Ils étaient huit à monter dans l’arche de Noé…Un chiffre qui, dans la tradition hébraïque, représente l’infini. Quel symbole ! Il y a donc place, dans l’arche, pour une humanité infinie… La symbolique de l’eau renvoie à la parole de Dieu qui lave et purifie : l’eau du déluge est une eau qui couvre, enveloppe et contient le mal et la mort en définitive, afin que la vie d’une humanité infinie triomphe. Et si ce matin, nous considérions que Noé ou son arche sont des types avant l’heure d’une parole salutaire à même de nous faire cheminer plus loin que nos enfermements ? Une parole nous permettant d’être simplement disponible au service d’une écoute et d’un échange tellement nécessaire auprès de tant de personnes en voie de solitude ?
(lecture d’extraits du livre de la Genèse )
L’arche est aussi un type de Christ : la parole console et fait du bien ! L’étude du texte montre qu’elle est d’abord une construction divine. On trouve avec son mot hébreu « tévat » un rapport avec le Tétragramme, le nom de Dieu, mais aussi avec la notion d’écriture, de lettre, de cachet, de signe, et plus étonnant : avec l’idée d’un lieu d’accueil pour tous....
Le bois de la parole
Encore plus étonnant, le bois de construction est un bois de gofer qui signifie le « soufre ». Le soufre est ici interprété comme la juste parole de Dieu, qui porte une notion de pureté, qui tranche ou partage, c’est le sens d’alliance dans le 1er Testament, d’avec l’impur c’est-à-dire ce qui est désigné comme mauvais ou mal. Les termes d’enduire (ou de couvrir) avec les deux mots que sont poix (ou bitume) forment en hébreu un jeu de mots dont les racines ont un rapport direct avec la notion du kippour c’est-à-dire du pardon et de la grâce comme de l’amour qui en découlent. Le bois de l’arche, « bois de la parole » reçoit intérieur comme extérieur une double couche de kippour, de pardon, de grâce et d’amour… Image de la parole qui flottera sur les eaux de la confusion, du déluge (maboul), de la mort, de la désolation et de la solitude… image du Christ qui marchera sur les eaux…
Une fenêtre sur la lumière
Un mot sur la fenêtre ou lucarne de l’arche. Elle est évoquée 3 fois avec chaque fois un mot différent. Le 1er signifie une lumière incréée, divine, qui brille et éclaire toute l’arche d’une façon toute particulière. Dans l’exégèse rabbinique c’est une lumière messianique. Le 2ème, c’est l’idée d’une connexion entre le haut et le bas, le ciel et la terre et le positionnement qui peut être le nôtre dans cette sorte de dualité. Le 3ème, c’est le sens d’un accès à la pleine lumière, d’un nouveau départ, d’un nouveau monde, le toit enlevé évoquera pour les chrétiens la pierre roulée…
Deux oiseaux
Le corbeau et la colombe : deux oiseaux bien différents ! Le premier se délecte de chairs mortes avariées, le second de graines qui portent en elles la vie. La racine du premier évoque l’idée de tourbillonner, tournoyer mais aussi de troubler, de confusion et de mélange. Le second évoque l’effervescence de la vie, le vin et la vigne, le festin aussi. Les deux oiseaux sont tous deux « missionnés » de la même attente ou intention mais le contexte induit deux visions du monde; deux regards sur le monde que peut porter Noé et nous autres… une vision sur les valeurs de vie ou de mort… jeu d’une dualité avec laquelle il faut vivre et se positionner.
Une feuille déchirée
La branche d’olivier est en réalité dans le texte une « brisure » d’olivier. Brisure fait penser à déchirure et nous évoque la souffrance. L’olivier déchiré est une figure du messie; l’eau du déluge, qui symbolise le mal et la mort, aura brisé, abîmé l’olivier mais celui-ci sortira vainqueur des forces de destruction par une indicible lumière ou puissance de vie. C’est cela que nous pouvons aussi reconnaître dans la feuille déchirée d’olivier que rapporte la colombe à Noé.
La colombe repartira sans jamais revenir, preuve d’un monde à nouveau habitable pour une nouvelle humanité avec laquelle Dieu fait alliance par l’intermédiaire de Noé et de ses descendants. L’arc-en-ciel en sera le signe très visible. Noé poursuivra sa volonté d’honorer Dieu et de lui être agréable et reconnaissant et l’Eternel le bénira.
Mais où s’est posée la colombe ? Jean le Baptiste rapporte son témoignage : j’ai vu l’Esprit descendre du ciel comme une colombe et s’arrêter sur lui. Je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser d’eau, celui-là m’a dit: Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et s’arrêter, c’est celui qui baptise du Saint-Esprit. Et j’ai vu, et j’ai rendu témoignage qu’il est le Fils de Dieu. (Jean 1, 32).
Le monde avec son lot de maux -dont la solitude – est délivré, soulagé par la Parole de Christ ! La figure de Noé et de son arche, image d’une parole, renvoient à une aumônerie ouverte, recueillie, tolérante et conciliante, s’inscrivant à la fois pour porter sa mission au coeur d’une communauté et au coeur du monde. Amen
Extraits de la prédication du pasteur Thierry Azémard, aumônier des maisons de santé protestantes de Nîmes, à l’occasion du culte des aumôneries de Nimes, 26/01/20
Textes bibliques : extraits de 1 Pierre 3, 1 Corinthiens, 13, 11-13, Genèse 6-9
**************
La solitude fait partie des maux bien douloureux en ce bas monde. Même si elle peut aussi être un bien que l’on recherche ou que l’on s’offre, afin de goûter à un peu de tranquillité, elle demeure cependant très souvent assujettie aux douleurs de l’existence. Les avancées technologiques et l’apparition de nouveaux moyens de communications ont certes des avantages pratiques mais comment les utilisons-nous ?
Ne favorisent-ils pas souvent des rythmes de vie modernes quelque peu barbares voire déshumanisants ? Les causes sont multiples : veuvage, handicap, période de lutte contre une maladie, milieu carcéral, militaire, médical, psychiatrie, précarité sociale, familiale, violences sociétales, sans oublier le grand âge qui isole forcément et inéluctablement. Bref, si dans certains cas la solitude est recherchée, pour beaucoup d’autres personnes c’est un état cruel qui leur est imposé par la vie. Devant cette lourde réalité, l’aumônerie cherchera au coeur des Ecritures et de sa foi la ressource nécessaire pour entendre et accompagner ailleurs que dans le désespoir ces situations de solitude.
T. A