De Babel au sel de la terre

Wat is er toch aan de hand met die toren  van Babylon ? En wat zijn al die verschillende stammen na Noach, die worden genoemd ? Gekke onuitspreekbare namen , allemaal zo verschillend, nietwaar ? Hoe is het mogelijk dat ze allemaal zogenaamd dezelfde taal spreken in het begin ?

Oh la la, mais où sommes-nous ?
-Bèn quoi, tu as entendu comme moi non ? Au commencement était  LES langues, LES peuples, LES couleurs, l’arc en ciel (posé par Dieu).. 
Nous avons même entendu des tas de noms aux sonorités aussi diverses que des notes de musique : ce sont les noms des nombreux descendants de la famille de Noé une  incroyable diversité de peuples et qui vivent tous aux quatre coins de l’horizon.
Ce qui est curieux, c’est que juste après, on nous dit que les humains se mettent tous à parler un même langage !
Comment cela se fait-il ? Que s’est -il passé entre entre les deux  ? Tous différents puis tous pareils : vous y comprenez quelque chose, vous ?

Reprenons depuis le début : L’histoire raconte qu’ils décident de s’installer, dans tous les sens du terme. Ils vont se regrouper et se choisissent une vaste plaine de la Mésopotamie. Quoi de plus rassurant qu’un projet unique et technique pour rassurer et créer un sentiment d’unité et d’appartenance. L’union fait la force, n’est -ce pas.
Alors, ils ont dit  : « Fabriquons des briques ».
Et tout le monde a répété d’une seule voix -comme des robots- : oui, oui, des briques !
Puis  ils ont dit  : « Bâtissons une ville !  Et  tous ont répété  : oui oui , une ville, e
t au milieu une tour dont le sommet touchera le ciel ! Oui oui, aussi haute que le ciel  !

Tristement  formatés
Quelle est donc cette frénésie soudaine à  faire bloc ? Une ville unique et gigantesque pour loger toute l’humanité, avec , en guise de drapeau, un gratte-ciel. En plus, l’histoire semble dire qu’ils sont tous d’accord.. drôle d’unanimité !  Il n’ y a que des régimes totalitaires qui réussissent à obtenir une telle obéissance collective. « Quand tout le monde s’agglutine autour d’une opinion, fuyons, la vérité est sûrement ailleurs » disait un écrivain libanais.

Voilà donc le menu de Babel : le formatage. Rien que dans les quelques phrases du récit biblique, tout est dit. Non sans une immense ironie. Tout le monde  travaille en cadence, marche au même pas, et parle à l’unisson. Tous fondus dans un même moule, celui des briques qui font bloc. Une pensée unique, sur un modèle unique…Une tour jusqu’au ciel « made in Babel »…Ne faire qu’un seul peuple, ne parler qu’une seule langue. Et n’avoir qu’une parole...

Et ce qui est frappant, c’est que personne ne s’oppose ou résiste, et tout le monde dit la même chose. « Briquetons des briques » nous dit littéralement le texte hébreu.La langue commune est réduite à son utilité technique : une brique c’est une brique. Le ciment est du ciment.

« Tout le monde parlait la même langue et se servait des mêmes mots..
Où donc sont  passées les couleurs et les odeurs, la diversité des langues , des peuples ?  La diversité (différence) tout court ?
Serions -nous tombés dans un univers de clones, une vision fade et sans relief, en noir et blanc ?
Un monde où tout le monde pense pareil, fait pareil ? Quel dommage…Le Seigneur avait offert la diversité à l’humanité, mais les hommes de Babel  lui préfèrent la répétition !
Derrière le projet de la construction de Babel se cache un fantasme d’uniformité : être du même bord et vivre la même histoire. Un seul langage, une seule façon de faire et de penser : voilà la  première tentation que le récit de Babel  pointe du doigt..

Vouloir briller
Mais ce n’est pas fini ! Non seulement les humains veulent gommer tout ce qui n’est pas comme eux, couper tout ce qui dépasse et qui fait tache, mais en plus, ils veulent une tour plus haute que toutes les autres, qui atteigne le ciel, qui « gratte  » le ciel. Dans le vocabulaire biblique de  l’époque,  on croyait que le ciel avait un plafond , une voûte, et donc arriver à la toucher, c’était le nec plus ultra, c’était être le plus puissant de l’univers, le roi des rois, l’empereur.  Cela voulait dire  devenir « comme Dieu ». Autrement dit : se passer de Dieu.
Ainsi, avec une  ville unique et gigantesque, on ne sera plus jamais dispersés, et avec une méga-tour, on sera fort et célèbre. Tout le monde nous verra, et  nous admirera. Après le désir de pensée unique , voilà la 2ème tentation : celle de vouloir briller, en mettre plein la vue, se sentir tout puissant !  Gratte-ciel  made in BabelDans ce mode de pensée, laissez vos scrupules au vestiaire  et  bienvenue dans le monde de la compétition.

