Et vous ? Qui dites-vous que je suis ?
Aujourd’hui, Lundi Saint. Nous sommes au lendemain de l’entrée triomphale de Jésus dans Jérusalem. Jésus a commencé sa marche vers sa Passion. Mais qui s’en doute alors ? Est-ce que la météo est encore au beau fixe du dimanche des Rameaux ? Ou bien, est-ce que des voix s’élèvent déjà, préparant – peut-être sans le savoir, le retournement de la foule ? A l’époque de Jésus, pas de chaîne d’information 24h sur 24 qui en un tour de main dresserait l’état du monde ; nul baromètre gracieusement offert par des sondeurs fabricants d’opinions.
On imagine pourtant sans difficulté que déjà alors, des chaînes étaient là, de celles qui arriment aux idées toutes faites ; et que d’un pas de porte à un autre, on sondait le voisin et ses certitudes, ses espoirs et ses doutes : « d’après vous, qui est-il vraiment ? Qu’y a-t-il à en attendre, que peut-on espérer de lui ? »
Le débat a démarré bien avant ce jour ; Jésus ne l’ignorait pas. C’est ce que nous montre un épisode bien connu des trois Evangiles synoptiques (selon Matthieu, Marc et Luc), et qui aujourd’hui au seuil de la Semaine Sainte se propose à notre relecture.
« Jésus s’en alla, avec ses disciples, dans les villages de Césarée de Philippe, et il leur posa en chemin cette question : Qui dit-on que je suis? Ils répondirent: Jean Baptiste; les autres, Élie, les autres, l’un des prophètes. Et vous, leur demanda-t-il, qui dites-vous que je suis ? Pierre lui répondit: Tu es le Christ. » (Marc 8, 27-29 )
Dans l’Evangile selon Marc, ce passage est placé juste après la guérison d’un aveugle. Comme s’il fallait d’abord être débarrassé de ce qui encombre notre regard pour oser une réponse lucide au réel qui se présente à nous.
Voici, chemin faisant, une première invitation à être attentifs à ce qui se dit de Jésus alentour. « Celui qui baptise. » « Elie ! » « Un prophète. » Aucun commentaire ne vient alors répondre aux propos que rapportent les disciples et qui résonnent dans le vide comme autant de rumeurs. Mais une seconde invitation est faite, qui appelle cette fois à se tourner vers l’intérieur. Il s’agit maintenant d’oser une parole qui s’écarte des formules toutes faites entendues ici ou là : une parole qui vienne dire une vérité plus personnelle, celle de la relation qui me relie à ce Jésus qui ne cesse de surprendre. « Tu es le Christ », dit Pierre, celui qui comme souvent est le premier à se jeter à l’eau.
Jésus sait tout ce que nous pouvons mettre derrière les mots ; et combien d’erreurs sont commises pour une conviction dont on brandit le nom comme un étendard. C’est pourquoi il intime ensuite le silence : pour que nous écoutions mieux. Sa mort et sa résurrection, voilà en effet ce qu’il annonce dans les versets qui suivent, pour la première fois dans l’Evangile selon Marc. Insupportable annonce ! Et voilà que Pierre engage la dispute. Il se verra répondre, comme à la foule, qu’il aura lui aussi à prendre sa croix pour suivre Jésus-Christ. Aussi étrange que cela puisse paraître, c’est ainsi qu’il vivra et sera finalement sauvé.
Aujourd’hui sur notre chemin vers Pâques, demeurent ces questions de Jésus par lesquelles toute foi commence : « Qui dit-on que je suis ? Et vous, qui dites-vous que je suis ? »
A votre tour, vous êtes invités à répondre ! Envoyez vos découvertes, si possible sous la forme brève :
« On dit que … ; moi je crois … » à claire.desmesnards@gmail.com, d’ici jeudi.
Comme dans l’Evangile selon Marc, le secret sera soigneusement gardé ; pour qu’au matin de Pâques nous entendions ensemble dans une confession de foi commune vos témoignages, grâce auxquels nous passerons des « on-dits » qui sont légions, à la Foi Vivante en chacun de nous. Dans l’espérance que cette semaine mise à part sera aussi le temps du partage : à vos claviers !
Claire Des Mesnards, le 6 avril 2020