Le loup et l’agneau

«..Il sera juste pour ceux qui, dans le pays,sont sans défense. (…). Alors, le loup habitera avec l’agneau,le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau mangeront ensemble.… (Esaïe 11)

Ah, si seulement on pouvait voter pour un tel programme !
Cela étant, cette déclaration du prophète Esaïe ne manque t-elle pas un peu de sérieux ? C’est quoi cette histoire de panthère qui s’allonge près du chevreau, de bébé qui joue avec le serpent, de lion qui devient végétarien : un nouveau dessin animé de Wall Disney ? Un scenario  pour le carnaval à l’école Marie Durand l’année prochaine ? Les carnavals, c’est très pédagogique : ça permet aux êtres les plus opposés , les plus « incompatibles » de se mélanger et de défiler ensemble, pour un temps donné.
Cela dit, une fois que la fête est terminée, la vie reprend son cours normal. Chacun enlève son masque et retrouve ses habitudes. Et oui, tout rentre dans l’ordre : Le loup mange à nouveau l’agneau, Le veau, le lionceau et le bétail ne font plus table commune, le lion n’a pas changé son régime, les serpents ne servent pas de doudous pendant la sieste.

En fait, rien n’a changé. Et actuellement, nous sommes même  »gâtés » car nous avons tout ce qu’il faut dans notre monde pour que cela finisse en guerre de tranchées, avec toutes les crises qui nous environnent : politiques, économiques, sociales, climatiques, et militaires. Oui, il y a de quoi s’entre-dévorer. Et il y en a toujours eu, ça ne s’arrête jamais.
Esaïe le savait déjà, et son époque (750 av. JC) n’avait rien à envier au nôtre. Quand il écrit , la guerre menace aux portes de Jérusalem. Les armées du puissant voisin Assyrien s’approchent chaque jour un peu plus, et les habitants sont terrifiés. Il semble que tout va s’écrouler. Or, c’est justement  là que retentit une parole surprenante, inattendue, provocante : oui, au cœur de la guerre, nous dit Esaïe, alors que tout s’effondre, voici que nous est annoncé un signe de résurrection : un rameau, une petite pousse, un brin de vie, surgissant d’un vieux tronc !

Pourtant, un rameau, ce n’est pas grand chose. A peine une branche. Soit dit en passant : le symbole de la paix, ça n’a jamais été un chêne, ni un cèdre du Liban, ni même un olivier, c’est juste un rameau d’olivier, une branchette.

Mais la pédagogie de Dieu est de nous rendre attentif à ce qui ne paye pas de mine :sacré exercice pour nous les humains qui avons toujours été attirés par ce qui est grand et fort !

Ici, rien de tel : quelque chose de vivant et de nouveau sort…d’une souche morte.
Cette petite pousse évoquée par Esaïe est célèbre pour la foi chrétienne : elle préfigure l’Espérance promise par le Seigneur, celle d’un Roi sans couronne, envoyé dans le monde pour ouvrir un chemin d’espérance, de justice et de paix,non seulement pour les habitants de Jérusalem mais pour tous les humains, sur toute la terre. Et même pour toute la création. Y compris le loup et l’agneau. Oui, cette vision prophétique désignera pour les chrétiens la venue du Messie, Jésus le Christ, Celui qui nous révèle non pas que le nouveau monde est arrivé et qu’il n’y aurait plus qu’à s’asseoir pour l’occuper mais qu’un autre ordre du monde est possible, grâce à l’Esprit de Dieu.

De quelle manière ? A contre courant de nos attentes humaines. Voyez l’image biblique : le signe donné est un enfant qui ouvrira le chemin au milieu des bêtes sauvages. Chemin qui aboutira à Bethléem. Dans la puissance et la gloire ? Non ! Dans le choix de la fragilité et de l’humilité.

Bon d’accord, mais en attendant, diront peut -être les plus pessimistes d’entre vous, qu’est ce qui a changé depuis la venue de Jésus-Christ ? Aucune des prophéties d’Esaïe n’a été réalisée ! Nous en sommes toujours au même point. Notre monde, aveuglé, continue de carburer avec les polluants que nous lui fournissons : la domination, l’orgueil, le profit, la haine, le chacun pour soi ..…Oui, aujourd’hui encore et partout sur la terre, nous trouvons toujours de bonnes raisons pour nous sauter à la gorge comme des bêtes sauvages afin de défendre nos convictions,nos croyances, notre façon de voir les choses, et de justifier notre volonté de puissance.

Avouons-le, il n’y a rien de plus naturel que l’animosité ! Ce qui est contre nature, ce qui est exceptionnel,c’est que ça se passe bien, c’est qu’il y ait une véritable écoute des autres et une estime mutuelle Oui, l’extra-ordinaire, c’est quand les humains font le Bien. Mais le Christ nous invite à changer de logiciel : à penser en fonction de Dieu et non en fonction de nos mauvaises images du monde : avoir la foi, c’est regarder le monde tel qu’il pourrait être et non pas uniquement en fonction de ce qu’il a été jusque là. Si vous voulez changer le monde, commencez donc par vous-mêmes,  disait le sage hindou Gandhi, qui fut très attiré par l’Evangile. Un jour il a même déclaré  : « Sans doute serais-je chrétien, si les chrétiens l’étaient 24 heures par jour ».

