Va vers toi !

Soixante quinze ans : est-ce bien raisonnable pour se lancer dans de grandes aventures ? C’est pourtant l’âge d’Abram, nous dit la Bible lorsque Dieu l’appelle. Et ce n’est pas pour s’offrir de belles vacances. Non, c’est un appel, un ordre, et Abram le reçoit comme tel.

Quitte ton pays, ta famille, ta maison… » On pourrait continuer la liste : ta culture, ta langue, ta religion, etc.. Et  ce n’est pas tout : il s’agit de partir pour aller…on ne le sait où !  Dieu dit à Abram : Va- vers -le -pays -que -je -te -montrerai. Demandez à votre GPS d’enregistrer cette information !

Soixante quinze ans..C’est à peu près l’âge de vos grands -parents quand vous êtes au collège ou au lycée. Oui, partir à pied vers l’inconnu, tout quitter, sans assurance tous risque, il faut le faire !

Riche propriétaire et éleveur, installé à Charan, Abram devait mener une vie aisée, alors, cet appel de Dieu à s’en aller, à tout quitter, c’est un peu stupéfiant. Certes, il ne sera pas seul, il emmènera sa femme Saraï et son neveu Loth. Il partira aussi avec tous ses biens et ses nombreux troupeaux. Mais, ce n’est pas très pratique pour se déplacer ! Voyager léger comme on dit aujourd’hui, c’est bon pour les temps modernes, quand on a des billets ou une carte bleue dans sa poche. Abram, lui, a du bétail en pagaille, et ça ne rentre pas dans un portefeuille.

Et bien non ! Sa vie va complètement changer. Il va devenir nomade jusqu’au bout de ses sandales pour le restant de sa vie. Dresser sa tente, la démonter. Camper puis repartir. Se déplacer chaque jour. Faire paitre les troupeaux, trouver des pâturages, et des points d’eau. Oui, comment peut-on décider de partir d’un jour au lendemain, et de quitter ce qu’on connait, ce qui nous convient, ce que l’on a construit de longue date ? La Bible ne nous donne aucune explication. Le Seigneur appelle Abram et celui-ci obéit. Aucune parole prononcée, aucune question posée.
Silence de la part d’Abraham. Une voix l’appelle, du plus profond de lui même mais nous, lecteurs, n’avons pas accès à l’intimité de cet appel.
Abraham a beaucoup de biens mais son bagage le plus précieux : c’est la confiance. Non pas un savoir ni une certitude bétonnée qui empêcherait les épreuves et les difficultés. Non, c’est une force intérieure qui permet de tenir debout, face à l’adversité, aux tempêtes -de sable ou de la vie- qui affronte le vent, qui permet d’espérer envers et contre tout. C’est une force profonde, qui vient du dedans, qui nous est donnée, pour autant qu’on veuille bien la solliciter.

Va, quitte ton pays et va vers celui que je te montrerai....
Le texte hébreu opère ici un jeu de mots qui passe totalement inaperçu dans nos bibles en français. Voici : ce qu’on a traduit par « quitte ton pays » se dit en hébreu leikh leikha. Pas besoin de savoir l’hébreu pour comprendre qu’il y a là un son qui nous fait un clin d’oeil, ou plutôt : un clin d’oreille.

LEKH LEKHA signifie littéralement : va vers toi. Ou encore : va pour toi-même. Ce qui est totalement différent de «quitte ton pays » ! Ainsi, le départ vers une terre inconnue n’est pas seulement géographique, c’est aussi l’occasion d’un voyage intérieur. A la découverte de soi-même. Tu cherches à donner un sens à ta vie ? C’est en marchant que tu le trouveras, et que tu te trouveras toi-même. C’est en avançant que tu découvriras qui tu es vraiment.

Abram quitte sa famille, le lieu de sa naissance, le lieu de son enfance, là où il a grandi. Et au fur et à mesure qu’il avance, alors qu’il pourrait se perdre, en fait, il se trouvera. Dans son voyage, il comprendra que son identité ne se situe pas derrière lui ,dans sa naissance, sa nationalité ou son territoire, mais qu’elle est devant lui. Un pas après l’autre, en marchant dans le désert, c’est -à -dire, vers l’inconnu, voire l’inquiétant.

Abram fera preuve de patience car le chemin sera plus long que prévu. Alors, si parfois notre route nous paraît longue, difficile, pensons qu’Abram nous a précédés sur ce chemin et cette route, on ne finit jamais de la parcourir.

La réponse d’Abram à l’appel de Dieu est immédiate. Il part. Il ne sait pas où il va, mais la confiance dont il témoigne à l’égard de Dieu lui permet de découvrir les signes de sa présence tout au long de la route. Et Il avance. 

Lekh-Leka, va vers toi.. Ces paroles n’appartiennent pas seulement à notre ancêtre Abram. C’est la destinée de chacun de nous de partir. Abram n’est pas le seul. Regardez autour de vous, demandez à votre voisin, votre voisine..
Jésus parlera aussi de départ à ses disciples et à ceux qu’il croisera sur son chemin : Bartimée l’aveugle, Zachée le collabo, Myriam la schizophrène, Matthieu le comptable, la Samaritaine étrangere, Nicodème le pharisien.. A chacune de ces personnes rencontrées, Jésus dira qu’un nouveau départ est possible, une bifurcation, un chemin de traverse, un sentier, une clairière.. et qu’on n’est pas obligé de prendre l’autoroute, même si ça va plus vite ou si c’est direct.

