objectif, que Dieu vient s’adresser à eux. Et il n’est pas rare que l’on use de cette image selon laquelle cette Parole est comme du pain, ou qu’elle est comme une fontaine jaillissante, qu’elle nourrit, qu’elle désaltère nos soifs !
Nous confessons que là se trouve une nourriture pour ce qui fait vivre.
Attaché à ce que le maximum de croyants puissent avoir accès aux textes, à pouvoir laisser les lectures de ces textes cheminer en eux, le Protestantisme a promu la lecture en général. Oh, tous les livres ne se valent pas, mais tant et tant nous parlent de la vie humaine, de la pensée humaine, en des genres littéraires si divers. Et la lecture ainsi ouverte n’est pas je ne sais quelle concurrence à la Bible, mais enrichissement, renvoi, éclaircissement pour aller relire, pour nous aider à mettre des mots sur la vie. Parce que ce parcours n’est jamais clos et que la création humaine fait partie de ce qui peut nous grandir.
Il est arrivé à un prophète une étonnante aventure. Relisons en Ezéchiel chapitre 2 :
7.Tu leur diras mes paroles, qu’ils écoutent ou qu’ils ne prennent pas garde, car ce sont des rebelles.8.Toi, humain, écoute ce que je te dis : Ne sois pas rebelle comme cette maison rebelle ! Ouvre ta bouche et mange ce que je te donnerai ! 9.Je regardai : une main était tendue vers moi, tenant un livre-rouleau. 10 Il le déploya devant moi : il était écrit en dedans et en dehors. Il y était écrit : Lamentations, plaintes, gémissements.
Et au chapitre 3 :
1.Il me dit : Humain, mange ce que tu trouveras, mange ce rouleau et va parler à la maison d’Israël ! 2.J’ouvris la bouche, et il me fit manger ce rouleau. 3.Il me dit : Humain, nourris ton ventre et remplis tes entrailles de ce rouleau que je te donne ! Je le mangeai, et il fut dans ma bouche doux comme du miel.
Le récit produit lui-même une mise en image et cette sensation de goût de miel est le produit d’une relation particulière au cœur d’une confiance déroutante. Voilà que le goût de la lecture des rouleaux va venir mettre fin à l’amertume qui emplit les cœur des rebelles à Dieu et son projet de bonheur.
Dans l’Apocalypse, la même scène est presque « rejouée » mais là voilà qu’une autre histoire de lecture se joue : ‘Apocalypse 10/10) Je pris le petit livre de la main de l’ange, et je le dévorai. Dans ma bouche il était doux comme le miel, mais, quand je l’eus mangé, il remplit mes entrailles d’amertume.
C’est qu’il arrive que la lecture ne nous plonge pas dans l’hébétude d’un bonheur quiet mais vienne susciter nourrir nos révoltes, nos colères. Mais il reste ce miel, nourriture et saveur qui nous porte au travers des vicissitudes du quotidien. Alors nous savons qu’il est des passionnés qui dévorent ; un mot si souvent utilisé pour la lecture.
Si je tiens comme beaucoup de protestants aux livres en général c’est que ma lecture quotidienne de la Bible est enrichie, contredite ou soutenue par les autres lectures : un gigantesque débat sans fin ouvert à nos questions et cela ne peut être qu’un merveilleux dialogue.
Je finirai par une provocation émise il y a prés de 40 ans par un pasteur-bibliste : « Pourquoi la Bible ? Parce que ça se mange ! »
Jean-Christophe Muller, Nîmes, 17 juin 2021.