La colère de Dieu

En préambule : à l’origine du choix des textes bibliques aujourd’hui se trouve la visite pastorale d’un couple de notre paroisse. J’y suis allé pour faire connaissance et je pense qu’on a passé un bon moment ensemble. À un moment donné nous avons parlé de prédications, de textes bibliques et c’est alors que Monsieur m’a fait la remarque que l’on prêche jamais sur le prophète Amos, sur la colère de Dieu, comme si c’était un tabou.

Prêcher  sur Amos 5, Esaïe 1, Matthieu 23 : je ressentais cela comme une sorte de défi. Un défi que, spontanément j’avais envie de relever. Et pourquoi pas ? Pourquoi ne pas se frotter à un texte un peu difficile, un texte qui parle non pas de ce Dieu d’amour et de miséricorde que l’on a bien l’habitude d’entendre mais d’un Dieu en colère, un Dieu fâché et furieux.
Du coup, je me pose la question si ma prédication de ce matin est une prédication évangélique, c’est à dire une prédication qui vous permet de sortir de ce temple à la fin de ce culte de manière libre, la tête haute, renouvelés. A vous de me le dire en sortant.
Par ailleurs, en rentrant j’ai pris ma Bible et j’ai lu ces passages du prophète Amos. Et puis ceux assez semblables finalement du prophète Esaïe et enfin ceux de Matthieu où c’est Jésus qui exprime de manière assez virulente lui aussi son désaccord avec les pharisiens dont je vous ai lu juste quelques extraits.

A la fin, je l’avoue, un soupir est sorti de ma bouche. Pouh … et j’étais spontanément tenté par l’envie de choisir un autre texte, quelque chose de plus simple, de plus édifiant. C’est vrai que, d’une certaine manière, ces textes sont difficiles à entendre. Théologiquement, on peut se poser la question si ce message n’est même pas contraire au commandement d’amour si cher aussi à Matthieu. L’amour qui est le fil rouge de toute la bible. L’amour que Jésus est venu annoncer.

Je me suis dit alors que rien ne presse et que parfois c’est bien de laisser les choses se poser. J’ai partagé avec vous une prédication sur la confiance qui s’exprime par le psaume 23. C’était un peu aussi pour poser la base d’Amos. Curieusement, les jours suivants, ces textes, ces reproches divins exprimés par Amos ou Esaïe, ces plaintes de Jésus, ont continuer à résonner à moi.

Ainsi j’ai rencontré un homme détenu qui avait tellement marre d’attendre qui avait besoin que son affaire avance, qui trouvait injuste non pas qu’on lui faisait un procès mais la manière d’être traité en prison, et bien, j’ai spontanément repensé à ce Dieu qui avait marre lui aussi d’attendre que ce peuple réponde et corresponde à ses attentes. Puis, au conseil régional, en faisant le bilan des situations conflictuelles qui sont parfois la triste réalité de nos églises locales, le président du conseil régional a exprimé sa fatigue. Et je repense à notre passage biblique et à la fatigue divine. Comment est-ce possible que ce peuple soit si difficile à guider ?
En lisant le journal lundi dernier je tombe sur un énième article sur le réchauffement climatique qui met en lumière l’inaction humaine malgré l’urgence consentie. Comment est-ce possible que malgré la clarté de la situation le peuple de Dieu fasse le contraire de ce que Dieu attend de lui ? Je pourrais encore continuer mais ce n’est pas nécessaire. Les textes bibliques ont fini par s’imposer à moi. J’avais l’impression que quelque chose d’important se dit là. Quelque chose que nous pouvons pas simplement ignorer.

Dieu qui dit : « Je ne supporte plus vos cultes, je ne veux plus écouter vos cantiques, vos prières me fatiguent » (Esaïe) . Un Dieu qui en a marre de ses propres fidèles, Jésus qui a ras le bol des pharisiens et responsables religieux du peuple. Dieu alors qui se met en colère, qui a envie de tout casser. Un peu comme avant le déluge mais bon, cette option-là, la destruction pure et simple de tout ce qui est vivant, n’est plus possible. Dieu avait dit non : « plus jamais ça, je ne détruirai plus jamais la terre. »

