Derrière la lourde porte, une petite pièce, 9m2, tout en longueur. Un lavabo et des toilettes, une table et deux chaises, un lit superposé, au fond une lucarne. La vitre s’ouvre sur un grillage, serré.Deux hommes vivent ici, deux inconnus si différents, retranchés du monde, confinés.
Cellule 109, premier étage, tout est calme enfin : c’est l’heure du rendez-vous.
L’un s’avance et ouvre la fenêtre, tout doucement. Dans ses doigts, quelques miettes de pain ou parfois de vieux biscuit écrasé. Il tend sa main et délicatement dépose son offrande sur le rebord, juste derrière les barreaux.
L’oiseau est là, il attendait. Lui qui ne connaît pas l’enfermement, lui qu’aucune contrainte ne retient prisonnier, lui qui se déplace sans papier, sans permis, sans attestation, libre, il est là, comme tous les matins, fidèle.
« Si tu m’apprivoises, nous aurons besoin l’un de l’autre, dit le renard au Petit Prince. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde. » Saint -Exupéry nous dit avec ce conte combien l’ami est cher, combien l’ami est inestimable, combien l’ami est rare.
En ce 18ème jour de confinement en France, en ce 171ème jour de confinement dans cette cellule 109, une parole nous rejoint, essentielle, qui nous dit que notre vie a du sens, que nous sommes précieux, que nous avons du prix, par le simple fait d’exister, d’être là, d’être présent à l’autre, d’être unique. Et à travers cet autre, c’est un Tout Autre qui nous attend et nous rend libres de toute chaine pour l’attendre aussi, pour l’espérer, pour ce rendez-vous qu’Il nous promet.
En cette presque veille de Rameau, Jésus vient nous rencontrer, léger comme l’oiseau, lumineux comme l’aube nouvelle, qui transperce toutes nos prisons et Il incarne cet amour du Père qui nous assure : « Oui, tu es précieux à mes yeux, tu as de la valeur pour moi et je t’aime. » Alors, viens ! (Esaïe 43,4)
Marie-Hélène BONIJOLY, aumônier protestant à la Maison d’arrêt de Nîmes- 3 avril 2020