Alors, commençons nous mêmes : au lieu de nous regarder en chiens de faïence, au lieu de traiter notre voisin de chacal , au lieu de nous imaginer qu’un tel  est venimeux, qu’une telle est une lionne, si donc on essayait d’aborder les autres avec les yeux de l’Éternel, c’est-à-dire sans préjugé, sans rancœur ? Ça changerait tout. Alors, celui qui était vu comme insupportable devient fréquentable. C’est ainsi que Jésus a vécu, libre des préjugés, libre des qu’en dira-t-on, libre du poids de l’histoire.

Chers amis, accueillons le Rameau d’Esaïe en la personne de Jésus-Christ non pas comme un programme, mais comme une folle Espérance, celle de Dieu pour nous, pour le monde. L’espérance se conjugue avec un verbe que nous avons parcouru cet après-midi avec les enfants : c’est le verbe rêver.

Rêver, c’est voir plus loin, c’est cheminer et jamais se croire arrivé. Un immense témoin pour nous tous -et qui en a payé le prix fort -fut le pasteur baptiste afro-américain Martin Luther King dont nous avons écouté le célèbre discours avec les enfants cet après midi.  Un discours  profondément marqué par la vision et les mots d’Esaïe.

Et nous ? Nous avons plus que jamais besoin de rêver dans ce monde incertain, déboussolé, balloté par les flots de la haine, des conflits et de la peur ! Tout est possible pour celui et celle qui ose rêver, espérer à contre-courant de tous les blasés et de tous les pessimistes de ce monde.

Lucie, par ton baptême et ta profession de foi, tu as affirmé tout à l’heure une belle audace, témoignant d’une foi toute neuve qui ne demande qu’à découvrir et grandir !  Luther King disait : «  Ce qui compte dans la foi, c’est de faire le premier pas sur le chemin de la foi. Vous n’avez pas à le parcourir entièrement, juste à faire le premier pas. »
Martha, par ta foi enthousiaste et généreuse,  partagée avec nous dans le service pendant toute une année, tu as témoigné de la Bonté de Dieu pour tous et de son merveilleux projet de vie pour nous, tu as montré que le rêve n’empêche pas l’action ni l’action de rêver. « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait.» a dit un romancier anglais.
Le jour où nous ne rêverons plus, nous cesserons d’être de Bons vivants. Chers enfants du caté, vous avez vous aussi une responsabilité formidable, celle de maintenir vivace l’esprit d’Esaïe insufflé par Dieu. Et vous êtes, j’en suis sûre, bien équipés pour cela, équipés pour faire preuve de liberté et d’audace, de courage et de solidarité. Et nous, vos aînés, nous avons besoin de votre regard sur le monde, nous avons besoin de vos rêves et de votre énergie pour préparer l’avenir ensemble, en compagnie du Seigneur, et pour apprendre, à l’école de l’Evangile, à devenir fraternels. Cela prend du temps, sans doute toute une vie. Mais Martin Luther King  le dira , peu de temps avant d’être assassiné par un extrémiste : « nous n’avons plus le choix. Si nous n’apprenons pas à vivre ensemble comme des frères, nous mourrons ensemble comme des imbéciles ».

Amen

 

Titia Es-Sbanti

Prédication du culte inter-génération, « Le carnaval des animaux », samedi 29 juin 2024


Texte  biblique : Esaïe 11,1-9

1Un fils sortira de la famille de Jessé, comme une jeune branche sort d’un vieux tronc.Une nouvelle branche poussera à partir de ses racines.2L’esprit du SEIGNEUR reposera sur lui. Il lui donnera la sagesse et le pouvoir de bien juger. Il l’aidera à prendre des décisions et le rendra courageux. Il lui fera connaître le SEIGNEUR et lui apprendra à le respecter. 3Alors cet homme prendra plaisir à respecter le SEIGNEUR. Il ne jugera pas selon ce qu’il voit, il ne décidera pas d’après ce qu’il entend dire. 4Il jugera les pauvres avec justice, il sera juste pour ceux qui,dans le pays,sont sans défense. (…) 5La justice et la fidélité seront pour lui comme la ceinture qu’on porte sans cesse autour de la taille. 6Alors le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau. Le veau et le lionceau mangeront ensemble. Un petit garçon les conduira. 7La vache et l’ourse mangeront dans le même champ, leurs petits auront le même abri. Le lion mangera de l’herbe sèche comme le bœuf. 8Le bébé jouera sur le nid du serpent, et le petit garçon pourra mettre la main dans la cachette de la vipère. 9Il n’y aura plus ni mal ni violence sur toute la montagne sainte du SEIGNEUR. En effet, la connaissance du SEIGNEUR remplira le pays,comme l’eau remplit les mers.