Au fond, la tour de Babel n’est autre que le symbole de l’orgueil, de la démesure et de l’arrogance. Quelle modernité ! Cette compétition aux allures enfantine n’a jamais cessé d’exister. Ça commence très tôt dans la vie d’un humain. Dans la cour de récréation, dans le quartier, dans  la rue, à travers des  bagarres et des concours de muscles.. Sur tous les continents , depuis des décennies,  on ne cesse de bâtir de plus en plus haut : afin de dépasser des records. Le monde est devenu un terrain de jeux olympiques. De plus, des sociologues ont constaté que chaque fois que notre monde a été en crise, il a construit des tours plus hautes. On pourrait se dire  : « oui, c’est moche, heureusement qu’on n’est pas comme ça, nous » Mais est -ce que cela ne nous arrive pas à nous aussi, dans nos villes et dans nos vies?
Les tours qui se construisent ne sont pas faites de béton seulement. Il y a les tours d’ivoire, les tours d’argent, les tours de la connaissance, les tours du tout  -sécurité.
En fait, les grands récits de la Bible disent  toujours quelque chose de nous, de ce que nous sommes profondément…

Le risque de s’enfermer
Finalement, cette tentation de  vouloir parler d’une seule voix, d’être pareil, et d’être célèbre, de se faire un nom.. pourrait se résumer en une seule formule : le risque de s’enfermer dans une identité unique à laquelle il conviendrait d’adhérer. Aucune de nos communautés chrétiennes n’est à l’abri  de cette tentation de l’entre soi.
Un cadre stabilité, sécurisé, identifié, installé… où est la faille ? Dans le fait de tout  fermer et donc ne laisser aucune place à la surprise de Dieu. Le peuple de Babel est en train de s’enfermer dans une autosuffisance qui ne laisse pas de porte de sortie. C’est ainsi, que, non sans ironie, le récit raconte que Dieu va « descendre » voir ce qui se passe  – car contrairement à ce pensent les humains-Il n’est pas loin !
Dieu va les forcer à sortir de ce cloisonnement, les pousser dehors avec un bon coup de pied au derrière, pourrait-on dire : celui du langage. Ce n’est pas violent, c’est juste efficace ..et vital. La confusion du langage  va mettre, par la force des choses, un arrêt net au chantier de la tour. Ils parlaient tous un même langage , ils avaient tous le même code et …ne se comprennent plus !
Ils avaient peur de cette diversité et la fuyaient, les voilà revenus dans la diversité des langues qui fait le charme de l’humanité ! C’est comme un  immense courant d’air salutaire dans une tour, une pièce  renfermée.

Cette intervention de Dieu à Babel dit en quelque sorte aux humains et à nos Eglises : il est urgent de ne plus rester « entre soi », Il est urgent de ne pas se contenter de ce que nous connaissons déjà, de ce que nous avons toujours fait, et toujours vécu. Il est urgent de pas se contenter de répéter les mêmes formules, les mêmes airs, les mêmes slogans.

Le Souffle de Dieu vient soulever, déplacer de façon salutaire tout ce qui ferme et fige, et rétrécit. Retrouvons la diversité des langues, des mots et des idées ! Retrouvons  le bel  effort pour comprendre l’autre, sa culture, ses symboles, ses manières de penser. S’approcher de lui, se laisser approcher par lui : une si belle aventure, quand on y pense !

Dieu fait sortir les humains de cette tour infernale. Ce n’est pas là haut que ça se passe, leur dit-il. Cela ne vous fait-il pas penser à un autre récit de la bible … plus proche du nouveau testament ? Un récit où il est question de l’urgence de sortir de sa tour, au risque de s’enfermer  et ne plus pouvoir témoigner de l’heureuse diversité que Dieu a donnés à chacun.. Pentecôte !  Que nous venons de fêter il y a 8 jours…

Babel c’est l’histoire  des humains qui veulent conquérir le ciel. L’Evangile, c’est l’histoire de Dieu qui s’offre au ras du sol et,  à la croix, nous ouvre ses bras.

Amen

Titia ES-SBANTI, Prédication au culte KT, Mas des abeilles, 29 Mai 2021

 

Retrouvez le témoignage d’ Eliane :
https://nimes-eglise-protestante-unie.fr/babel-jy-etais/