C’était un chaud dimanche du mois d’août. Ils étaient une dizaine de bébés dans les bras de leurs parents, dans les poussettes ou dans le ventre de leurs mères.
Tous au fond du temple…par souci de discrétion.Tous, sauf Arthur : du haut de ses 4 mois, il était au premier rang, entouré de sa famille, prêt pour le baptême.Deux autres bambins, plus grands, se promenaient à l’avant. Intrigués par ce temple immense, ils ne cessaient de lever la tête.
Au démarrage d’un des cantiques, tous deux se sont assis au bord de l’estrade, se tenant la main, face à l’assemblée : très à l’aise, souriants, sans complexe. Cela a bien duré une minute, ce qui n’est pas rien pour un enfant…
La vue d’une si jeune assemblée, poliment repliée au fond du temple pour ne gêner personne, m’a laissée songeuse : notre Eglise accueille t-elle les familles comme nous accueillons nos proches à la maison ? Les tout-petits sont-ils les bienvenus dans les lieux de cultes parce qu’ils sont mignons ? Les apprécie- t-on pour ce qu’ils sont ou selon leur capacité à ne pas remuer ni ouvrir la bouche pendant un culte –
le plus grand compliment étant : « Qu’est ce qu’ils ont été sages, on ne les a pas entendus ! ». Notre Eglise s’adresse t-elle à eux ? Leur annonce t-elle un Evangile vivant et joyeux ? Et sur le plan matériel, pratique, s’en donne t-elle les moyens ?
En tous cas, la société de consommation, des loisirs et du fast-food prend de plus en plus en considération la place des plus petits, et donc des familles : chaises hautes, coins pour langer les bébés, espace jeux, rampes pour poussettes, attractions diverses..
Et nous ? Certes, l’Eglise n’est pas là pour séduire ! Sa mission est d’annoncer l’Evangile du Christ et d’en vivre.
Elle ne se nourrit pas d’une « fast foi ». Elle est porteuse d’un message spécifique.
Mais si elle a quelque chose à dire à nos contemporains, en particulier à ceux qu’on appelle « les jeunes actifs », il lui faut prendre en compte leurs rythmes de vie, sachant les pressions exercées par une société de plus en plus soumise à la rapidité et à l’efficacité.
Pour nos paroisses, les baptêmes (et mariages) sont – en dehors de Noël – les temps les plus fédérateurs car ils rassemblent toutes les générations.
La communion dans l’écoute et le partage de la Parole sont essentiels, mais restent encore trop occasionnels dans notre Eglise de Nîmes.
Au Mas des Abeilles, le temps fédérateur est celui du « samedi-caté » : ce rendez-vous mensuel et intergénérationnel essaye (y parvient-il ?) de tenir compte des rythmes de vie familiaux et individuels très divers, souvent irréguliers, parfois compliqués.
Le temps est compté (courses, activités des enfants, garde alternée, loisirs..).
Combiner les obligations avec le désir de se retrouver un peu en famille, de souffler et de vivre sa foi en Eglise relève, pour certains, de l’acrobatie.
En même temps, la question centrale est toujours là, fidèle au poste de la vie : que voulons-nous transmettre à nos enfants ? Quelle éducation spirituelle leur donnons-nous, quelle éducation à l’autre dans une culture du selfie ?
Plus celle-ci offre du virtuel, plus nos Eglises devront offrir du concret.
Cette année, au Mas des abeilles, nous aborderons aux « samedi-caté » le thème du chemin. Qui dit « chemin » dit quitter son « chez soi », son fauteuil, son écran. Le « chemin » est ce qui nous met en mouvement, nous déplace, nous ouvre à l’inattendu, à la rencontre.
Nous prendrons ce chemin tous ensemble, « jeunes et vieux » comme dit un célèbre cantique. Nous remplirons notre besace de belles rencontres, chemin faisant. Comme disait le poète espagnol (1) : « le chemin se fait en marchant. »
Titia Es-Sbanti
(1)Antonio Machado.