Que faire alors ? Et que dire ? Retenons d’abord, et c’est peut-être déjà le plus important, que ces expressions de colère et de trop plein sont des expressions d’amour. D’amour déçu, sans doute, mais des expressions d’amour quand-même. Curieusement, c’est justement parce que j’aime mes enfants que je me permets parfois d’exprimer mon désaccord et ma frustration. Pire qu’une sortie de route verbale serait le désintérêt. Je préfère quand-même largement un Dieu concerné, engagé qui exprime sa frustration, à un Dieu indifférent qui ne s’intéresserait pas du tout à ce lien qui nous unit.
Dieu exprime donc  ici son désaccord, son ras-le-bol, sa frustration. De quoi ce Dieu est-il frustré ? Pour le résumer en une seule phrase : «  Des cultes partout, de la justice nulle-part ! Des prières du matin au soir, mais souvent accompagnées de si peu d’actions d’aide ou de gestes fraternels ! Ce dont Dieu semble avoir assez, c’est de l’hypocrisie des humains trop peu enclins à la solidarité et à l’entraide.
C’est vrai que c’est un peu difficile pour nous les protestants. Évidemment, l’amour de Dieu ne dépend pas de nos actions. Dieu, lui, n’a pas besoin d’action de solidarité. Dieu, non, le monde en revanche si. Dieu n’a pas besoin de gestes, les humains défavorisés, pauvres ou sans travail, oui.
Oui, c’est important que l’Église, et l’Eglise à Nîmes, la communauté du centre-ville, s’intéressent et s’engagent dans ce monde et les gens qui l’habitent. Nous disons que Dieu est amour. Aimons alors le monde tel qu’il est, rendons-le meilleur.
Exprimons, nous aussi, de temps en temps, notre ras le bol, notre frustration. Être protestant, c’est, aussi bien que l’on peut, se tenir debout pour les autres. Ce que je dis n’est pas évident, je le sais très bien. Je suis le premier à y échouer trop souvent. Il y a une confession de foi qui dit que la foi est un engagement pour l’humain et contre tout ce qui le défigure. Ce n’est donc pas simplement une protestation  »contre » mais surtout une lutte en toute humilité pour une réalité autre.
Que ce Dieu passionné et passionnant nous soit une lumière sur notre chemin. Que ses paroles vivifiantes nous rendent vivants et créatifs. Que son Esprit nous habitent et nous guide. Amen

Frank MASSLER

Prédication 18/10/ 2025

Textes bibliques

Amos 5 : 1.Gens d’Israël, écoutez ce que j’ai à dire : c’est un chant de deuil, que j’entonne à votre sujet. 2.Comme une jeune fille morte, Israël est à terre, elle ne se relèvera plus. La voilà abandonnée sur son propre sol : personne pour la relever ! 10.Au tribunal on est plein de haine pour celui qui rappelle le droit, et on a en horreur le témoin qui dit la vérité.11.« Vous exploitez le faible, vous prélevez du blé sur sa récolte. (…) 21.« Je déteste vos fêtes, je ne veux plus les voir, dit le Seigneur. Je ne peux plus sentir vos assemblées solennelles, 22.ni les sacrifices que vous venez me présenter. Je n’éprouve aucun plaisir à vos offrandes. Je ne regarde même pas les veaux gras que vous m’offrez en sacrifice de paix. 23.Éloignez de moi le vacarme de vos cantiques ; je ne veux plus entendre le son de vos harpes. 24.Que le droit jaillisse comme une source ! Que la justice coule comme un torrent intarissable !

Matthieu  23

13. Quel malheur pour vous, scribes et pharisiens, hypocrites ! Vous fermez aux gens le royaume des cieux ; vous n’y entrez pas vous-mêmes, et vous n’y laissez pas entrer ceux qui le voudraient. (…) 23 Quel malheur pour vous, scribes et pharisiens, hypocrites ! Vous payez la dîme de la menthe, de l’aneth et du cumin, et vous laissez de côté ce qui est le plus important dans la loi : la justice, la compassion et la foi ; c’est cela qu’il fallait pratiquer, sans laisser de côté le reste. 24Guides aveugles, qui retenez au filtre le moucheron et qui avalez le chameau !

25. Quel malheur pour vous, scribes et pharisiens, hypocrites ! Vous purifiez le dehors de la coupe et du plat, alors qu’au dedans ils sont pleins de rapacité et d’excès. 26.Pharisien aveugle ! Purifie d’abord l’intérieur de la coupe, afin que l’extérieur aussi devienne pur. 27.Quel malheur pour vous, scribes et pharisiens, hypocrites ! Vous ressemblez à des sépulcres blanchis qui paraissent beaux au dehors, et qui au dedans sont pleins d’ossements de morts et de toute espèce d’impureté. 28.Vous de même, au dehors, vous paraissez justes aux gens, mais au dedans vous êtes remplis d’hypocrisie et de mal. 33.Serpents, vipères ! Comment pourrez-vous fuir le jugement de la géhenne ?

Esaïe 1 : 11.Qu’ai-je à faire de la multitude de vos sacrifices ? dit le Seigneur. Je suis rassasié des holocaustes de béliers et de la graisse des bêtes grasses ; je ne prends pas plaisir au sang des taureaux, des agneaux et des boucs.12. Quand vous venez pour paraître en ma présence, qui vous demande de fouler les cours de mon temple ? 13. Cessez d’apporter des offrandes inutiles : l’encens est pour moi une abomination ; quant aux nouvelles lunes, aux sabbats et aux convocations, je ne supporte pas le mal avec les assemblées solennelles.14. Je déteste vos nouvelles lunes et vos rencontres festives, elles me pèsent ; je suis las de les supporter.15.Quand vous tendez les mains, je ferme les yeux pour ne pas vous voir ; quand bien même vous multipliez les prières,je n’entends pas : vos mains sont pleines de sang.16. Lavez-vous, purifiez-vous, ôtez de ma vue vos agissements mauvais, cessez de faire du mal. 17.Apprenez à faire du bien, cherchez l’équité, redressez l’oppresseur,rendez justice à l’orphelin, défendez la veuve.