« il faut savoir se perdre, dit un proverbe de sagesse juive. Le Christ nous appelle à sortir des itinéraires trop bien tracés ainsi que des traditions et schémas qui nous enferment. Au fond, il nous dit : si vous voulez devenir mes disciples, réfléchissez d’abord à la façon dont vous vivez aujourd’hui, à votre façon de « marcher votre vie ».

Devenir disciple de Jésus-Christ, ce n’est pas être gentil, c’est mener avec son aide, un combat de tous les instants contre tout ce qui voudrait nous séparer de Dieu. Jésus nous avertit : ce chemin-là ne va pas de soI. Il n’est pas facile de refuser la fusion, l’enfermement, les rôles hiérarchiques et les «dans la famille, on pense comme cela et pas autrement et tu feras la même chose».

Abram n’est pas seulement parti avec de la confiance. Il y a autre chose d’infiniment  précieux : c’est la bénédiction que Dieu lui donne. C’est d’ailleurs un mot qui revient plusieurs fois dans les passages que nous avons lus. Bénir : c’est dire du bien. La bénédiction est une parole bonne prononcée par Dieu et posée sur nos vies. Elle peut aussi se traduire par une présence. Ainsi dira t-on d’une personne lumineuse qu’elle est une bénédiction pour son entourage. Bénédiction ce sont 3 B : la rencontre du BON, du BIEN et du BEAU. Si l’on compare la bénédiction à un repas d’amis que des liens forts ont réunis, on peut dire qu’elle ressemble à ce moment où l’on se lève pour se dire au revoir et partir, et où l’on glisse encore à l’oreille de l’autre quelques mots sur le seuil de la porte, pour se souhaiter bonne route, bon voyage, bonne chance, bon courage, bon rétablissement…C’est l’équivalent liturgique de l’au revoir. La bénédiction c’est l’adieu dans son sens le plus spirituel : on remet l’autre entre les mains de Dieu, on le confie à la grâce de Dieu. La bénédiction, c’est ce que nous demandons à Dieu pour nourrir, accompagner chaque jour de notre vie : à vous tous, au seuil de l’été, paroissiens, amis, visiteurs, enfants, adultes, parents et grands -parents. La bénédiction, c’est cette Parole Bonne que nous avons demandée tout à l’heure à Dieu pour Constance, au moment de son Baptême, nouveau départ qu’elle a décidé de marquer dans sa vie de foi. La bénédiction c’est ce que nous demandons à Dieu pour nos deux amis qui sont sur le point de partir vers des horizons nouveaux, appelés par le Christ à le servir et à annoncer l’Evangile. Olivier et Mathilde, la tendresse de Dieu sera votre cantique et sa bénédiction votre courage.

Engagés dans l’Eglise depuis longtemps, chacun de vous avait déjà quitté une façon de vivre, professionnellement et familialement. Et redevenir étudiants à 40 ans, c’est une sacrée conversion ! Cela ne vous a pas empêché de vivre des épreuves et d’être traversé par des doutes, mais de ceux -ci vous avez fait non pas un adversaire mais un compagnon de route…

Partir, ce n’est jamais de tout repos, mais n’avons-nous pas l’éternité pour nous reposer ? Il suffit de penser à l’étymologie du mot paroissien : para-oïkos, se tenir à côté de la maison. Etymologie que le Christ a sans doute le mieux incarné, dans son parcours de sans-domicile fixe, lui qui «n’avait pas de lieu où poser sa tête».

N’est-ce pas le propre du croyant d’être toujours en chemin et de ne jamais se croire arrivé ?

Alors ?
Lek Lekha Olivier : va vers toi, vers le chemin que le Christ a ouvert pour toi, non seulement à Valence, mais, en profondeur, vers la mission à laquelle le Seigneur t’a appelé..

Lek Lekha Mathilde : va vers toi, au-delà de l’Eglise de Vergèze, c’est vers la Joie de servir le Christ que tu continueras de te diriger..

Lek Lekha  Constance : va vers toi, prends ton temps, vers la découverte de l’Evangile qui ne fait que commencer car le baptême n’est pas une destination mais un point de départ.

Que Dieu vous bénisse toutes et tous. A nous d’accueillir sa Parole de Vie, car aujourd’hui est le premier jour de ce qui nous reste à vivre. C’est aujourd’hui que tout commence !

Amen

Titia Es-Sbanti

Prédication -Culte caté du 25/06/2022, « La clé des champs« – temple du Mas des abeilles.

 

Texte biblique : extraits de Genèse 12

1Le Seigneur dit à Abram : « Quitte ton pays, ta famille et la maison de ton père et va dans le pays que je te montrerai. 2Je ferai naître de toi un grand peuple ; je te bénirai et je rendrai ton nom célèbre. Tu seras une bénédiction pour les autres. 3Je bénirai ceux qui te béniront, mais je maudirai ceux qui te maudiront. À travers toi, toutes les familles de la terre seront bénies. » 4Abram, qui était âgé de 75 ans, sortit de Charan comme le lui avait dit le Seigneur et Loth partit avec lui. 5Abram prit donc avec lui sa femme Saraï et son neveu Loth ; ils emportaient toutes leurs richesses ainsi que leurs serviteurs. Ils se dirigèrent vers le pays de Canaan.

 

Un des chant des catéchumènes  au cours du culte :

Les « Au revoir  » de la paroisse à Olivier et Mathilde :

Baptême de Constance :