Difficile un 1er avril de ne pas évoquer le poisson ! Oh, en ce jour, un peu de facétie ne nuirait pas ! Je préfère résister à cette tentation, et vous proposer de cheminer, de nous laisser couler avec les poissons.
La Bible nous raconte comment Jonas, jeté en pleine mer fut avalé par un poisson ! C’est alors monte son chant proclamé du fonds des entrailles du poisson :
De ma détresse, j’ai invoqué le SEIGNEUR,
et il m’a répondu ;
du sein du séjour des morts
j’ai appelé au secours,
et tu m’as entendu.
Tu m’as jeté dans les profondeurs, au cœur des mers,
les courants m’entourent ;
tous tes flots, toutes tes vagues ont passé sur moi.
Et moi, je disais :
Je suis chassé loin de tes yeux !
Mais je verrai encore ton temple sacré.
Les eaux m’ont enserré jusqu’à la gorge,
l’abîme m’entoure,
des joncs se sont noués autour de ma tête.
Je suis descendu jusqu’aux ancrages des montagnes,
les verrous de la terre m’enfermaient pour toujours ;
mais tu m’as fait remonter vivant de la fosse,
SEIGNEUR, mon Dieu ! … (Jonas 2/3-7)
À la fin du chant, à la demande de Dieu, le poisson recracha Jonas, au terme d’un séjour de trois jours et trois nuits !
C’est un cheminement fort que Jonas nous fait vivre dans son dialogue avec Dieu, description saisissante de ces moments où tout semble nous abandonner, où nous nous sentons projeté sans l’avoir voulu et aspirés par le néant, où nous nous sentons pris en étau non seulement moralement mais également dans une sensation physique. Et cependant, dans ce chant, tourné vers le seul à qui encore s’adresser, on a une série d’allers et retours !
« j’ai invoqué » et « tu m’as répondu », « j’ai appelé au secours » et « tu m’as entendu ».
Rejeté dans les profondeurs, les abîmes, Jonas décrit une situation de non-retour qui s’achève par ce cri : « tu m’as fait remonter vivant de la fosse ». Prenez le temps de lire debout ce poème à voix haute, comme une complainte : dans ce mouvement quelque chose vient s’incarner en nous et nous fait traverser toutes nos heures sombres pour nous porter, parce que cela devient notre dialogue avec Dieu, vers l’espérance confiante que Dieu a entendu, que Dieu a répondu.
Ce texte a marqué le christianisme naissant : parmi les Écritures juives, n’est-ce pas une des plus belles pré-figurations de la croix et de la résurrection ?
Outre que parmi les premiers disciples on trouve des pêcheurs sur la Mer de Galilée, les premières communautés, autour de la Méditerranée, sont souvent dans des ports où le poisson est la nourriture de base, élément vital. Rien d’étonnant que l’on joue du mot Ichtus (poisson en grec) qui sert aussi à dire Jésus Christ, Fils de Dieu, notre Sauveur. On trouve ainsi dans les représentations paléochrétiennes des images du repas eucharistique avec du pain et des poissons.
Nous avons en tête les récits de multiplication des pains et des poissons. Prenons la mesure de la dimension liturgique de ces repas, signes avant-coureurs du Royaume où ce qui nous manque nous sera donné en abondance :
Jésus prit les pains, rendit grâce et les distribua à ceux qui étaient là ; il fit de même pour les poissons, autant qu’ils en voulurent (Jean 6, 11).
De nos jours, le poisson a disparu des services de Sainte Cène, sans doute parce que nous en restons à l’ « Institution » de la Cène dans Matthieu, Marc et Luc, sur un mode de repas pascal juif, où le poisson n’a pas sa place. La finale de Jean (Jean 20/1-14), nous donne la mesure de cette dimension eucharistique que revêt « le petit déjeuner sur la plage », après une pêche miraculeuse : Jésus leur dit : « Venez déjeuner. » Aucun des disciples n’osait lui poser la question : « Qui es-tu ? » : ils savaient bien que c’était le Seigneur. Alors Jésus vient ; il prend le pain et le leur donne ; il fit de même avec le poisson. (Jean 20/12-13).
Signe de la présence du Seigneur au milieu de nous, cette promesse, au cœur de nos détresses et de nos manques, que le Royaume vient, qu’il se réalise déjà, où nous l’aurons en abondance !
Jean-Christophe Muller, 1er avril 2020
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