C’est l’histoire d’un semeur peu enclin à faire des économies et que sans doute on hésiterait à embaucher de nos jours….
On le trouve dans une des paraboles de Jésus…
Evangile de Marc, chapitre 4, 1-9
Jésus se remit à enseigner au bord de la mer. Il se rassembla auprès de lui une foule si nombreuse qu’il monta dans un bateau, sur la mer, et s’ assit. Toute la foule était à terre, près de la mer. Il les enseignait longuement en paraboles et leur disait : « Ecoutez : Le semeur sortit pour semer. Comme il semait, une partie de la semence tomba le long du chemin : les oiseaux vinrent et la mangèrent. Une autre partie tomba dans un endroit pierreux, où elle n’avait pas beaucoup de terre : elle leva aussitôt, parce que la terre n’était pas profonde ; mais quand le soleil se leva, elle fut brûlée et elle se dessécha, faute de racines. Une autre partie tomba parmi les épines : les épines montèrent et l’étouffèrent, et elle ne donna pas de fruit. D’autres grains tombèrent dans la bonne terre : montant et grandissant, ils finirent par donner du fruit ; l’un rapporta 30, un autre 60, un autre 100. Et il disait : Celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende ! »
Qui est ce semeur ? Jésus ne donne pas de réponse explicite, parce qu’avec ses paraboles, il utilise un langage caché qui oblige à rechercher, réfléchir, à changer notre regard sur le monde, sur nous et sur Dieu..
Avec les enfants, nous avons suivi ce semeur dans ses gestes.. C’est étrange, regardez, il en met partout , ça tombe de ses poches ! Y aurait-il des trous dans sa sacoche ? Serait-il maladroit ? Négligent ? C’est difficile à croire : car à cette époque, en Israél-Palestine, un grain était un grain, il ne fallait pas le perdre ! D’ailleurs, un bon paysan ne semait pas en dehors des limites de la bonne terre. Or celui-là..comment dire ? Et bien, on dirait qu’il s’en fiche, qu’il sème n’importe comment !
Le semeur est sorti pour semer...
Je vous propose d’attraper au vol trois mots avant que le vent ne les emporte.
1) semence
Ces grains lancés par le semeur dans son champ semblent avoir beaucoup d’importance dans la parabole. Nous disent-ils quelque chose sur le Royaume de Dieu ?
Si c’est le cas, n’est-ce pas un tout petit peu décevant de recevoir la Parole de Dieu sous la forme d’une semence et non pas sous la forme d’un produit fini, sous la forme d’une offre minuscule et non pas sous la forme d’une solution toute faite ?
Parce que cette semence-là, on aimerait s’en procurer des tonnes -une bonne provision en tous cas – et que ce soit tout de suite : l’amour, la justice, la bonté, la paix universelle, la guérison des maladies, la suppression des maladies, la suppression des difficultés, bref : une bonne provision de semence immédiatement utilisable, tout de suite consommable. Et bien non : Il n’en est pas ainsi ! La parole de Dieu se présente sous la forme d’une humble chose jetée en terre. Rien d’éclatant ni de grandiose. Sa puissance de vie serait donc cachée ? C’est sans doute à cela qu’il faut prêter une attention toute particulière….
2) la terre
Enfin : le terrain..que dis-je : le champ ! Enfin : le chemin, ou plutôt le sentier caillouteux, le coin épineux. Oh la la, ce lieu est bien difficile à décrire !
En même temps, ces différents reliefs me font penser à quelque chose…..pas vous ?
C’est un peu grâce à notre invité spécial de cet après -midi, Paul.. Il a raconté aux enfants son expérience d’animateur de culte à la prison à Nimes. Accompagnant une équipe à la guitare, il a expliqué ce que la parole de Dieu est capable de semer auprès des détenus : la joie du partage et du chant et la certitude d’être aimé indépendamment de ce qu’on a fait.
Ces détenus ont tous des vies cabossées, semblable à des terrains où l’amour et le respect n’ont pas pu se frayer un passage. Des terrains remplis de cailloux et d’épines, ou alors des chemins arides et sinueux…bref : des vies qui ressemblent plus à un terrain vague qu’à un jardin anglais bien entretenu..Mais à partir de ce témoignage , une question s’est posée à tous : une vie sans creux ni bosses existe t-elle ? Ne sommes nous pas tous un mélange de cailloux et de terre fertile, de douceur et de violence ?
