Grenouilles de bénitier

Les aînés connaissent l’expression, les plus jeunes ne la comprennent plus. A l’époque où les «pratiquants» étaient nombreux, on l’entendait sans doute plus souvent, mais la fréquentation des églises a baissé et les grenouilles aussi. Seuls les bénitiers sont restés assidus  (la pierre est une valeur sûre)…


Oui mais, me direz peut-être, cette expression concerne les catholiques car chez les protestants, il n’y a ni bénitier ni eau bénite ! C’est vrai, mais nous avons quelques grenouilles et nous espérons qu’il ne s’agit pas d’une espèce en voie de disparition – on a même encore des têtards : ils ont rendez -vous un samedi par mois au Mas des abeilles pour une rencontre «caté». C’est un temps fédérateur et joyeux qui, au moment du culte, relie toutes les générations entre elles. La préparation de ces samedis catéchétiques est laborieuse mais le principe est simple : les futures grenouilles plongent dans la mare biblique pour y découvrir les récits, bondissent d’un nénuphar à l’autre pour changer de point de vue, happent de savoureux insectes partagés au moment du goûter, et enfin : s’essayent à de nouveaux chants, histoire de
côasser ensemble avant de se mettre à croîre.

N’empêche que l’expression est péjorative :  »quelqu’un faisant preuve d’une dévotion excessive est surnommé grenouille de bénitier » , nous rappelle madame Wikipedia. J’avoue que la formule m’a toujours amusée qui associe ces petits batraciens espiègles aux croyants trop pratiquants ! Certes, dans la liturgie catholique, les fidèles, en entrant dans une église, trempent le bout des doigts dans l’  »eau bénite » puis font le signe de croix. Mais bon, il n’ y a pas que les grenouilles qui vivent au bord de l’eau..
Enfin, qu’importe ! Car si les grenouilles ont l’air de coquines, elles ont aussi de nombreuses qualités : très attentives, elles sont capables de rester longtemps tranquilles et immobiles. Ça aide à suivre le culte du samedi soir (même si les têtards ont le droit de bouger). Ensuite, elles sont capables de grands sauts. Et nous, protestants, avons -nous fait beaucoup de bonds en avant dans nos Eglises depuis la Réforme de Luther ? D’autre part, ces petits animaux vivent toujours près d’un point d’eau. Et nous : autour de quelle source nous rassemblons-nous ?

Autre qualité à mentionner, une récente promotion : les grenouilles font désormais partie des NAC (Nouveaux Animaux de Compagnie). Et protégées, de sur-croît ! Voilà un vrai saut qualitatif, une intégration réussie, parce qu’elles reviennent de loin, les grenouilles : rappelez -vous que leurs congénères ont participé aux dix plaies d’Egypte décrites dans la Bible (1).

Enfin, si depuis longtemps les grenouilles ne font plus les baromètres, elles nous rappellent, en grimpant aux roseaux, que la météo peut nous jouer de très mauvais tours si nous continuons à faire la sourde oreille.
L’urgence climatique interroge notre foi et nous invite à repenser nos pratiques, avec ou sans bénitier. En attendant, bénies soient toutes les grenouilles de bonne volonté, elles seront appelées Bêtes-à-Bon Dieu ! C’est le titre du  fil rouge de l’année  »caté » pour 2023-24, mentionné au fil  de l’agenda…en guise de pense-bêtes.

 

Titia Es-Sbanti
1er Septembre 2023

 

(1) Exode 8, 1-11