La clé sous le paillasson

Pas de place… au Mas des Abeilles ? Non, à Bethléem. Cette nuit-là, les hôtels, les gîtes, centres d’hébergement, tout le monde affichait ‘complet’ ! Comme on le redoute, ce mot ! Surtout après de longs voyages, quand vous débarquez tard dans la nuit dans une ville inconnue, seul  ou en famille- avec des enfants énervés derrière votre siège de voiture, gesticulant leur furieuse envie d’en finir : « quand est ce qu’on arrive ? »

COMPLET : un mot aussi froid que le mistral en plein hiver, surtout  pour ceux qui sont dehors, sans abri et sans espoir.
« Tu crèches où, ce soir ? » Voilà une expression qui sort tout droit de l’Evangile.
La naissance du Fils de Dieu, loin du confort, des lumières et des projecteurs, s’inscrit dans cette sentence : « il n’y a plus de place ». La ville de Bethléem est pleine à craquer. Pourquoi ? A cause d’un César Auguste, empereur mégalo qui a décidé un recensement de tous les habitants de l’ Empire romain sur lequel il règne, histoire de vérifier qu’il est bien le plus puissant de la terre, le centre du monde !Caprice de celui qui a tous les pouvoirs et oblige des populations entières à se déplacer de partout vers partout, puisque chacun doit rentrer ds sa ville ou son village de naissance. Et donc parcourir des kilomètres à pied ou à dos d’âne.La ville de Bethléem devait être un seul immense embouteillage, un peu comme à Nîmes le vendredi et samedi soir aux périodes de Noël, ou quand il y a un match de foot au stade des Costières…

Et oui, le récit de Noël que nous rapporte l’Evangile de Luc, c’est se rappeler que le Fils de Dieu naît dans une période agitée, un pays occupé par des Romains, qu’il nait sans puissance et sans gloire, dans la pénombre et la précarité. Mais à force de chanter qu’il est le Roi des rois, le Prince de la paix, de faire de lui une figure royale, on oublie qu’il n’est pas né dans un palais et que personne ne lui a pas déroulé le tapis rouge… En effet, celui que Dieu a envoyé dans le monde pour se révéler à nous n’était attendu de personne. Il aurait même pu passer inaperçu  ! Jésus nait dans un casi anonymat.
C’est grâce à des bergers que la nouvelle de sa naissance comme Fils de Dieu s’est propagée aux alentours , dans la campagne autour de Bethléem, puis à Jérusalem puis partout ailleurs, et a ensuite fait boule de neige !

Des bergers,vous vous rendez compte ! Des gens humbles, proches de la terre et loin des puissants et des grands qui gouvernent le monde ! Des gens qui à l’époque de Jésus, n’étaient pas en odeur de sainteté : ils étaient plutôt méprisés , on les tenait à distance ! Ils ont été courageux de se faire les porte parole de la Nativité, ils ont eu confiance , ils ont pris le risque d’être jugés, rejetés, de ne pas être entendus.

En fait,  dans cette histoire de Noël, tout le monde s’est lancé dans l’aventure, tout le monde a pris des risques. Mais sans risques, il n’ y a pas de vie possible,pas de rencontre, pas d’avenir. C’est que, dès le départ : il aura fallu une sacrée dose de confiance, cet ingrédient précieux sans lequel on ne va pas loin.
Confiance : c‘est cette attitude qui fait qu’on met la clé sous le paillasson sans inquiétude, sans peur , tranquillement..Voyez Joseph et Marie : la venue de Jésus a totalement bouleversé leur existence. Et cela aurait pu très mal se passer !

En effet, que serait-il arrivé  si Marie n’avait pas accueilli avec confiance l’annonce de l’ange venu lui annoncer qu’elle serait enceinte  alors que ce n’était pas du tout dans ses projets ? Il a fallu accepter le risque d’être jugée, montrée du doigt, d’être rejetée par son fiancé Joseph..Parce que Marie, jeune fille de Nazareth, elle n’avait rien demandé !
Et que dire de Joseph ? Lui non, plus il n’avait rien demandé ! Certes, Ils étaient fiancés, Marie et lui. Mais chacun vivait chez soi. A cette époque là, on risquait gros quand on ne respectait pas la tradition ! Que se serait-il passé si Joseph n’avait pas eu confiance en Marie ? S’il n’avait pas accepté sa situation sans la juger ? S’il l’avait rejeté comme la loi le lui permettait à l’époque, s‘il n’avait pas fait le pari de la foi ?

Oui, le récit de la Nativité est une histoire de confiance exemplaire, par dessus les doutes, par dessus les incertitudes, les risques, les jugements. Mais au fond, si tous ces témoins ont eu confiance, n’est -ce pas parce que Dieu le premier a fait confiance à chacun d’eux ?

 

Titia Es-Sbanti

Prédication pour la Fête de Noël, Paroisse du Mas des abeilles, 18 décembre 2021.

 

 

Ci-dessous : extrait de la Saynette de Noël  « La clé sous le paillasson ».
Depuis leur appartement à  Nazareth, Joseph et Marie, aidés de l’ange Gabriel, cherchent à réserver une place d’hôtel à Bethléem par internet :