3) Le semeur
Nous l’avons regardé un peu de travers dès le début, n’est ce pas ? En effet, n’est -il pas un peu inconscient, gaspilleur, déraisonnable, bref : un peu fou, non ? Quel entrepreneur engagerait un ouvrier pareil qui jette l’argent par les fenêtres, c’est-à-dire la semence aux oiseaux, aux cailloux, aux ronces et aux orties ! Franchement, quel gâchis. Ce semeur ne gaspille t-il pas ses richesses, son temps, ses forces, sa vie ?
Il faut croire qu’il aime la terre celui-là, et qu’il aime toute la terre, y compris les endroits impossibles. Tiens, cela vous rappelle t-il pas quelqu’un ? Il a parcouru les chemins durs, il est mort sur un rocher, couronné d’épines. Lui même s’est jeté dans les cailloux, dans les ronces, dans les épines. Oui, son geste fou a révélé une intention délibérée, une espérance démesurée, une promesse inespérée.
Alors, si dans notre société, la plupart des acteurs de la vie économique ne comptent que sur ce qu’ils appellent le « bon terrain », le Dieu de Jésus-Christ, lui, compte aussi sur les autres. Mais au fait, dites-moi : comment savoir où chacun de nous se situe ? Si, dans un regard lucide d’ailleurs, vous essayez de déterminer le terrain que vous êtes, lequel allez-vous choisir ? Qui aura le toupet de dire « : je suis la bonne terre » ! Mais en même temps, qui peut affirmer : je ne suis que caillou » ? En fait, ce sol dur, têtu, imperméable : c’est moi, c’est toi, parfois….certains jours, mal luné, mal tourné. Et ce sol pierreux, blessant, superficiel, c’est toi, c’est moi, parfois….Souvent, plus décevant que prometteur. Et ce terrain fertile, riche de possibilités, mais occupé par des plantes inutiles aux racines très longues, aux tiges acérées, sans fleurs, sans fruits, ce terrain où le blé pousserait très bien, mais où il n’y a pas de place pour tout le monde, ce terrain qui a choisi autre chose : ..c’est toi, c’est moi, c’est nous parfois, avec nos projets individuels, si peu solidaires.. Et cette bonne terre enfin : souple, riche, ouverte, disponible, c’est encore toi, c’est moi : quelquefois… pas souvent… de temps en temps !
Oui, nous sommes quelquefois, des gens vivables, aimables, capables de bonté, d’amour, de patience, de courage, de service, même si, en même temps, toi et moi, nous sommes aussi …invivables. Nous sommes ce mélange mal dosé d’insupportable et de délicieux, de décourageant et de prometteur. N’en est-il pas ainsi ? Seulement, ce qui est étonnant et magnifique ici, c’est que le semeur de la parabole ne fait pas le tri. Le terrain ? Il n’y en a qu’un et c’est nous. Le semeur nous aime comme nous sommes. Il ne méprise ni personne, ni rien en nous. Il s’approche de nous tout entier, et tout ce qui en nous est fermé, endurci, l’intéresse, j’ose même dire : le passionne !
Alors, convaincus par l’amour de ce semeur-là, nous sommes tous invités à semer à notre tour, à poser un autre regard sur les autres, sur Dieu comme sur nous-mêmes. Invités à vivre et transmettre l’espérance active de ce semeur déraisonnable…Car celui-là a semé à tous vents, il y a 2000 ans, et continue de semer généreusement et sans modération. Ouvrez votre cœur pour entendre ce qu’il vous murmure à vos oreilles : «ne renonce pas, ne dis pas de toi qu’il n’y a rien à faire. Moi, ton Seigneur, je crois, je t’attends, je t’espère, je sème là où, à vues humaines, il est impossible qu’il pousse quelque chose. Si je ne t’aimais pas comme tu es, je ne te donnerai pas ma vie. Alors, avance avec confiance, et sème à ton tour. Je sème, tu sèmes.. Je t’aime ! »
Amen
Titia ES-SBANTI- extraits de la prédication du 1/02/2020, culte inter-génération, temple du Mas des abeilles.